DEUXIÈME PARTIE: LA RECHERCHE DE CROISSANCE NUMÉRIQUE DANS L’ÉGLISE


Après avoir dégagé la problématique de la mission chrétienne telle que comprise par le MCE, cette deuxième partie va poser un regard sur la recherche d’efficacité et de croissance numérique dans l’Église. À quoi la croissance dans la Bible est-elle reliée, quelle est sa signification ? À l’instar des entreprises doit-on chercher à être efficace dans l’Église ? La poursuite d’efficacité est-elle bonne, a-t-elle du sens pour l’être humain ? Existe-t-il d’autres modèles dans l’Église qui soient porteur d’une vision différente de la mission chrétienne ?


Telles sont les questions qui vont être abordées dans cette deuxième partie. La place à accorder à la recherche de croissance numérique va être examinée. En commençant par des textes bibliques, nous allons interroger le fait qu’elle puisse être considérée comme un but principal et irremplaçable de la mission. Une réflexion sur le sens de l’efficacité dans l’action pastorale va aussi nous aider ainsi que l’apport d’autres modèles missionnaires. Enfin, une étude sur l’Église et sa mission va nous permettre d’aboutir à une hypothèse qui sera intégrée dans un modèle concret en troisième partie de cette thèse.


CHAPITRE VI – LA Croissance numérique dans la Bible


Les récits bibliques sont riches d’enseignements pour aider à comprendre ce que Dieu attend des êtres humains. À leur lumière nous pourrons comparer l’action des personnages bibliques à celle préconisée par les auteurs du MCE : Les patriarches, Jésus lui-même et les apôtres se sont-ils systématiquement organisés pour faire croître le peuple de Dieu ? Nous allons découvrir que la croissance numérique du peuple de Dieu est une promesse faite à Abraham qui s’est transmise de génération en génération. Cette promesse est reliée à l’Alliance. Et quand Jésus est venu, c’était pour rétablir le sens de cette Alliance avec Dieu. Son action pastorale et missionnaire avait un caractère fondamentalement englobant qui ne réduisait pas la mission à rassembler des foules. Après sa mort et sa résurrection, les disciples, animés et guidé par l’Esprit reçu à la Pentecôte, ont témoigné du Christ autour d’eux. L’Évangélisation avait une allure plutôt spontanée. Les apôtres ne semblent pas avoir visé directement la multiplication des fidèles. L’organisation mise en place cherchait plutôt à gérer l’organisation matérielle reliée aux foules qui se convertissaient.


6.1 La croissance numérique : une promesse reliée à l’Alliance


En parcourant un certain nombre de textes bibliques, on découvre que la notion de croissance numérique est très présente dans les Écritures et qu’elle fait même partie des promesses divines. Pourtant elle ne semble pas y être poursuivie pour elle-même. Les Écritures nous invitent non pas à poursuivre la croissance numérique pour elle-même mais à être fidèle à l’Alliance. C’est de la fidélité à cette Alliance que découle la croissance. La mission de Jésus a d’ailleurs été en grande partie de rappeler le sens de l’Alliance. La présentation de ce qui suit aurait pu se faire selon les regroupements des livres de la Bible : Le Pentateuque, les livres historiques et les Prophètes mais peu de recherches ont été faites en études bibliques sur le thème de la croissance numérique et je m’en tiendrai donc à une présentation narrative.


6.1.1 Les promesses d’expansion numérique


Dès le livre de la Genèse, on découvre des promesses numériques faites par Yahvé à son peuple. Lorsque Dieu parle à Abraham, il lui dit : Je rendrai ta postérité aussi nombreuse que la poussière de la terre : celui-la seul qui pourrait compter les grains de la poussière sur le sol, pourra compter ta postérité (Gen 13:16). Cette promesse a été transmise de génération en génération. À Isaac, fils d’Abraham, Dieu dit : Je suis le Dieu d'Abraham, ton père; ne crains point, car je suis avec toi; je te bénirai, et je multiplierai ta postérité, à cause d'Abraham, mon serviteur (Gen 26:24). Et à Jacob : Je te rendrai fécond, je te multiplierai, et je ferai de toi une multitude de peuples… (Gen 48:4). La promesse a perduré jusqu’aux prophètes. Jérémie la rappelle lorsqu’il adresse, au nom de Dieu, ce message au Peuple d’Israël : Je les multiplierai, et ils ne diminueront pas; je les honorerai, et ils ne seront pas méprisés (Jer 30:19). Le Roi David en fut lui-même le destinataire: De même qu'on ne peut compter l'armée des cieux, ni mesurer le sable de la mer, de même je multiplierai la postérité de David, mon serviteur… (Jer 33:22).


Au chapitre dix-sept de la Genèse, une précision importante nous est donnée : La promesse de croissance numérique est reliée à l’Alliance. Lorsque Dieu parle à Abraham, il lui dit : J'établirai mon alliance entre moi et toi, et je te multiplierai à l'infini (Gen 17:2). Le terme bérit (alliance) désigne essentiellement cette promesse faite à Abraham qui comporte la multiplication du peuple dont YHWH est le Dieu[1].


On retrouve aussi ce lien entre l’Alliance et la croissance numérique dans le livre du Lévitique : Je me tournerai vers vous, je vous ferai croître et multiplier, et je maintiendrai mon alliance avec vous (Lev 26:9). Si le peuple est fidèle à l’Alliance, la croissance se réalise. Écoutons le prophète Ézéchiel parlant au nom de Dieu : Je traiterai avec eux une alliance de paix, et il y aura une alliance éternelle avec eux; je les établirai, je les multiplierai, et je placerai mon sanctuaire au milieu d'eux pour toujours (Ez 37:26).


La conviction d'être l'objet des promesses divines est ancrée dans la conscience d'Israël. Le choix divin constitue l'origine même des Israélites. C’est Yahvé lui-même qui s'est créé un peuple en choisissant d’abord Abraham, il l'a séparé de sa terre, de sa famille, de la maison de son père pour l'envoyer dans le pays qu'il lui montrerait (Gen 12:1). Il lui a promis non seulement la terre de Canaan mais aussi une postérité, nombreuse comme les étoiles du ciel et comme le sable qui est au bord de la mer. (Gen 22:17). Et c'est sur la base de ces promesses que Dieu a conclu son alliance[2] : Maintenant, si vous écoutez ma voix et gardez mon alliance, je vous tiendrai pour mon bien propre parmi tous les peuples, car toute la terre est à moi (Ex 19:5).


