CHAPITRE IX – Sotériologie, ecclésiologie et modèles missionnaires


Dans le chapitre précédent nous avons vu que la compréhension du salut influence la forme des modèles missionnaires. L’apparition de nouveaux modèles au XXe siècle a été possible grâce à une compréhension élargie du salut. La sotériologie influence la compréhension que l’on se fait de la mission et par là même les moyens pour l’accomplir.


Pendant des siècles la mission a été vue comme service de salut éternel. L’Église était spécialement au service de l’évangélisation[1]. Son but premier était la rédemption du genre humain et l’implantation de nouvelles communautés chrétiennes. C’est cette même vision que l’on retrouve généralement dans le MCE. Dans les paragraphes qui vont suivre nous allons voir comment une mission basée uniquement sur les impératifs missionnaires de la fin des Évangiles de Matthieu et de Marc favorise une dichotomie entre la proclamation de l’Évangile et les œuvres sociales. Cette dichotomie est accentuée lorsque l’on réduit le salut à sa dimension eschatologique. Les ecclésiologues Jean-Marie Tillard et Christian Schwartz apporteront aussi leur contribution pour éviter d’avoir une conception de l’Église qui la réduit à produire des convertis.


9.1 Mission et sotériologie


L’Église, née de la mission du Fils[2] et envoyée par lui, est missionnaire par nature :


Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde. (Mat 28:19-20).


Allez dans le monde entier, proclamez l'Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé ; celui qui ne croira pas, sera condamné. Et voici les signes qui accompagneront ceux qui auront cru : en mon nom ils chasseront les démons, ils parleront en langues nouvelles, ils saisiront des serpents, et s'ils boivent quelque poison mortel, il ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux infirmes et ceux-ci seront guéris. Or le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et il s'assit à la droite de Dieu. Pour eux, ils s'en allèrent prêcher en tout lieu, le Seigneur agissant avec eux et confirmant la Parole par les signes qui l'accompagnaient. (Mc 16 :15-20).


Appuyé sur ces deux passages bibliques, l’impératif missionnaire chrétien est particulièrement compris dans le sens de la proclamation et de l’enseignement. L’Église cherche avant tout à prêcher la Bonne Nouvelle à toute la création, c’est-à-dire la repentance et le pardon des péchés au nom de Jésus (Lc 24:47). Elle vise à rendre présent et à communiquer au monde le mystère du salut pour qu’il reçoive la réconciliation avec Dieu. Les bonnes œuvres accompagnent le message parce qu’elles ont le pouvoir d’attirer les êtres humains à la foi en Dieu[3]. Mais en voyant les bonnes œuvres comme un élément qui ne fait qu’accompagner le témoignage de l’Église plutôt que comme un élément constitutif de la mission, on créé une dichotomie entre œuvres et proclamation dans la mission chrétienne. On est dans une conception eschatologique du salut qu’il est nécessaire de dépasser pour en arriver à une vision plus intégrale.


9.1.1 Dichotomie entre proclamation de l’Évangile et œuvres sociales


La compréhension de la mission sous l’angle de la proclamation est commune à presque toutes les dénominations chrétiennes. L’emphase est mise sur l’enseignement et souvent sur la sacramentalisation, plutôt que sur l’implication sociale et l’accomplissement d’œuvres caritatives. Mais quand la proclamation et la sacramentalisation sont considérées comme le cœur de la mission, il est facile de glisser vers une pastorale de chiffres. Ainsi l'encyclique Rerum Ecclesiae du pape Pie XI de 1926 suggère une conception de la mission qui vise à adjoindre à l'Église catholique le plus grand nombre de personnes :


Surely the obligation of charity, which binds us to God, demands not only that we strive to increase by every means within our power the number of those who adore Him "in spirit and in truth" (John iv, 24) but also that we try to bring under the rule of the gentle Christ as many other men as possible in order that "the profit in his blood" (Psalms xxix, 10) may be the more and more fruitful and that we may make ourselves the more acceptable to Him to Whom nothing can possibly be more pleasing than that "men should be saved and come to the knowledge of the truth." (I Timothy ii, 4) [4]


McGavran définit la mission comme une entreprise consacrée à la proclamation de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ et à convaincre les hommes à devenir ses disciples et membres responsables de son Église[5]. De cette définition de la mission découle des activités ecclésiales qui visent à rassembler de manière visible et à impliquer des hommes et des femmes dans la communauté chrétienne. La mission tend à se confondre avec la croissance numérique de l’Église. L’accent est mis sur la proclamation de l’Évangile, le rassemblement en communauté et la formation des disciples. Le mandat missionnaire d’évangélisation occulte le mandat social.


D’ailleurs, dans le MCE, le terme mission est essentiellement compris sous l’angle d’évangélisation. Les conseils qu’il diffuse invitent à donner à l’évangélisation, dans presque toutes les situations, la priorité sur les œuvres sociales[6]. Les théologiens et les pasteurs de ce Mouvement se justifient par le principe de cause à effet : la conversion a des conséquences sur le social. En fait, ils tiennent à cette priorité parce qu’elle produit des résultats en termes de chiffres.


Cette orientation entre dans leur logique missionnaire puisqu’ils considèrent la croissance numérique comme étant la volonté première de Dieu pour l’Église : In view of all this and much more evidence, must we not consider mission in the intention a vast and purposeful finding? (…) Does not the biblical evidence rather indicate that in the sight of the God Who finds, numbers of the redeemed are important? God Himself desires that multitudes be reconciled to Himself in the Church of Christ.[7] La croissance numérique devient donc un but essentiel, sinon « le » but de la mission. Ainsi les pasteurs s’organisent pour qu’elle se réalise et écartent tout ce qui ne la produirait pas.


