CHAPITRE XII - La place à accorder à la croissance numérique dans le modèle de croissance intégrale


Dans les modèles étudiés au premier chapitre, la croissance numérique est un des buts principaux de l’Église, mais dans le modèle de croissance intégrale, les buts de l’Église sont plus larges. Ils sont définis tant à partir des impératifs missionnaires de Matthieu (28:19-20) et de Marc (16:15-18) que des deux plus grands commandements de la Loi (Mat 22:37-40) et de la parabole du jugement dernier (Mat 25:31-46). On ne vise pas tant à avoir le plus de monde possible dans l’Église mais à instaurer des activités qui permettent d’atteindre les buts de l’Église.


Les chapitres qui suivent présenteront en détail les éléments qui composent le modèle de croissance intégrale et expliqueront comment sont évaluées les activités ecclésiales. La place de l’évangélisation sera située dans l’ensemble et nous pourrons voir comment s’articulent les fonctions de l’Église les unes avec les autres.


12.1 De la quantité à la qualité


Les recherches de Christian Schwartz ont récemment mis en lumière un élément qui vient tempérer les convictions du Mouvement de la croissance des Églises. Son enquête montre que seulement trente et un pour cent des Églises en croissance se fixent des objectifs numériques. Schwartz préconise donc de se fixer des objectifs qualitatifs plutôt que quantitatifs. Il explique que le qualitatif a des conséquences sur le quantitatif. Il parle d’un certain nombre de critères de qualité. Pour illustrer ses propos, l’auteur se sert de l’image d’un tonneau dont chaque planche représente un des critères de qualité. Lorsque l’on verse de l’eau dans un tonneau et qu’une des planches manque ou est trop courte, l’eau s’écoule. Cette eau, il la compare à la bénédiction de Dieu, la bénédiction de la croissance numérique qui ne peut être contenue par l’Église à qui il manque un ou plusieurs critères de qualité[1]. Il est donc nécessaire de travailler simultanément sur tous les critères … mais il importe de concentrer ses efforts sur celui qui est le plus faible[2].


La pensée de Christian Schwartz, développée dans la deuxième partie permet d’envisager l’évaluation des actions pastorales et missionnaires d’une Église à partir du critère de qualité plutôt que celui de quantité. Cette approche de la qualité est biblique (Mal 1:8[3]). Le critère qualitatif est un élément d’évaluation qui a un sens plus évangélique que le critère quantitatif. Offrir une qualité de service aux personnes du milieu, c’est leur montrer qu’on se soucie d’eux et qu’on prend au sérieux la mission de les servir.


Cette manière d’évaluer les actions d’une organisation n’est pas nouvelle; les principes de qualité totale et de poursuite d’excellence sont très présents dans le monde des organisations en général, et le pasteur Galloway en parle lorsqu’il explique la manière dont il gère son Église[4]. Certes, ils pourraient s’avérer nuisibles si on ne les mettait pas au service des membres[5], mais il n’en reste pas moins que de travailler à l’amélioration du service ecclésial est une marque de respect des personnes que l’on sert. Dieu nous a donné ce qu’il a de mieux[6], Jésus, qui est lui-même venu pour servir et non pour être servi (Mat 20:28). Le service est un élément essentiel de la mission chrétienne, et donner ce que l’on a de meilleur, offrir le meilleur service possible est un signe d’amour.


Viser et évaluer les actions ecclésiales selon le critère de qualité, c’est prendre la voie du progrès dans l’accomplissement de la mission de l’Église, c’est permettre de satisfaire les personnes du milieu; c’est aussi être en mesure de progresser sans définir d’objectifs numériques. Une telle approche s’inscrit dans la durée et engage tous les membres de la communauté dans une démarche d’amélioration continue qui vise à mieux accomplir la mission de l’Église.


Dans le cadre du modèle de croissance intégrale, l’évaluation par le critère de qualité nécessite l’implication de la communauté chrétienne tout entière dans un processus d’amélioration en vue d’offrir des services qui répondent toujours mieux aux besoins du milieu socio-culturel. Elle suppose que l’on observe le milieu dans lequel on se trouve pour en découvrir les pauvretés et les besoins. Elle invite à se poser un certain nombre de questions :


1. Qui sont les habitants du milieu et leur culture ?

2. Quelles sont leurs pauvretés, leurs besoins, leurs attentes ?

3. Quels sont les services que peut offrir l’Église en lien avec sa mission spécifique?

4. Quel serait le meilleur processus pour rejoindre les besoins découverts ?

5. Les services actuels de l’Église permettent-ils d’accomplir la mission ecclésiale et de satisfaire les personnes du milieu ?

6. Quelles sont les actions à inventer pour améliorer les services offerts?

7. Quels sont les indicateurs de la qualité de nos services ?


Les réponses à ces questions se trouvent dans la réflexion de l’ensemble des membres de l’Église qui peuvent aider à définir et à mettre en œuvre, avec les responsables, les améliorations et les adaptations nécessaires des services de la communauté chrétienne au milieu spécifique. Il s’agit d’identifier les aspirations, les pauvretés et les besoins du milieu et de voir comment des activités dans chacune des fonctions de l’Église peuvent les rejoindre. Les responsables ont ensuite à planifier leur mise en œuvre. Il y a donc cinq éléments essentiels composant le modèle de croissance intégrale:


1) Les fonctions de l’Église;

2)Le milieu socioculturel dans lequel se trouve l’Église;

3) Les besoins et pauvretés du milieu tant à l’intérieur de la communauté chrétienne qu’à l’extérieur;

4) La qualité et l’amour dans les services;

5) L’implication et la croissance des membres de la communauté chrétienne.