6.1.2 Part de Dieu et part des êtres humains


Selon certains textes de l’Ancien Testament, la croissance numérique du peuple de Dieu se réalise si le peuple est fidèle à l’Alliance. La fidélité à l’Alliance, c’est non seulement la pratique de la circoncision mais aussi l’obéissance aux commandements divins[3] : Car je l'ai distingué, pour qu'il prescrive à ses fils et à sa maison après lui de garder la voie de Yahvé en accomplissant la justice et le droit; de la sorte, Yahvé réalisera pour Abraham ce qu'il lui a promis (Gen 18:18). Annie Jaubert dans son livre La notion d’alliance dans le Judaïsme aux abords de l’ère chrétienne, explique qu’il est dans la nature de l’Alliance que l'homme soit lié, engagé par le don divin. Pour bénéficier des promesses, le peuple ne doit pas briser son engagement : Si Yahvé, Dieu « saint », se lie à Israël, il faut qu'à son tour Israël devienne « saint »[4]. Mais l’histoire d'Israël montre que la fidélité du peuple n’a pas toujours été au rendez-vous, en fait son histoire est surtout celle d’une alliance violée.


La rupture d'Alliance provoque la Colère. Israël est châtié, il se retourne vers Yahvé (…) Yahvé, lui, est fidèle et se souvient de ses promesses, il pardonne à Israël. Tel est le leitmotiv de l'histoire d'Israël, le comportement permanent du peuple par rapport à Yahvé, de Yahvé par rapport à son peuple. À la base : la bérit-contrat, l'obligation mutuelle ; puis: violation, colère et châtiment; alors: repentir, pardon et renouvellement du contrat. L'histoire se répète sans cesse ; c'est une sorte de rythme qui scande l'histoire religieuse d'Israël[5].


C’est dès l'origine qu’Israël manifeste son infidélité à l’égard de Dieu et de l’alliance : Le peuple construit le veau d'or, le pacte est rompu. La colère de Yahvé s'enflamme, il veut consumer son peuple (Ex 32:10 ; Dt 9:8) et il le frappe (Ex 32:35)[6]. Plutôt que de le multiplier, Il cherche à le détruire. Mais Moïse implore le pardon :


Moïse s'efforça d'apaiser Yahvé son Dieu et dit : « Pourquoi, Yahvé, ta colère s'enflammerait-elle contre ton peuple que tu as fait sortir d'Égypte par ta grande force et ta main puissante ? Pourquoi les Égyptiens diraient-ils : "C'est par méchanceté qu'il les a fait sortir, pour les faire périr dans les montagnes et les exterminer de la face de la terre" ? Reviens de ta colère ardente et renonce au mal que tu voulais faire à ton peuple. Souviens-toi de tes serviteurs Abraham, Isaac et Israël, à qui tu as juré par toi-même et à qui tu as dit : Je multiplierai votre postérité comme les étoiles du ciel, et tout ce pays dont je vous ai parlé, je le donnerai à vos descendants et il sera leur héritage à jamais ». Et Yahvé renonça à faire le mal dont il avait menacé son peuple (Ex 32 :11-14).


Yahvé renouvelle sa promesse d’accroître son peuple à cause de lui-même, à cause de sa propre fidélité à accomplir ses promesses et pour que son Nom ne soit pas bafoué parmi les nations : Ainsi parle le Seigneur Yahvé. Ce n'est pas à cause de vous que j'agis de la sorte, maison d'Israël, mais c'est pour mon saint nom, que vous avez profané parmi les nations où vous êtes venus. (Ez 36:22; Cf. Ps 106:8). Le Nom de Yahvé est engagé envers son peuple : Yahvé a juré par lui-même. C’est aussi parce que le peuple s'est repenti qu’il accorde de nouvelles tables de la Loi (Ex 34:1-4; Cf. Dt 10:1-5). On constate, avec la réconciliation du peuple, que le cycle est achevé, la boucle est fermée : obligation mutuelle-violation-colère-châtiment-repentir-pardon et renouvellement du contrat. Cette approche permet de reconnaître le caractère fondamental de l’Alliance et de ses promesses de croissance. Elles sont accordées lorsqu’il y a fidélité à observer les préceptes de Yahvé[7].


Comme l’Alliance est l’engagement du peuple à accomplir les préceptes divins : circoncision, accomplissement de la justice et du droit, etc. (Cf. Gen 18:18,) et qu’elle est inséparablement liée à l’accomplissement des promesses, l’Alliance et l’accomplissement de la Loi finissent par se confondre[8]: Il vous révéla son alliance, qu'il vous ordonna de mettre en pratique, les dix Paroles qu'il inscrivit sur deux tables de pierre (Dt 4:13). Transgresser la Loi devient transgresser l'Alliance; l’observation de la Loi devient la garante de l’existence et de la croissance du Peuple de Dieu. Il est à noter aussi que dans le contexte de l'Alliance mosaïque, Alliance et sacrifices vont de pair : Le sacrifice apaise Dieu lorsqu’il y a rupture du contrat, la réconciliation s’opère. Par le sang versé, chaque sacrifice signifie un renouvellement de la promesse puisqu’il y a renouvellement de l’Alliance[9].


Si, parmi les principales promesses faites par Dieu à son Peuple, on trouve celle de la croissance numérique, on ne peut voir nulle part, dans les textes de l’Ancien Testament, les chefs du peuple s’organiser pour croître. Leur but est que le peuple soit fidèle à l’Alliance. La croissance est donc donnée par Dieu en retour de la fidélité du peuple à pratiquer les préceptes divins. Dieu veut que son peuple pratique la justice et le droit et non pas qu’il cherche avant tout à se multiplier.