Le risque est de ne s’occuper des malades et des pauvres que s’il en résulte de la croissance. On fait des œuvres de charité (caritas) et des oeuvres sociales seulement pour disposer favorablement les gens envers l'Évangile et les attirer à l’Église. L’amour que l’on montre aux personnes repose sur l’espérance que celles-ci rejoigne l’organisation ecclésiale. Il ne prend pas racine dans l’amour gratuit et désintéressé de Dieu. Si une personne refuse de se « convertir » et de se joindre à la communauté, on ne s’intéresse plus à elle ni à ses besoins, ni à ses détresses. De quel genre de témoignage s’agit-il ici; n’est pas une parodie d’Évangile ?


Dans le protestantisme nord-américain, d’où le Mouvement de la croissance des Églises est issu, la distinction entre la dimension sociale et la dimension eschatologique n’a pas toujours été si nette. Au XVIIIe siècle, on considérait ces deux « mandats » inséparables. Même pour ceux qui avaient été touchés par le Réveil évangélique, l'engagement dans la réforme sociale était une suite logique du renouveau[8]. Mais progressivement on constata un glissement vers la primauté du « mandat d'évangélisation » relié à la montée du fondamentalisme (ou pré-millénarisme). Les fondamentalistes réagissaient à ceux qui, dans le christianisme social, s’intéressaient presque uniquement au « mandat social » et qu’ils accusaient de connivence avec le monde (dans le sens johannique du terme). Entre 1900 et 1930, toute préoccupation sociale finit même par devenir suspecte[9] : La grande vague d'engagement soulevée par les réveils des XVIIIe et XIXe siècles s'était repliée en un sectarisme étroit et intolérant[10]. Malgré une contestation dans leurs propres milieux, cette mentalité perdure encore parmi les fondamentalistes protestants[11].


On peut en bonne partie attribuer la priorité « féroce » donnée à l’évangélisation dans le MCE à leur conception du salut. Le salut est compris chez eux essentiellement en terme eschatologique, c’est-à-dire qu’il regarde uniquement le salut éternel. McGavran est convaincu que la chose la plus importante qu’une personne puisse faire dans sa vie est d’accepter le salut ; salut compris comme la réconciliation avec Dieu grâce à un acte de repentir et de foi en Jésus[12]. Le salut signifie la rédemption des âmes individuelles.


David Bosch estime qu’au nom d’une telle sotériologie, on a, au long des siècles, considéré comme des « services auxiliaires » et non comme missionnaires de plein droit le soin des malades, des pauvres, des orphelins et autres victimes de la société :


Leur but était de disposer favorablement les gens envers l'Évangile, de les « amadouer » et ainsi de préparer le chemin pour le travail du vrai missionnaire, celui qui proclamait la parole de Dieu concernant le salut éternel. Dans la plupart des cas, on garda une stricte distinction entre les activités « horizontales », « externes » (œuvres de charité, éducation, aide médicale), d'un côté, et, de l'autre, les éléments « verticaux » ou « spirituels » du programme missionnaire (prédication, sacrements, pratique religieuse). Seuls ces derniers avaient une influence sur l'appropriation du salut[13].


On est dans une conception affaiblie du salut qui conduit le croyant à se préoccuper d'activités de recrutement plutôt que d’engagements dans la société[14]. Heureusement, au XXe siècle cette vision rétrécie du salut a été contestée, permettant l’apparition de nouveaux modèles missionnaires.


9.1.2 De la conception eschatologique du salut à sa conception intégrale


Durant les dernières décennies, dans les différentes confessions chrétiennes, la critique a remis en question la sotériologie traditionnelle. La compréhension théologique a progressivement évolué pour embrasser une dimension sotériologique plus temporelle. Le salut a pu signifier la libération de la superstition religieuse, I'attention au bien-être de l'humanité et à son progrès moral. Les êtres humains ont alors été considérés comme des agents actifs et responsables du salut appelés à utiliser la science et la technologie pour réaliser des progrès matériels et entraîner des améliorations sociopolitiques dans le monde présent.


Une première réaction des Églises face à ces différents enrichissements - aussi bien dans les milieux catholiques que protestants - fut de continuer à définir le salut en termes traditionnels. Mais une seconde réaction fut de prendre au sérieux ces nouvelles perspectives théologiques. Le Christ n’était plus considéré seulement comme le sacrifice propitiatoire pour l’humanité mais aussi comme l'être humain idéal, un exemple à suivre, un maître de morale. Dans ce paradigme sotériologique émergeant, la faute et le salut ne séparent ou n'unissent pas seulement Dieu et les humains, mais les humains entre eux[15] :


La venue « verticale » de Dieu dans le monde se manifeste dans des relations « horizontales » transformées, heureuses : la relation de salut entre Dieu et l'homme se concrétise dans la conversion de la personne envers son frère et sa sœur. Le péché est - selon des catégories empruntées à Marx - I'aliénation des humains. Le salut n'est pas dépendant de la transformation des personnes, mais fait irruption quand des structures perverties et injustes sont abolies[16].


L’évolution de la conception du salut amena la Commission Mission et Évangélisation (CME) à Bangkok en 1973, à présenter le salut comme se manifestant dans la lutte : 1) pour la justice économique contre l'exploitation; 2) pour la dignité humaine contre l'oppression; 3) pour la solidarité contre la division; et 4) pour l'espérance contre le désespoir dans la vie personnelle (COE[17] 1973: 98). Dans les milieux catholiques, l’interprétation plus large du salut se manifesta particulièrement dans la théologie de la libération. Les chrétiens prient pour que le règne de Dieu arrive et que sa volonté soit faite sur la terre (Mat 6:10); il s’ensuit que de se soucier de l'humain, vouloir vaincre la famine, la maladie et la perte du sens, fait partie du salut que l’on espère et auquel les chrétiens ont à travailler. Ils ont à lutter contre la haine, I'injustice, I'oppression, la guerre et les autres formes de violence qui sont des manifestations du mal[18] :


Sans aucun doute, l’interprétation du salut qui a vu le jour dans la réflexion et la pratique missionnaire récente, a introduit des éléments sans lesquels la définition du salut serait dangereusement étroite et anémique. Dans un monde où les gens sont interdépendants et où chacun existe dans un réseau de relations interhumaines, il est absolument indéfendable de limiter le salut à l'individu et à sa relation personnelle avec Dieu[19].


La dichotomie entre évangélisation et activités sociales fut contestée au Conseil œcuménique des Églises (COE) de 1982, on y déclara :


Il n'y a pas d'évangélisation sans solidarité, pas de solidarité chrétienne qui n'implique que nous transmettions notre connaissance du Royaume, promesse de Dieu aux pauvres de ce monde. Le critère de crédibilité est double : une proclamation qui ne parle pas des promesses de la justice du Royaume adressée aux pauvres est une caricature de l'Évangile; mais si la participation des chrétiens aux luttes pour la justice ne renvoie pas aux promesses du Royaume, elle présente aussi une caricature de la justice telle que la comprend la foi chrétienne[20].


Grâce à ces progrès de la réflexion théologique, on peut mieux comprendre que le salut n’est pas hors de ce monde (salus ex mundo) mais aussi de ce monde (salus mundi)[21]. Il se produit dans le contexte humain d’une société qui chemine vers la réconciliation. Il est donc important que l’on assigne de plus en plus comme but à la mission le service d'un salut qui ne soit pas seulement eschatologique ou éternel mais « global », « intégral », « total » ou « universel », dépassant ainsi le dualisme inhérent aux modèles traditionnels ou même plus récents. En effet, la mission ne peut être ni séparée d’avec la lutte pour la justice, ni confondue avec elle[22]. En Yahvé, réside un engagement dans l'histoire qui prend la défense des faibles et des opprimés[23]. Aux yeux de Dieu « les derniers sont les premiers ». La foi et la vie sont inséparables; ainsi l’engagement missionnaire doit se faire à plusieurs niveaux : libération des situations sociales d'oppression et de marginalisation, libération des servitudes personnelles et libération du péché qui brise l'amitié avec Dieu et les autres êtres humains[24]. En Jésus, il n’y a ni alternative, ni priorité entre l’évangélisation et humanisation, entre la conversion intérieure et l'amélioration des conditions de vie, entre la dimension verticale de la foi et la dimension horizontale du service.


La mission de l’Église ne peut être aujourd’hui que plus largement comprise comme communication de l’amour gratuit de Dieu, et l’Église est appelé à en être le symbole vivant. Le salut est plus global que le simple salut des âmes. Les chrétiens sont appelés à contribuer à l'humanisation de la société et jouent aussi un rôle d'éveilleurs de consciences. Le salut qu’ils proposent devrait être non seulement eschatologique mais aussi actuel, son effet étant la réconciliation des êtres humains entre eux et avec Dieu, il invite à convertir les structures injustes du monde. Il est nécessaire de trouver une voie d’évangélisation qui soit au service de la personne humaine tout entière; il nous faut embrasser l'individu dans sa dimension intégrale aussi bien que la société, le présent aussi bien que l'avenir[25].


La problématique de la recherche de croissance numérique est singulièrement éclairée grâce à l’étude du lien entre la mission et le salut. Une mission découlant d’une conception étroite du salut ne peut qu’accentuer la recherche numérique : on rassemble les personnes dans un même lieu visible pour les « sauver » du monde en attendant la manifestation eschatologique du Seigneur. Mais si la compréhension du salut s’élargit, et que l’on considère celui-ci comme étant « global », « intégral », « total » ou « universel », on arrive à concevoir une mission chrétienne qui dépasse le dualisme entre évangélisation et œuvres sociales et qui évite ainsi de mettre l’accent sur la poursuite numérique. On se met au service de la personne humaine et de la société tout entière : l'âme et le corps, le présent et l'avenir, les systèmes et les structures.


Le caractère intégral du salut demande que le champ de la mission de l’Église soit plus global que ce n'a été traditionnellement le cas[26]. Le salut est aussi vaste et profond que les besoins de l'existence humaine. Être en mission, c'est proclamer, par l'action et par la parole, que le Christ est mort, ressuscité et agissant pour transformer et sauver les vies humaines dans le présent et l’avenir. De la tension entre le déjà là et le pas encore du règne de Dieu, surgit l’engagement dans le monde.