6.1.3 La nouvelle Alliance et la multiplication du peuple de Dieu


Avec le temps, la fidélité à l’Alliance s’est petit à petit confondue avec la pratique extérieure de la Loi amenant le peuple de Dieu à concevoir sa fidélité uniquement en termes de pratique extérieure. Dans le livre de Jérémie, les écrits veulent corriger ce travers et un thème nouveau apparaît : celui de l’alliance nouvelle; on y parle de la loi inscrite dans les cœurs. Au-delà des différentes interprétations précédant la naissance de Jésus, ce qui caractérise la dynamique de la nouvelle alliance, c'est la rénovation des cœurs[10].


Voici venir des jours oracle de Yahvé où je conclurai avec la maison d'Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle. Non pas comme l'alliance que j'ai conclue avec leurs pères, le jour où je les pris par la main pour les faire sortir du pays d'Égypte mon alliance qu'eux-mêmes ont rompue bien que je fusse leur Maître, oracle de Yahvé ! Mais voici l'alliance que je conclurai avec la maison d'Israël après ces jours-là, oracle de Yahvé. Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l'écrirai sur leur cœur. Alors je serai leur Dieu et eux seront mon peuple (Jer 31:31-33).


Cette nouvelle Alliance est en même temps don d'une loi inscrite dans le cœur, connaissance directe de Yahvé et pardon des péchés. Elle se fonde sur la rémission des fautes, se développe par une transformation profonde des membres du peuple et s’accomplit par une connaissance authentique de Yahvé[11].


La berit jérémienne est donc en premier lieu un acte de miséricorde de Dieu, elle repose sur le pardon divin. Yahvé liquide d'un trait le passé sans attendre que son peuple manifeste son repentir en faisant un pas vers lui, comme le voudrait la tradition et notamment l'école deutéronomiste. Dieu commence par pardonner, il offre souverainement sa grâce qui crée une nouvelle possibilité de communion entre lui et Israël[12].


Dans le Nouveau Testament, le terme bérit est employé dans plusieurs passages ; le corpus paulinien en parle comme l’alliance de l'Esprit (2Cor 3:6) en opposition avec l’alliance de la lettre (Gal 4:24) : Paul prend l’image d’Agar et de Sara et fait le parallèle avec l'esclavage de la Loi et la liberté de l'Esprit[13]. D’après les écrits pauliniens, ce qui a fait la grandeur d'Abraham, ce n'est pas de s'être soumis à la loi de la circoncision, c'est d'avoir cru à la Promesse.


On retourne aux sources de l’Alliance pour redécouvrir qu’elle repose sur l’initiative de Dieu et sa miséricorde : Dieu promet, le peuple croit (adhère). C'est par la foi qu'Abraham fut justifié, non par la Loi. Et dans l’alliance chrétienne, tous ceux qui croient deviennent, par la foi, les enfants du père de la foi, Abraham, et héritent avec lui des promesses divines[14]. Un véritable mouvement de bascule s'opère ici entre la théologie juive et la théologie chrétienne[15]. La filiation abrahamite, qui, dans la perspective juive enfermait les promesses dans les liens du sang, devient spirituelle et accessible à tous par la foi.


Dans la même ligne que Jérémie, Jésus oriente le cœur des croyants vers une interprétation intérieure de la Loi. Cette Loi, il l’a lui-même accomplie et il est devenu le médiateur d'une nouvelle Alliance qui procure l'héritage des promesses à ceux qui croient en lui. Jésus est l’alliance du peuple (Is 42:6); la circoncision de la chair, qui était le signe de l’ancienne alliance, devient la circoncision du cœur, opérée par l’Esprit (Rom 2:29) et dont le baptême est le signe visible.


Jésus est venu rétablir le sens premier de l’Alliance qui trouve sa source dans l’amour[16] de Dieu. Aimer Dieu et aimer le prochain sont les deux plus grands commandements de la Loi. Et, d'après l’apôtre Paul, sans cette dimension d’amour et de miséricorde, la loi écrite conduit à la mort. La Loi n’a donc pas sa finalité en elle-même. Si tel était le cas, cela n’aurait pas de sens. Les prescriptions de la Loi ne sont qu’un moyen pour communier à l’Esprit qui les a fait naître. C’est la question du sens de l’Alliance qui est fondamental. Et lorsque McGavran explique qu’un des objectifs principaux de la mission chrétienne est la croissance numérique de la communauté, on peut se demander, comme il en a été pour les prescriptions de la Loi, si cela a du sens de la poursuivre comme une fin en soi. Dans les textes de la Bible, la croissance numérique est présentée comme une conséquence de la fidélité à l’Esprit de l’Alliance, elle ne semble pas avoir été considérée comme une finalité à poursuivre.


6.2 Le sens de l’action de Jésus


Les patriarches, les juges et les rois israélites n’ont pas fait de la multiplication du peuple de Dieu comme le conseille le MCE, un des buts principaux de leur action. Qu’en a-t-il été pour Jésus ? S’est-il systématiquement organisé pour attirer des foules et les baptiser ? Quel a été le sens de son action de pasteur ? C’est ce que nous allons voir dans les paragraphes qui suivent.


6.2.1 Prophétisme et compassion


Il est important de préciser que le ministère de Jésus se situe dans un contexte historique précis : Jésus est dans la tradition des prophètes, il exerce un ministère de proclamation en appelant, comme l’a fait Jean Baptiste, au repentir en vue du salut. Il se dévoue exclusivement pour Israël et va jusqu’à refuser toute autre sollicitation (Cf. Mat 15:25)[17]. Il est sans cesse en mouvement, guérissant les malades, pardonnant les péchés et annonçant le Royaume de Dieu. Le nombre même de ses apôtres confirme cette dimension prophétique en renvoyant aux douze tribus d’Israël alors que son enseignement messianique renvoie aux temps futurs quand tout Israël sera sauvé[18].