9.2 L’expression « implanter des Églises » est-elle la meilleure ?


Le Mouvement de la croissance des Églises a l’avantage de tenir un discours sur l’Église au niveau local. Il se penche sur ses buts qui sont généralement considérés au nombre de quatre : évangélisation, formation des disciples, louange liturgique et service social[27]. De ces quatre buts, c’est l’évangélisation qui a la priorité, au point que tout le reste doit lui être subordonné : everything must be subordinated to it[28] car le but principal des Églises est de se multiplier : Churches have one main job – to multiply themselves[29]. C’est ainsi que le discours du MCE se transforme généralement en réflexion sur la mission et sur les méthodes à employer pour croître numériquement et implanter de nouvelles Églises. Pour élargir nos horizons et mieux comprendre la problématique de la croissance numérique dans l’Église locale, je ferai appel à la réflexion de Jean-Marie Tillard dans son livre L’Église locale, ecclésiologie de communion et catholicité. Nous serons ainsi plus en mesure de saisir l’identité de l’Église locale, identité qui va remettre en question une expression communément employée dans le MCE et les écrits sur la mission en général : implanter des Églises.


Jean-Marie Tillard a posé un regard sur la dimension locale de l’Église. Selon lui, il ne faut pas traiter de l’ecclésiologie de manière trop abstraite, c’est-à-dire séparée du lieu dans lequel l’Église est implantée. Une telle façon de procéder, dit-il, peut amener l'oubli des cultures, des traditions, des terreaux qui sont « chair » d’Église. En prenant trop de distance par rapport au lieu où s'implante l’Église, s'obscurcit sa dimension « charnelle »[30]. Le nouveau code de droit canonique de l’Église catholique, hélas, ignore l'expression Église locale , le diocèse est vu comme portion du peuple de Dieu (canon 369, 370, 371); pourtant le diocèse n'est pas une partie de l’Église universelle; il est l’Église universelle manifestée en un lieu déterminé. L'Église locale a pour matériau un tissu d'humanité[31]. D’où l’importance de tenir compte du contexte humain dans lequel on est inséré.


Tant que je n’ai pas précisé que je suis de l’Église de Chypre, de Crète, d’Alexandrie, de Finlande, de…, je n’ai pas dévoilé toute mon identité ecclésiale[32].


Les propos de Tillard viennent renforcer l’idée d’indigénisation des Églises locales. Car si l’Église locale tient son identité de la rencontre entre l’Évangile et le tissu concret de l'existence et qu’elle est à la fois Évangile vécu et implantation dans la cité humaine[33], on ne peut plus envisager d’implanter une Église « type » dans un lieu donné. Il est nécessaire de faire une greffe authentique sur le milieu et que la communauté chrétienne soit accueillante aux réalités humaines qui composent son environnement[34].


Reconnaître à l’Église sa dimension locale c'est rester fidèle à l'Écriture. C’est s’accorder à une ecclésiologie qui lie l’Église à l'œuvre de Dieu dans la création. Le but de l’Église locale ne devrait donc pas être la croissance numérique mais être accueil des réalités qui composent le milieu afin d’y greffer l’Évangile. Cet accueil permet la greffe de communion et de réconciliation qu’apporte la grâce du Christ sur les éléments blessés de l'humanité[35]. Il est plus juste de parler de greffe d’Église que d’implantation d’Église.


Les théologiens et pasteurs reliés au MCE estiment que l’on doit chercher à multiplier les Églises, mais, dit Tillard, malgré les visages différents des Églises locales, on ne peut dire que l’Église se multiplie[36]. En effet, la diversité des Églises locales n'équivaut pas à une partition de l'Église ou à un découpage selon différents lieux. Les formes institutionnelles ecclésiales ne constituent pas une fragmentation où l’Église perd son identité et devient simple partie d'un grand puzzle. Les Églises locales sont, chacune avec sa « différence », inscrites dans l'ephapax de l’Église de Jérusalem[37]. C’est-à-dire que chacune d'elles est l’Église, Une, Sainte, Catholique et Apostolique. Elles ne la constituent pas en formant la somme de ses réalisations. Chacune est présence authentique de l’Église apostolique dans les lieux et les temps de l'humanité actuelle.


L'Église ne se multiplie pas. L'Esprit intègre à la plénitude de la Pentecôte les lieux du destin humain[38].


Dans la vision de Tillard, l’Église est multiple, mais non multipliée. Dans cent Églises locales il n'y a pas plus d’Église qu'en l’Église de Jérusalem, tout comme dans cent pains eucharistiés, il n'y a pas plus de corps du Seigneur que dans un seul pain eucharistié. Quand une nouvelle Église locale est fondée, la katholou (totalité) de l’Église s'actualise en un nouveau lieu. L’Église en quelque sorte se dilate[39] et c’est à la Table du Seigneur que l'Esprit unit toutes les communautés dans le Corps du Christ qui est Corps des Églises[40].


L’importance de la dimension locale de l’Église nous invite, comme on le trouve souvent exprimé dans les écrits du MCE, à élaborer des actions ecclésiales en fonction du milieu et plus précisément en fonction des besoins et des souffrances de celui-ci.


McGavran insistait avec raison sur la nécessité de mettre sur pied des Églises « indigènes » locales, mais Tillard va plus loin en disant que si l’Église a su « faire passer au Christ » les grands courants de la philosophie, la mission chrétienne est de « faire passer au Christ », en en conservant des éléments majeurs, les grandes expressions culturelles et religieuses de l'humanité[41]. Par l'établissement d'authentiques Églises locales[42], la chair d'un peuple, d'une région, devient « chair du Christ » (Eph 5:28-32). Bien sûr, le danger peut être la radicalisation de la « différence » qui mettrait en péril la réconciliation universelle[43]; l’Église locale ne doit pas faire alliance avec un tribalisme ethnique, un clanisme raciste, au risque de mener à la destruction un élément de la mission chrétienne : instaurer « la fraternité universelle ».


On comprend que la mission est à comprendre encore plus sous l’angle d'une théologie de l'entrée de toute la richesse humaine et de toute la création dans le Christ[44]que sous l’angle d’une théologie de l'extension telle qu’on la trouve dans l’approche du MCE. Dans cette optique, il est plus approprié de parler de greffe que d’implantation d’Église. L’Église se greffe dans un milieu pour y apporter la réconciliation dans le Christ. Ainsi l’Église locale ne sera pas un espace séparé, mais plutôt un corps de réconciliation et de guérison greffé dans une réalité déjà existante.


9.3 L’Église, un organisme qui croît « de lui-même »


La compréhension de la mission chrétienne et des manières de l’accomplir peuvent être influencées par les images de l’Église. Quant on parle d’implantation ou de greffe, l’Église est comprise comme une plante et plus particulièrement comme un organisme qui se développe. D’autres images ont été utilisées dans le Nouveau Testament : il y a le bercail dont Jésus est l'entrée (Jn 10:1-10); le troupeau qu’il conduit et nourrit (Cf Jn 10:11 ; 1 Pi 5:4); la vigne à laquelle il donne vie et fécondité (Lc 20:9); la construction de Dieu (1Cor 3:9) dont il est la pierre angulaire (Mat 21:42 ; Ac 4:11; 1Pi 2:7). L’Église est aussi la maison de Dieu (1 Tim 3:15) dans laquelle habite sa famille, l'habitation de Dieu dans l'Esprit (Eph 2:19-22), la demeure de Dieu chez les humains (Ap 21:3), le temple saint comparé à la Cité sainte, la nouvelle Jérusalem dont nous sommes les pierres vivantes (1Pi 2:5). Et elle est notre mère (Gal 4:26; cf. Ap 12:17); la fiancée immaculée de l'Agneau (Ap 19:7 ; 21:2,9 ; 22:17) exilée loin de son Seigneur (2 Cor 5:6), attendant l'heure où elle apparaîtra dans la gloire (Col 3:1-4).


L'image d’une plante qui se développe est surtout utilisée dans les paraboles du Royaume de Dieu mais elle concerne aussi l’Église puisque cette dernière est le commencement du Royaume de Dieu sur la terre. Dans les Évangiles, on trouve les paraboles du lis des champs (Mat 6:28), de la semence qui croît d'elle-même (Mc 4:27), de la graine de moutarde (Mat 13:32), des quatre terrains (Mat 13:4ss), de l'arbre et de ses fruits (Lc 6:43).


Christian Schwartz[45], apporte une réflexion intéressante pour mieux comprendre qu’il n’est pas nécessaire de se fixer des objectifs numériques pour croître. D’après lui, l’Église aurait par nature, comme toutes les autres plantes, la vocation de croître. Il utilise l’expression développement naturel et fait référence à ce que les scientifiques appellent le potentiel biotique des organismes vivants. Celui-ci est la capacité naturelle à se développer, à se multiplier et à se reproduire. Il en est ainsi de la communauté chrétienne dont la croissance ne peut être ni fabriquée, ni forcée. La part des êtres humains consiste principalement à assurer à l’Église un environnement favorable[46].


Pour parler du développement naturel de l'Église Schwartz se réfère à l’Évangile de Marc (4:26-29) : Il en est du Royaume de Dieu comme d'un homme qui aurait jeté la semence en terre. Il dort, il se réveille, la nuit et le jour, et la semence germe et grandit sans qu'il sache comment. D'elle-même la terre produit d'abord l'herbe, puis l'épi ; ensuite l'épi se remplit de blé. Dès que le fruit est mûr, on y met la faucille, car la moisson est à terme. L’auteur insiste sur l’expression d’elle-même. Dans la pensée hébraïque, cela voulait dire « sans cause apparente », et pour les Juifs « accompli par Dieu[47] ».


À l’instar des plantes et des organismes vivants, Christian Schwartz voit donc la communauté chrétienne comme une structure organique qui se développe d’elle-même. Il a cherché, par une enquête, les éléments qui seraient communs à toutes les Églises en croissance numérique dans le monde[48] afin de découvrir en quoi consiste l’environnement favorable qui permet à l’Église de se développer. Son enquête a été menée dans mille Églises réparties dans trente-deux pays sur les cinq continents :


Nous avions besoin d’interroger au moins mille Églises dans cinq continents : des grandes et des petites, des croissantes et des déclinantes, des persécutées et des subventionnées par l'État, des charismatiques et des non charismatiques, des modèles renommés et des Églises totalement inconnues. Nous avions besoin d’Églises dans des régions en plein réveil spirituel (comme au Brésil ou en Corée), mais aussi de zones où on parlerait plutôt de « désert spirituel » (par exemple en Europe)[49].


Schwartz appelle les éléments qui favoriseraient la croissance de l’Église des critères de qualité. Ils sont semblables à des indices de santé d’un organisme. Si l’organisme est sain, il va croître de lui-même; si l’Église est saine, elle va croître d’elle-même, c’est-à-dire qu’on n’a pas à la faire pousser. Il s’agit plutôt de garantir sa santé par la présence des critères de qualité découverts dans son enquête.