Les Évangiles, dès le début du ministère public de Jésus, mettent en avant cette dimension de proclamation. Mais Jésus semble autant intéressé à être proche des exclus, des pauvres et des malades pour les guérir qu’à enseigner ses auditeurs. Et bien que son ministère concerne d’abord exclusivement ceux qui sont juifs, son attitude s’oppose aux comportements, aux pratiques et aux structures qui tendaient à restreindre ou à exclure des membres potentiels de la communauté israélite[19]. Il s’agit de ceux que l'establishment juif marginalisait : les pauvres, les aveugles, les lépreux, les affamés, ceux qui pleurent, les pécheurs, les collecteurs d'impôts, les possédés, les persécutés, les prisonniers, le simple peuple ignorant de la Loi, les petits, les derniers, les brebis perdues, les prostituées[20]. C’est l’amour qui guidait Jésus; avec compassion, il allait vers ceux et celles qu'on avait mis de côté. C’est avant tout cela le but de son ministère, le soulagement des souffrances et la réconciliation avec Dieu : Par le ministère de Jésus, Dieu inaugure son règne eschatologique en faveur des pauvres, des humbles et des méprisés[21].


Si Jésus allait en priorité vers les marginalisés, c’est parce que leur situation était source de souffrance ; souffrance du rejet, de l’humiliation et qu’à la différence des bien-portants, de ceux qui se croyaient justes devant Dieu, ils répondaient à son appel à la conversion (Cf. Mat 21:31). Jésus est à l’écoute de ceux qui l’entourent pour les soulager par la force de l’Esprit. Son but n’était pas de rassembler le plus de personnes possible dans les synagogues. Il guérissait les malades par compassion et à la vue de ces prodiges, les foules se rassemblaient autour de lui pour écouter son enseignement.


6.2.2 Le caractère englobant du ministère de Jésus et de son message


Si Jésus semble très attentif aux plus pauvres et aux marginalisés, il ne fait pas de distinction entre les personnes; sa mission a un caractère fondamentalement englobant : Elle comprend les riches et les pauvres, les opprimés et les oppresseurs, les pécheurs et les gens pieux[22]. Elle invite à la conversion intérieure et vise à faire disparaître les aversions, à renverser les murs d'hostilité, à franchir les frontières entre les individus, à pardonner à ceux qui nous ont causé du tort - jusqu'à soixante-dix fois sept fois, c’est-à-dire sans limites (Cf. Mat 18:21ss)[23]. Le but de sa mission vise non seulement la réconciliation avec Dieu mais aussi celle entre les êtres humains.


Le caractère englobant de la mission de Jésus ressort particulièrement dans les logia[24] (paroles) de la source Q. Les prophètes itinérants qui répandaient ces logia parcouraient la Palestine en proclamant les paroles de Jésus à ceux qu'ils rencontraient: La principale préoccupation des logia était de prêcher l'amour jusqu’à l'amour des ennemis[25]. Si elles contiennent des paroles de jugement[26], elles s'appliquent plutôt en traitement de choc, comme dernier appel d'urgence à la repentance et à la conversion, comme l'expression d'un profond souci[27] à l'égard de ceux qui les entendent. Le jugement est annoncé en espérant la conversion des auditeurs[28]. C’est l’amour, même dans l’invitation à la repentance, qui est la source de l’action de ces prédicateurs.


Jésus a insisté à temps et à contre-temps pour dire que la loi consiste à aimer Dieu et son prochain. Lui-même ne tenait pas compte des prescriptions écrites de la Loi lorsqu’elles l’empêchaient d’aller au secours de personnes en détresse. Ainsi, il guérit le jour du sabbat, montrant ainsi qu'il est impossible d'être fidèle à la loi, c’est-à-dire à l’Alliance, sans d’abord aimer Dieu et sans aimer son prochain même au-delà de ce qui est écrit. La première épître de Jean le formulera de façon claire : Si quelqu'un dit « J'aime Dieu », et qu'il haïsse son frère, c'est un menteur (1Jn 4:20).


Ces quelques remarques sur le ministère de Jésus montrent qu’il est difficile de le concevoir en train d’enseigner à ses disciples qu’une des choses les plus importantes à faire est de rassembler le plus de personnes autour de lui pour que les gens se convertissent. Son but était d’aller au secours de toute détresse, de guérir les malades, de libérer les captifs et d’enseigner la vraie manière d’être fidèle à l’Alliance. Le sens de son action était l’amour. Il était connu et on courrait à sa suite en grande partie à cause des miracles qu’il opérait par compassion et à cause du bon sens[29] de ses discours face à l’application de la Loi (Mat 4:23-24; Mc 1:45; Lc 7:17; 13:17).


6.2.3 Appel et formation de disciples


Dans son ministère, Jésus s'adjoignit des disciples (Mc 1:16-20 et par.). À la qualité de prophète qui lui était reconnue, s’ajoute celle de maître, ce qui signifie une modification dans le rythme et le style de son action[30]. Si donc Jésus a cherché avant tout à soulager les souffrances par ses guérisons et enseigner le vrai chemin par sa prédication, il a aussi voulu entraîner d’autres à faire comme lui, à embrasser la même mission : L'appel des disciples est un appel à suivre Jésus et à être mis à part pour une activité missionnaire. L'appel, le rôle des disciples et la mission se tiennent[31]. S’il n’avait pas forcément comme but d’attirer des foules, il a certainement eu celui d’appeler un petit nombre de personnes à le suivre pour les enseigner d’une manière particulière. Les rabbins de cette époque appelaient aussi des disciples à leur suite mais pour qu’ils deviennent des étudiants. Mais les disciples de Jésus, ne s'inclinent pas seulement devant le savoir de leur maître; ils sont aussi ses serviteurs (douloi) et s’inclinent devant lui, le Seigneur. Et ce Maître enseigne en donnant l’exemple, il occupe aussi la fonction de serviteur, accomplissant le travail le plus méprisé, celui de laver les pieds (Jn 13) [32]: Le point culminant de ce service est, naturellement, sa mort sur la croix[33] … Car le Fils de l'homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude (Mc 10:45). Jésus est passé par la souffrance et celle-ci sera aussi la coupe de ceux qui le suivent : le Fils de l'homme appelle ses disciples à marcher sur la route de la mission où il les précède[34].