Les critères de qualité ressemblent aussi à des outils de gestion et beaucoup sont semblables à ceux énumérés dans la première partie mais la différence majeure est qu’ils ne visent pas directement la croissance numérique mais la « santé » de l’Église. Le premier et le deuxième de ces critères concernent l’art de travailler avec les laïcs par la délégation des tâches et de l’autorité. Dans beaucoup de communautés chrétiennes, les responsables cherchent des bénévoles, choissisent eux-mêmes les services qu’ils ont à accomplir et font éventuellement pression sur eux pour qu’ils les accomplissent. Mais Schwartz préconise qu’il faut plutôt donner des tâches selon les dons découverts. Il est nécessaire d’aider les membres de la communauté à trouver leurs dons, de les former et de les impliquer[50]. Il ne s’agit pas pour les dirigeants de se servir des membres de la communauté pour accomplir leurs projets, leurs ambitions ou leurs objectifs personnels, mais plutôt d’inverser la pyramide de l’autorité et d’aider les chrétiens à trouver et à exercer les tâches qui leur conviennent le mieux selon leurs talents et leurs intérêts personnels.


Selon ce critère de qualité, les pasteurs sont appelés à consacrer une grande partie de leur temps à discerner les talents et les intérêts des membres de leur communauté et à les former. Quand on exerce des services qui nous plaisent, on s’implique d’avantage, on a plus de joie à servir l’Église et les efforts sont ainsi multipliés[51]. De tous les critères qui vont suivre, celui de la formation des membres de la communauté et de leur implication selon leurs dons serait celui qui aurait le plus grand impact sur le développement de l'Église.


Le troisième indice de qualité concerne l’enthousiasme de la foi. Quand les chrétiens vivent leur foi avec sincérité, avec joie, avec dynamisme, la communauté grandit. Dans une communauté où la pratique religieuse est vécue comme une obligation, comme une doctrine à connaître ou un code moral à suivre, il y n’y a pas de dynamique de vie rayonnante. Le rôle des pasteurs consiste donc à chercher le renouveau spirituel de la communauté.


Le quatrième critère concerne la qualité des structures organisationnelles. Une Église devrait être organisée et structurée pour aider l’accomplissement de la mission et rendre le travail communautaire plus efficace. Christian Schwartz insiste pour dire que les structures font partie du processus de croissance ; même dans la nature, l’apparition de la vie est une question d’organisation. Ce critère invite à confier des postes de responsabilité aux membres de la communauté[52]. Grâce à cette forme de gestion, on peut facilement multiplier les services des secteurs au sein de la communauté.


Le cinquième critère concerne la qualité des célébrations. Celles-ci peuvent s'adresser aux chrétiens ou aux non-chrétiens, leur style peut être formel ou spontané, leur langage « ecclésiastique » ou « familier » mais l’important c’est qu’elles soient ressenties comme des expériences édifiantes. Trop souvent les célébrations sont considérées comme un fardeau, comme un devoir à accomplir et sont terriblement ennuyeuses. À cause du manque d’enthousiasme qu’elles produisent, les chrétiens n’ont pas envie d’inviter d’autres personnes à l’Église et même s’ils le faisaient les personnes invitées ne reviendraient probablement pas. Il s’agit donc de travailler sur la qualité de la liturgie et de la prédication afin que les participants puissent dire que les célébrations les ont édifiés, qu’elles leur ont donné de la joie, de l’allégresse et une meilleure compréhension de la Parole. Ce genre de rassemblement attire les gens et fait ainsi grandir l’Église d’elle-même[53].


Le sixième critère de qualité concerne les groupes de maison. L'enquête de Christian Schwartz montre que les cellules de maison sont un facteur universel de croissance. Mais on ne doit pas se contenter d'y étudier la Bible, il faut aussi actualiser les textes des Écritures et en trouver des applications concrètes. Les cellules sont un espace ecclésial où les membres peuvent parler de leurs épreuves, poser des questions et trouver le soutien des autres. Elles ont aussi l’avantage de permettre aux chrétiens de se mettre au service de leurs frères et sœurs par leurs dons spirituels et de révéler des responsables potentiels pour la communauté[54].


Le septième critère concerne la qualité de l’évangélisation. Les pasteurs doivent comprendre que si tous les chrétiens ne sont pas appelés à être des évangélistes, tous peuvent cependant employer leurs dons pour évangéliser à leur manière. Chaque chrétien doit mettre ses dons au service des non-chrétiens en entretenant de bonnes relations personnelles et en faisant en sorte que ces derniers puissent entrer en contact avec l'Église et entendre l'Évangile[55]. Il s'agit, pour les membres d’une communauté chrétienne, d'utiliser leurs relations existantes pour partager l’Évangile et adapter leurs efforts d'évangélisation aux problèmes et aux besoins spécifiques de leur milieu[56].


Le huitième critère de qualité concerne les relations humaines dans la communauté chrétienne. Aujourd’hui les homélies et les sacrements ne contentent pas les chrétiens dans leur cheminement de foi, ils désirent aussi la communion fraternelle. Là où l'amour fait défaut, le développement de l'Église est compromis[57].


L’angle nouveau utilisé par Christian Schwartz pour aborder la croissance de l’Église est éclairant pour la problématique soulevée dans notre travail. Il remet en question la forte conviction des théologiens et des pasteurs du Mouvement de la croissance des Églises qu’il faut nécessairement se fixer des objectifs numériques pour permettre la croissance de l’Église. Christian Schwartz préconise plutôt l’utilisation d’objectifs de qualité ou de santé. Il ne s’agit pas de rechercher à être plus nombreux mais de chercher la santé de l’Église par la présence des critères de qualité.


Synthèse de la deuxième partie et hypothèse


Dans cette deuxième partie, nous avons considéré les limites d’une missiologie et d’une ecclésiologie qui considère la mission de l’Église en grande partie comme une recherche de nouveaux convertis (a vast and purposful finding[58] dit McGavran). Une telle compréhension de la mission ne rejoint pas le sens profond du message évangélique et ne colle pas à une vision globale de l’Évangile, c’est-à-dire qui ne se cantonne pas à une parabole en particulier : la croissance est une bénédiction accordée au peuple de Dieu lorsque celui-ci est fidèle à l’Alliance.


Être fidèle à l’Alliance, c’est mettre en pratique la parole de Dieu, c’est observer les préceptes de la Loi qui se résument dans les deux plus grands commandements de la Loi : Aimer Dieu de tout son être et son prochain comme soi-même. Dans ce sens, l’intention première de l’Église n’est pas de multiplier ses membres. Au niveau organisationnel cela veut dire que la recherche d’efficacité dans l’action doit se centrer sur les personnes, elle n’est pas au service des organisations mais au service de l’amour. Les chrétiens devraient d’abord chercher à être des signes d’amour, d’unité; des signes de la présence et de l’action de Dieu dans le monde.


Comme dans le modèle de Mère Térésa, on peut aimer Dieu et son prochain dans le pauvre. Comme dans le modèle des communautés ecclésiales de base, on peut l’aimer en conscientisant un peuple afin que les systèmes politiques qui engendrent oppressions et injustices soient changés. Un salut concret, incarné, est ainsi offert pour transformer et améliorer les réalités de ce monde. Quant au modèle pentecôtiste, il présente un Dieu qui agit par son Esprit pour guérir les malades et offre un salut eschatologique en Jésus-Christ. L’expérience de Taizé apporte au monde l’espérance que l’amour et l’unité sont possible malgré les différences. Chacun de ces modèles est signe, à sa manière, de l’identité et de l’amour de Dieu. Ce sont plus ces signes évangéliques qui déclenchent le développement de l’Église que l’utilisation d’objectifs numériques.


Un modèle d’Église locale qui à du sens à la lumière de l’Évangile ne peut donc pas se passer d’être un signe vécu d’Évangile. Sa mission est de libérer l’être humain de la pauvreté, de la souffrance et de ce qui l’opprime matériellement et spirituellement. Sa mission est aussi de chercher son actualisation et sa croissance en lui donnant des buts qui le font grandir par l’expérience de l’amour. La mission chrétienne a alors réellement du sens pour les membres de l’Église. Le but premier de l’Église locale devrait donc être, non seulement de lutter contre les pauvretés d’un milieu, mais aussi d’offrir un chemin d’actualisation et de croissance à ses membres. Il s’agit non pas de proposer une recherche égoïste de réalisation de soi, mais un projet d’intervention qui donne un sens aux membres de la communauté et leur permette de partager l’amour de Dieu qu’ils reçu en Jésus-Christ. La question : qu’est ce que les gens du milieu attendent de l’Église locale? Quels sont les besoins du milieu ? aidera la communauté à se tourner vers les autres et à s’actualiser.


On peut donc envisager de proposer à l’ensemble des membres de l’Église un projet missionnaire fondé tant sur les impératifs de la fin des Évangiles et Matthieu (28:19-20) et de Marc (16:15-20) que sur les enseignements de la parabole du jugement dernier (Mat 25:31-46). Ainsi, on en arriverait à un modèle d’Église qui complète l’approche du MCE. L’Église propose un salut intégral qui n’est pas seulement eschatologique mais aussi temporel pour soulager les souffrances de son milieu et lutter contre les pauvretés et les injustices.


Il ne s’agit pas de se désintéresser totalement de l’aspect numérique de l’Église. Les Actes des Apôtres montrent que la croissance numérique est le résultat de l’action de l’Esprit. L’absence de ce signe peut poser question sur la place qui est accordée à l’Esprit et à son action dans la communauté. La décroissance, ou la stagnation numérique, invite à chercher comment mieux collaborer avec l’Esprit pour permettre à la parole de Dieu de croître et de se multiplier (Ac 12:24; 19:20).


L’utilisation d’outils de gestion aidera la communauté à être plus efficace dans l’accomplissement de sa mission et contribuera ainsi à l’actualisation de ses membres, mais les moyens pris devront être en accord avec la conscience morale et être au service des personnes. Il ne serait pas évangélique de se servir des membres de la communauté pour accomplir la mission de l’Église. Selon la pensée de Schwartz, les critères de qualité (qui sont les outils de gestion) peuvent êtres utilisés pour favoriser la santé de la communauté, permettant ainsi la croissance naturelle de l’Église.


À l’exemple de Jésus, choisissant un certain nombre de disciples pour les enseigner d’une manière particulière, le (ou les) responsable(s) de communauté devrai(en)t former certains membres non-ordonnés à se consacrer à la mission de l’Église d’une manière plus intense. Dans tous les cas, la communauté aura avantage à s’organiser pour repérer les dons des membres et pour que toutes les personnes puissent s’impliquer d’une manière ou d’une autre. Les responsables de secteurs et les groupes de maison sont un excellent moyen pour y parvenir.


En concevant l’Église locale comme un corps qui se greffe dans un tissu d’humanité particulier on verra mieux l’importance à accorder à l’accueil et au dialogue avec les réalités humaines qui composent l’environnement. L’Église ne vient pas remplacer ou effacer une réalité sociale et culturelle existante; elle actualise l’Église de Jérusalem dans un lieu donné. Son but est autant de recevoir de la richesse de son milieu que de partager celles qui sont les siennes.