Si des disciples sont appelés, c’est non seulement pour être avec lui (Mc 3:14), mais aussi pour travailler avec lui et parfois être renvoyés avec lui[35]. Cette caractéristique itinérante du ministère de Jésus contraste avec la stabilité d’un responsable de communauté. Jésus allait vers les personnes et ne semble pas avoir établi lui-même de structure pour les rassembler d’une manière régulière. Il y avait déjà les synagogues et son but n ‘était pas d’appeler les brebis perdues de la maison d’Israël à aller à la synagogue mais de prêcher la manière authentique d’aimer Dieu et le prochain, c’est-à-dire de pratiquer la Loi et d’être fidèle à l’Alliance. Les disciples qui ont reçu un appel personnel de Jésus sont, comme lui, au service du règne de Dieu et il les envoie, comme lui, prêcher et guérir sans leur donner d’objectifs numériques… Les Évangiles synoptiques utilisent d’ailleurs les mêmes mots pour les activités de Jésus et celles des disciples, que ce soit pour prêcher, enseigner, évangéliser, exorciser et guérir.


Même après l’événement pascal, Jésus continue à instruire et à envoyer ses disciples. Il leur donne l’Esprit qui leur donne le pouvoir de pardonner les péchés et qui leur rappellera tout ce qu’il a dit (Cf. Jn 20:26 et 14:26). Ils ne sont donc pas laissés seuls. Avant la croix, être disciple, c’était être avec Jésus ; après la Pentecôte, c’est être avec l’Esprit pour continuer la mission. Jésus a voulu guérir les foules et les instruire mais les personnes qu’il a rassemblées pour être avec lui d’une manière régulière étaient en réalité un petit nombre. Ce n’est qu’après la Pentecôte qu’on parla proprement dit de communauté.


L’appel des disciples nous apprend que Jésus a pensé au temps où il ne serait plus là. Il n’a pas voulu que son action s’arrête avec son départ. Il a confié à ses disciples les pouvoirs charismatiques qu’il avait lui-même afin qu’ils continuent sa mission après lui. Après une première percée, qui est celle du « message » initial, Jésus s'arrête, s'entoure de « disciples », adopte le comportement social et les usages littéraires du « maître » et, ainsi, s'adonne à ce qu'on appelait alors l' « instruction »[36]. Le sens de l’action missionnaire de l’Église est donc à regarder à la lumière de la mission même de Jésus qui ne repose pas sur la quantité de disciples et on le voit mal compter le nombre de personnes qui se rassemblent autour de lui, dessiner des graphiques de croissance et évaluer la réussite de son ministère au nombre de personnes rassemblées. Jésus était un guérisseur, un libérateur, un héraut et un maître qui agissait par amour.


6.3 Évangélisation et organisation dans l’Église primitive


Il est impossible de parler de la croissance de l’Église sans s’arrêter aux Actes des Apôtres et à la descente de l'Esprit Saint le jour de la Pentecôte. Nous sommes en en présence d'un événement historico-religieux qui nous parle de la création de l'Église et de son expansion.


On trouve dans les Actes plusieurs passages sur la croissance numérique de la communauté chrétienne[37]. À l’instar des miracles, la croissance apparaît comme l'efficacité même de la résurrection qui est à l’œuvre. À travers elle, les hommes et les femmes peuvent reconnaître l’action de Dieu et lui rendre gloire. Les Actes ont d’ailleurs été en partie écrits pour démontrer que la croissance de la première communauté est attribuable non pas tant à l’action des êtres humains qu’à celle de l’Esprit[38].


En parlant de l’Église primitive, il faut se situer dans le contexte de l'époque. Les premiers chrétiens continuaient de participer à la vie religieuse du peuple juif. Les milliers de Juifs qui avaient embrassé la foi (Ac 4:4) étaient de zélés partisans de la Loi (Cf. Ac 21:20[39]) : leurs enfants étaient circoncis, les prescriptions relatives aux purifications observées et le repos du sabbat pratiqué. Ceux qui habitaient Jérusalem participaient aux prières quotidiennes au Temple (Cf. Ac 2:46). Leur but n’était pas de constituer une communauté séparée de celle des juifs. En fait les chrétiens apparaissaient, aux yeux du peuple, comme des Juifs particulièrement fervents.


L'une des caractéristiques remarquables de l’Église primitive fut l'engagement spontané de l’ensemble des chrétiens dans la mission d’évangéliser. Tous pouvaient, d’une manière ou d’une autre, reprendre à leur compte la parole de Pierre et de Jean : Pour nous, nous ne pouvons pas ne pas dire ce que nous avons vu et entendus (Ac 4:20). Le témoignage de évènements vécus n'était pas l’exclusivité des apôtres. L'évangélisation était la mission de tous : Les croyants les plus simples considéraient l'évangélisation comme leur responsabilité[40]. C’est pourquoi l’avancée du christianisme primitif fut due aux chrétiens « ordinaires »; l’Évangile se répandait par le moyen de ces missionnaires spontanés.


Faire connaître le Christ était une manière de rendre compte des évènements dont ils avaient eu une expérience directe. Le message de la Bonne Nouvelle se transmettait dans les réunions de maisons, dans les conversations occasionnelles, dans les prédications publiques, dans les discussions sur la place du marché ou à l'école de philosophie, dans le témoignage personnel, dans la rédaction de lettres et l'explication des Écritures. Il est intéressant de noter que l'Église primitive a peu organisé de grandes réunions publiques pour répandre l’Évangile. Cela tient, partiellement du moins, à la situation historique. Car les grandes assemblées publiques étaient interdites par décret impérial sauf à Jérusalem. Si nous exceptons les grands rassemblements dans la ville de Jérusalem qui nous sont rapportés dans les premiers chapitres des Actes, nous ne constatons rien de comparable jusqu’à la fin du IIe siècle lors du vaste mouvement qui a porté les masses vers le christianisme en Afrique du Nord[41].

Dans l'Antiquité, c’est le foyer qui joua un rôle considérable pour la propagation de l'Évangile[42]. La dimension relativement restreinte des groupes qui s'y réunissaient facilitait les échanges et permettait à chacun de participer : L'aspect informel, l'atmosphère détendue et généralement accompagnée d'une chaude hospitalité, tout concourait au succès de cette forme d'évangélisation[43]. Le Nouveau Testament nous rapporte par exemple les rencontres dans la maison de Jason à Thessalonique (Cf. Gal 1:12; 1Cor 15:1) et dans celle de Titius Justus à Corinthe (Cf. Rom 1:1 et Thes 2:2; 2:8-9)[44].


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Mais si l'emploi des maisons a été un des facteurs décisifs pour la propagation de la foi chrétienne, l'évangélisation de personne à personne n'a pas été moins efficace. Les Actes des Apôtres nous fournissent, dans le récit de Philippe avec l’Éthiopien, un exemple typique de ce genre de contact qui illustre l’impact de cette forme d’évangélisation (Ac 8:26-39).

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Il est une autre caractéristique de l’Église primitive qu'il faut relever : la réelle puissance qui accompagnait la proclamation du message chrétien[45]. Elle découlait de la conviction avec laquelle parlaient les prédicateurs. Ils étaient si remplis de l'Esprit de Dieu, si convaincus de la vérité et de la pertinence de leur message[46] qu’ils impressionnaient les auditeurs lassés par les discours sans fin des philosophes. La puissance qui accompagnait le message des prédicateurs se manifestait aussi par les guérisons et les exorcismes, dont l'importance fut inestimable pour l'avancement de l'Évangile[47]. Jésus-Christ envoya ses disciples non seulement prêcher la conversion, mais encore chasser les démons et guérir les malades. Pierre et Jean ne se bornèrent pas à évangéliser le boiteux de naissance qui se tenait à la porte du temple, ils lui communiquèrent, au nom de Jésus, le pouvoir de marcher (Cf. Ac 3:1 ss).


Les guérisons, les exorcismes aussi bien que la prédication de la Parole firent que le nombre de ceux qui croyaient au Seigneur augmentait de plus en plus (Ac 5:14)[48]. Il y avait aussi dans l’Église primitive de nombreux prophètes : C'est un ministère auquel le Nouveau Testament fait souvent allusion[49]. Il y en avait à Jérusalem, à Césarée, à Antioche, à Rome, à Corinthe, à Thessalonique et dans les Églises d'Asie Mineure (Cf. Ac 11:27; 13:1; Rom 12:6, 1Cor 12-14; 1Thes 5:20; Apo 1:3; 22:18). La prophétie était pratiquée indifféremment par des hommes et par des femmes et elle s'exerçait en vue de l'évangélisation (Cf. 1Cor 14:24 ss.), de l'édification, de la consolation, de l'enseignement (Cf. 1Cor 14:3 ss.). La prophétie est un don de l’Esprit que plusieurs possédaient (Cf. 1Cor 12:29).


Elle était tenue en très haute estime, et le ministère de Prophète venait immédiatement après celui d'Apôtre. C'est en effet par ces deux ministères que Jésus communiquait directement avec son peuple[50].


L’amour des premiers chrétiens, leur joie, la transformationde leurs habitudes de vie, donnaient de l’autorité à leur message. Ils avaient aussi une claire compréhension de la Bonne Nouvelle dont ils étaient les hérauts. Le contenu de leur message et la manière dont il était présenté dépendaient dans une large mesure de la capacité à traduire les mots et les idées en des termes adaptés et aisément compréhensibles pour les auditeurs. Il y avait ainsi une grande diversité dans la prédication de l'Évangile selon qu'elle s'adressait aux Grecs ou aux Juifs, aux intellectuels ou aux illettrés. Une chose demeurait cependant constante : le message était christocentrique, son centre n'était que la personne du Christ : Ces hommes avaient la conviction que toute la vérité sur Dieu et sur l'homme avait été révélée en Jésus[51]. Intensément sensibles aux besoins de leur milieu, à la pensée du monde dans lequel ils vivaient, au langage le plus apte à éclairer leur esprit, ils gardaient un objectif simple et direct : conduire leurs auditeurs au Christ Jésus[52].


Au niveau de l’organisation on trouve dans les Actes certains éléments. On y parle d’abord d'une mise en commun de tout ce que les chrétiens possédaient : ils vendaient leurs propriétés et leurs biens et en partageaient le prix entre tous selon les besoins de chacun (Ac 2:45). On y trouve en particulier le cas de Joseph qui possédait un champ et qui le vendit pour en donner le prix aux Apôtres (Cf. Ac 4:36-37). Cette mise en commun n'était pas obligatoire; il se peut qu’elle ait servi à renflouer une caisse commune pour subvenir aux besoins des pauvres, à la manière de ce faisait déjà dans les Synagogues. C'est éventuellement à cela que fait également allusion le service des veuves (Ac 6:1)[53].


Des éléments d'organisation sont également évoqués à propos de l’institution des Sept, dont Étienne[54]. À l'image de ce qui se faisait dans les Synagogues, les chrétiens avaient mis sur pied un service des pauvres et celui-ci était contrôlé par les Apôtres. Pour s’en dessaisir, ils instituèrent les Sept. Toutefois ceux-ci n’étaient pas destinés uniquement au service des pauvres; on les voit aussi prêcher et baptiser. Il semble que les Apôtres aient profité de l’occasion de la dispute relatée dans les Actes pour s’adjoindre des collaborateurs et leur communiquer une part de leurs pouvoirs[55].


Les deux éléments essentiels à retenir de l’évangélisation et de l’organisation dans l’Église primitive c’est que la première communauté chrétienne était missionnaire et animée de l’Esprit Saint[56]. Les apôtres ont commencé à penser en termes d’organisation lorsqu’il a fallu régler les problèmes matériels de la communauté (Ac 6). Ils ont délégué leurs tâches tant au niveau des services que de la prédication. Guidés et accompagnés par la puissance de l’Esprit, les premiers chrétiens avaient un but essentiel : témoigner de la résurrection de Jésus.


6.4 Conclusion


Dans la Bible, il ne nous est pas donné d‘indication claire que le peuple de Dieu se soit volontairement organisé en vue de se multiplier. Dans les textes de l’Ancien Testament, la croissance numérique est une bénédiction divine, une promesse reliée à l’Alliance. La croissance est reçue en retour de la fidélité du peuple à pratiquer les préceptes divins. Jésus, lui, en appelle à la rénovation des cœurs. Il invite les homme et les femmes à recevoir l’Esprit de l’Alliance pour que la loi soit inscrite dans leurs cœurs. Son action en a été une de compassion, d’enseignement et de guérison envers les foules. Mais il a aussi délégué son pouvoir et sa mission à ses apôtres. Il a pris le temps de les former en particulier avant de rejoindre son Père.