La partie qui va suivre aura pour objectif de clarifier certains éléments de la réflexion afin de les arrimer et de les articuler dans un modèle concret. On parlera de croissance, de salut et d’aide envers les pauvres, mais ces notions seront intégrées les unes aux autres et comprises dans leur dimension globale permettant de parler d’un modèle de croissance intégrale.

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NOTES

[1] Depuis quarante ans, les termes mission, évangélisation et même témoignage ont souvent été employés pour désigner une même réalité. La distinction entre évangélisation et mission n’est pas claire; certains suggèrent que l’évangélisation concerne ceux qui ont quitté l’Église ou qui vivent en milieu post-chrétiens, tandis que pour d’autres la mission concerne ceux qui ne sont pas encore chrétiens. David Bosch estime pour sa part que les termes sont indissociablement liés sans qu’ils soient synonymes. La mission est plus large que l’évangélisation, elle concerne toutes les activités de l’Église, tandis que l’évangélisation appelle à une réponse devant le témoignage de ce que Dieu a fait et de ce qu’il fera. Elle est une invitation qui ne juge pas et qui offre le salut comme cadeau actuel et comme assurance de la joie éternelle; elle n’est possible que si la communauté qui la présente vit d’une manière attirante.

[2] Cf. Décret sur l'activité missionnaire de l'Église, Ad Gentes, no. 2.

[3] Cf. Décret sur l'apostolat des laïcs, Apostolicam actuositatem, no. 6.

[4] Pie XI, Rerum Ecclesiae, # 5, 1926, sur le site Internet du Vatican, http://www.vatican.va/holy_father/pius_xi/encyclicals/documents/hf_p-xi_enc_28021926_rerum-ecclesiae_en.html.

[5] D. McGAVRAN , op. cit., p. 26.

[6] Cf. ibid., p. 24.

[7] Ibid., p. 38.

[8] Cf. G. M. MARSDEN, Fundamentalism and American Culture. The Shaping of Twentieth-Century Evangelicalism: 1870-1925, New York/Oxford, Oxford University Press, 1980, p. 12.

[9] Cf. ibid., pp. 89-90.

[10] D. J. BOSCH, op. cit., p. 543.

[11] Cf. ibid., p. 543.

[12] Voici, dans les milieux évangéliques, un exemple de prière que l’on demande de faire aux personnes désireuses de recevoir le salut: Dear Jesus, I admit that I am a sinner and need your forgiveness. I believe that you are God's Son who died on the cross for me and was raised to life again. I am willing to turn away from my sin and receive your forgiveness. I now invite you to come into my heart as my Savior and as my Lord and and I commit my life to you. Thank you for saving me and help me to grow as a Christian. In Jesus' name, Amen!

[13] D. J. BOSCH, op. cit., p. 532.

[14] Cf. ibid., p. 533

[15] Cf. ibid., p. 533.

[16] Ibid., p. 533.

[17] Conseil œcuménique des Églises

[18] Cf. D. J. BOSCH, op. cit., p. 535

[19] Ibid., p. 535.

[20] Conseil œcuménique des Églises (COE), Mission et Évangélisation (ME), 1982, § 34.

[21] Cf. A.-M. AAGAARD, « Missio Dei in katholischer Sicht », Evangelische Theologie, vol. 34/1974, pp. 429-431.

[22] Cf. D. J. BOSCH, op. cit., p. 539.

[23] Cf. ibid., p. 593.

[24] Cf. G. Brakemeier, « Justification, Grace, and Liberation Theology: A Comparison », The Ecumenical Review, vol. 40/1988, p. 216.

[25] Cf. D. J. BOSCH, op. cit.,p. 538.

[26] Ibid., p. 539.

[27] Cf. T. RAINER, The Book of Church Growth : History, theology, and principles, Nashville, Broadman Press, 1993, p. 148.

[28] Ibid., p. 149.

[29] Ibid., p. 149.

[30] Cf. J.-M. R. Tillard, L’Église locale, ecclésiologie de communion et catholicité, Paris, Éditions du Cerf, 1995, pp. 284-285.

[31] Cf. ibid., p. 11.

[32] Ibid., p. 8.

[33] Cf. ibid., p. 365.

[34] Cf. ibid., p. 555.

[35] Cf. ibid., pp. 54-55.

[36] Cf. ibid., p. 553.

[37] Cf. ibid., p. 558.

[38] Ibid., p. 553.

[39] Cf. ibid., p. 75.

[40] Cf.. Concile œcuménique Vatican II, « Constitution dogmatique sur l'Église (Lumen Gentium)», # 23, Constitutions, décrets, déclarations, messages, Paris, Éditions du Centurion,1967.

[41] Cf. J.-M. R. Tillard, op. cit., p. 104.

[42] Cf. ibid., p. 142.

[43] Cf. ibid., pp. 9-10.

[44] Cf. ibid., p. 98.

[45] Christian Schwartz, né en 1960, est le directeur de l’Institut de Recherche pour le développement de l’Église. Il a écrit plusieurs livres sur la théorie et la pratique du développement de l’Église.

[46] Cf. C. SCHWARTZ, op. cit., pp. 8-10.

[47] Cf. ibid., p. 12.

[48] Cf. ibid., p. 15.

[49] Ibid., p. 18.

[50] Cf. ibid., pp. 24-25.

[51] Cf. ibid., p. 22.

[52] Cf. ibid., pp. 28-29.

[53] Cf. ibid., p. 30-31.

[54] Cf. ibid., pp. 32-33.

[55] Ibid., pp. 34-35.

[56] Cf. ibid., p. 35.

[57] Cf. ibid., p. 37.

[58] D. McGAVRAN , op. cit., p. 38.