Après la Pentecôte, dans l’Église primitive, on trouve des chrétiens animés de l’Esprit qui s’occupent des pauvres et annoncent avec puissance la résurrection de Jésus. Rien ne laisse entendre qu’ils se soient spécifiquement organisés en vue de la croissance de la communauté. Par contre, on peut considérer que les miracles opérés par plusieurs contribuaient à donner autorité au message évangélique et à convaincre de nombreuses personnes à se joindre à eux. Poussés par l’Esprit et l’annonce d’une si « incroyable » nouvelle, l’ensemble des chrétiens annonçait la résurrection de Jésus et contribuait ainsi à la croissance de l’Église. L’accueil dans les maisons, les conversations occasionnelles, les prédications publiques, les discussions sur la place du marché ou aux écoles de philosophie, les témoignages personnels, les rédactions de lettres, la délégation du ministère de la Parole et des services furent tous des éléments aptes à mieux nous faire comprendre pourquoi la diffusion de l’Évangile fut si rapide.


L’efficacité missionnaire de l’Église primitive fascine toujours et semble parfois ne jamais avoir été égalée. Celle de l’Église du pasteur Cho n’est pas moins impressionnante, cependant une différence fondamentale demeure : les Actes des Apôtres insistent sur la puissance de l’Esprit qui est à l’œuvre au point que certains auraient aimé voir ce livre biblique intitulé les Actes de l’Esprit, tandis que le pasteur Cho insiste sur la puissance des objectifs et des cellules de maison. Dans les Actes, c’est l’Esprit qui est à l’origine de la croissance et l’efficacité ne semble pas avoir été poursuivie comme une fin; dans les Églises reliées au MCE, c’est l’organisation qui est à l’œuvre et l’efficacité est recherchée sans détour. Le prochain chapitre va tâcher de poser un regard sur la recherche d’efficacité en Église. Est-elle souhaitable ? Est-elle évangélique et génératrice de sens pour l’être humain ?

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NOTES


[1] Cf. P. BUIS, « Comment au septième siècle envisageait-on l’avenir de l’Alliance? Étude sur Lev. 26,3-45 », dans Question disputés d’Ancien Testament : Méthode et théologie par C. Brekelmans, Gembloux, Leuven University Press, 1974, p. 137.

[2] A. Jaubert, La notion d’alliance dans le Judaïsme aux abords de l’ère chrétienne, Paris, Editions du Seuil, 1963, p. 27.

[3] Cf. ibid., p. 43.

[4] A. ibid., p. 43.

[5] Ibid., p. 44.

[6] Cf. ibid., p. 46.

[7] Cf. ibid., p. 47.

[8] Cf. ibid., p. 48.

[9] Cf. ibid., p. 49.

[10] Cf. ibid., pp. 59-60.

[11] Cf. R. MARTIN-ACHARD, « Quelques remarques sur la nouvelle alliance chez Jérémie (Jer. 31, 31-34) », dans Questions disputées d’Ancien Testament : Méthode et théologie par C. Brekelmans, Louvain, Leuven University Press, 1989, p. 154.

[12] Ibid., p. 154.

[13] Cf. A. Jaubert, op. cit., p. 447.

[14] Cf. ibid., p. 452.

[15] Ibid., p. 452.

[16] Dans le Nouveau-Testament, le terme agapè, est traduit par ceux de charité ou d'amour. Lorsque je ferai référence à l’amour dans cette thèse c’est pour renvoyer au terme agapè. L’amour, dans ce sens, est entendu comme raison de croire et raison d'agir, comme une figure théologique à deux versants. Il y a un double ancrage: amour de Dieu pour l'être humain et amour de l'être humain pour l'être humain, à l’image de Jésus : Comme dit St Jean Chrysostome : Veux-tu honorer le Corps du Christ ?, Ne commence pas par le mépriser quand il est nu. Ne l'honore pas ici avec des étoffes de soie, pour le négliger dehors où il souffre du froid et de la nudité. Car celui qui a dit: ceci est mon corps, est le même qui a dit : vous m'avez vu affamé et vous ne m'avez pas nourri. Quelle utilité à ce que la table du Christ soit chargée de coupes d'or quand il meurt de faim ? Rassasie d'abord l'affamé et orne ensuite sa table. L’amour agapè est aussi vu sous l’angle du lien entre frères (et sœurs), considérant que tous les autres sont mes frères (et sœurs) puisque tous sont créés par Dieu et aimé de lui : la connaissance de l'amour de Dieu pour nous, marque, colore l'exigence centrale de l'amour de l'autre (Bruno-Marie Duffé, AGAPE, Lyon, Ed Profac, 1999, p.14). L’amour est le cœur de l’Alliance avec Dieu et la considération de l'autre comme lieu d’expression de l’amour pour Dieu est le signe de notre fidélité à celle-ci. L’amour pour Dieu et le prochain, même s’ils ne sont pas du même ordre tout en étant inséparables, va à l’image de Jésus, jusqu’au don gratuit de sa vie. L’amour est un défi, un scandale pour les Juifs, une folie pour les païens (1Co 1:23). Il est à noter que l'amour de Dieu et l'amour du prochain ne devraient pas être pensés ou vécus en opposition. L'amour trouve son origine dans le Père, il se dévoile dans le Fils bien-aimé à travers une mission qui a toujours pour finalité ultime de communiquer l'amour du Père aux hommes (Cf. Bruno-Marie Duffé, AGAPE, Lyon, Ed Profac, 1999, p.51).

[17] Cf. D. J. BOSCH, Die Heidenmission in der Zukunftsschau Jesu: Eine Untersuchung zur Eschatologie der Synoptischen Evangelien. Zurich: Zwingli Verlag, 1959, p. 77.

[18] Cf. L. GOPPELT, Theology of the New Testament, vol 1. Grand Rapids, Eerdmans, 1981, pp. 207-213.

[19] D. SENIOR, « The Foundations for Mission in the New Testament », dans The Biblical Foundations for Mission de Donald Senior and Carroll Stuhlmueller, Maryknoll, Orbis Books, 1983, p. 154.

[20] A. NOLAN, Jesus Before Christianity, Maryknoll, N.Y./Le Cap, Orbis Books/David Philip 1976, pp. 21-29.

[21] D. J. BOSCH, La dynamique de la mission chrétienne, Histoire et avenir des modèles missionnaires, Labor et Fides 1996, p. 41.

[22] Ibid., p. 42.

[23] Cf. D. SENIOR, op. cit., pp. 148ss.

[24] Logia (« paroles ») est le nom d’un recueil de paroles de Jésus que Matthieu et Luc ont ajoutées à des éléments de l'Évangile de Marc lors de la rédaction de leurs Évangiles. Ce recueil de paroles proviendraient de la source Q, de Quelle : en allemand : « source ». Les logias auraient été utilisées surtout par des prédicateurs ou « prophètes » itinérants qui - dans les décennies suivant le ministère terrestre de Jésus - auraient parcouru le pays juif.

[25] Cf. D. J. BOSCH, op. cit., p. 42.

[26] Les villes qui rejettent le message évangélique affronteront un destin plus terrible que celui de Sodome et de Gomorrhe (Mat 10:11-15).

[27] D. J. BOSCH, op. cit., p. 44.

[28] R L. SCHOTTROF. et W. STEGEMANN, Jesus and the Hope of the Poor. Maryknoll (Traduit par Matthew J. O'Connell), N.Y., Orbis Books, 1986, p.58.

[29] Le sens de l’amour qui est au-dessus de la Loi et de ce qui est écrit.

[30] Cf. J.-P. AUDET, Le projet évangélique de Jésus : Sa mise en œuvre, son style, son sens et sa portée depuis les commencements jusqu’à la fin de l’âge apostolique, Aubier-Montaigne, 1969, pp. 85-86 (Ce livre de Jean-Paul Audet à été réédité en 1998).

[31] R. PESCH, « Berufung und Sendung, Nachfolge und Mission. Eine Studie zu Mk 1:16-20 », Zeitschrift fiir Katholische Theologie, vol. 91/1969, p. 15.

[32] Cf. D. J. BOSCH, op. cit.,. p. 54.

[33] Ibid., p. 54.

[34] C. BREYTENBACH, Nachfolge und Zukunftserwartung nach Markus. Eine methodenkritische Studie. Zurich, Theologischer Verlag, 1984, p. 278.

[35] Cf. E. SCHWEIZER, Jesus. Richmond, John Knox, 1971, p. 41.

[36] J.-P. AUDET, op. cit.,. p.86.

[37] Parmi les versets qui parlent de la croissance numérique de la communauté chrétienne, on trouve :

Ac 2:41 : Eux donc, accueillant sa parole, se firent baptiser. Il s'adjoignit ce jour-là environ trois mille âmes.

Ac 2:47 : Ils louaient Dieu et avaient la faveur de tout le peuple. Et chaque jour, le Seigneur adjoignait à la communauté ceux qui seraient sauvés.

Ac 4:4 : Cependant beaucoup de ceux qui avaient entendu la parole embrassèrent la foi, et le nombre des fidèles, en ne comptant que les hommes, fut d'environ cinq mille.

Ac 6:7 : Et la parole du Seigneur croissait ; le nombre des disciples augmentait considérablement à Jérusalem, et une multitude de prêtres obéissaient à la foi.

Ac 11:21 : La main du Seigneur les secondait, et grand fut le nombre de ceux qui embrassèrent la foi et se convertirent au Seigneur.

[38] James D .G. Dunn dit de l’Esprit Saint qu’il est : the major force behind the evangelism and it’s success (The Acts of the Apostles, Epworth Press, London, 1996, xii).

[39] Ac 21:20 : Et ils glorifiaient Dieu de ce qu'ils entendaient. Ils lui dirent alors : Tu vois, frère, combien de milliers de Juifs ont embrassé la foi, et ce sont tous de zélés partisans de la Loi.

[40] M. Green, L’évangélisation dans l’Église primitive, St Légier, Éditions Emmaüs, 1981, p. 332.

[41] Cf. ibid, p. 238.

[42] Ibid, p. 250.

[43] Ibid, p. 250.

[44] Cf. ibid, pp. 250-251.

[45] Ibid, p. 226.

[46] Ibid, p. 226.

[47] Ibid, p. 226.

[48] Cf. ibid, pp. 226-227.

[49] Ibid, p. 240.

[50] Ibid, p. 240.

[51] Ibid, p. 338.

[52] Cf. ibid, p. 335.

[53] Cf. J. Daniélou, L’Église des premiers temps : Des origines à la fin du IIIe siècle, Paris, Éditions du Seuil, 1985, pp. 21-22.

[54] Ac 6:1-7 : En ces jours-là, comme le nombre des disciples augmentait, il y eut des murmures chez les Hellénistes contre les Hébreux. Dans le service quotidien, disaient-ils, on négligeait leurs veuves. Les Douze convoquèrent alors l'assemblée des disciples et leur dirent : " Il ne sied pas que nous délaissions la parole de Dieu pour servir aux tables. Cherchez plutôt parmi vous, frères, sept hommes de bonne réputation, remplis de l'Esprit et de sagesse, et nous les préposerons à cet office ; quant à nous, nous resterons assidus à la prière et au service de la parole. " La proposition plut à toute l'assemblée, et l'on choisit Étienne, homme rempli de foi et de l'Esprit Saint, Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, prosélyte d'Antioche. On les présenta aux apôtres et, après avoir prié, ils leur imposèrent les mains. Et la parole du Seigneur croissait ; le nombre des disciples augmentait considérablement à Jérusalem, et une multitude de prêtres obéissaient à la foi.

[55] Cf. J. Daniélou, op. cit., p. 22.

[56] Dans l’introduction du livre de James D .G. Dunn : The Acts of the Apostles (Epworth Press, London, 1996), à la page xix, on trouve le passage : The Christianity of Acts is characterized by mission from start to finish (1.8; 28.30-31), by the effectiveness and expansion of 'the word' (see on 4.4). That mission begins with the empowering of the Holy Spirit (1.5, 8; 2.1~2). Its direction and success is dependent on and enabled by the Holy Spirit (4.8, 31; 5.32; 6.5; 7.55; 8.29, 39; 10.19-20, 47; 13.2, 4, 9; 15.28; 16.6-7; 20.22).