Le modèle peut se schématiser comme suit[7] :


Le modèle de croissance intégrale
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Les fonctions de l’Église sont au cœur de ce diagramme mais les activités ecclésiales qui les réalisent devraient être judicieusement choisies en fonction des personnes du milieu et des ressources de la communauté chrétienne. Les personnes du milieu et de la communauté chrétienne expriment des besoins, vivent des souffrances, portent des désirs et des inquiétudes auxquels le cheminement chrétien doit pouvoir apporter un certain nombre de réponses. Sans cette conviction essentielle que la Bonne Nouvelle peut être une réponse aux besoins fondamentaux de l’être humain, la communauté chrétienne perd de sa raison d’être et de son élan missionnaire. Dans le modèle de croissance intégrale, l’ensemble des ressources et des énergies de la communauté chrétienne est mobilisé dans le but d’aider les personnes du milieu à trouver des réponses à leur quête et à les faire cheminer vers l’actualisation du salut dans les différentes dimensions de leur vie.


Selon Marc 16:15 et Luc 15:3-7, l’Église concentrera une grande partie de ses efforts à aller à la recherche de la brebis perdue. Mais le terme « perdue », comme nous l’avons vu, ne concerne pas seulement la dimension eschatologique de la personne. Être perdu, c’est être pauvre à différents niveaux, c’est manquer d’espérance, de pardon, d’affection, d’amis, etc. Et en tout cela, la vie ecclésiale et le message de l’Évangile peuvent apporter une réponse si la communauté chrétienne se donne comme objectif d’organiser les activités de l’Église pour lutter contre ces différents niveaux de pauvreté. Il convient donc de se mettre à l'écoute du milieu, d'aller à la rencontre de ses habitants, de s'efforcer de comprendre leurs souffrances, d'anticiper leurs besoins et leurs attentes et d’adapter les activités de l’Église pour être réellement à leur service.


La prise de conscience, pour l'Église locale, de l'importance des besoins des personnes du milieu et de la communauté chrétienne se traduit par le souci constant de mieux entrer en dialogue avec leurs attentes et d’établir les bases d’un échange authentique. Par la mise en place de services qui rejoignent leurs besoins, tant à l’extérieur de la communauté chrétienne qu’à l’intérieur, on s’assure d’un intérêt accru pour la communauté et pour son message de salut. Sans forcément élaborer des stratégies complexes, il convient d'adopter une attitude d'écoute active et confiante. Ignorer les besoins actuels des personnes ce serait les inviter à « magasiner » ailleurs ce qu’ils voulaient trouver chez nous....


L’amélioration et l’écoute concernent tant les services rendus aux personnes qui cheminent à l’intérieur de la communauté, que celles qui lui sont étrangères car la qualité se mesure par la satisfaction à la fois des personnes qui font partie de la communauté chrétienne et de celles qui n’y viennent pas ou peu. Lorsqu’elles sont insatisfaites, beaucoup de personnes préféreront ne rien dire et aller ailleurs. Mais, dans le modèle de croissance intégrale qui se donne pour objectif l’amélioration continue de ses services, les personnes insatisfaites sont une des « ressources » majeures de la communauté. Il est nécessaire alors de leur donner les moyens de s’exprimer et de prendre des initiatives. Comment concrètement évaluer la satisfaction ? Une enquête d'opinion peut constituer un moyen efficace de connaître l'appréciation des personnes sur les services et le vécu communautaire ecclésial. Une telle enquête faite à intervalles réguliers, peut aussi permettre d’évaluer les progrès accomplis et de repérer l’évolution des attentes.


12.2 La croissance intégrale : un processus où les membres de la communauté chrétienne sont impliqués dans la recherche de qualité


Ce qui est visé dans le modèle de croissance intégral n’est pas d’abord la croissance numérique de la communauté chrétienne mais plutôt la lutte contre la pauvreté à tous les niveaux et la croissance des personnes par l’actualisation du salut dans les différentes dimensions de leur existence. Leur croissance se fait par une série de cours et aussi par leur implication dans la mission. En effet, comme le dit Yves St-Arnaud, la personne humaine s’actualise par l’efficacité de ses actions[8]. L’efficacité permet l’expérience du succès psychologique qui achève le processus d’actualisation[9].


Les activités dans lesquelles sont impliqués les membres « donnent des mains » aux fonctions de l’Église. Non seulement favorisent-elles l’actualisation, mais elles visent aussi à convoquer d’autres personnes. Les activités qui relèvent de la fonction socioculturelle doivent être propres à chaque communauté afin de répondre aux besoins spécifiques du milieu; en ce sens il serait mieux que les activités de l’Église ne soient pas imposées par les instances diocésaines car celles-ci, malgré leur bonne volonté, ne sont pas immergées dans le milieu spécifique de l’Église locale en question. Chaque milieu a ses besoins et ses souffrances propres et c’est à la communauté qui y est greffée de choisir les activités pastorales et missionnaires qui les rejoindront le mieux. Dans le modèle de croissance intégrale, la mission est la responsabilité de tous les chrétiens. Tous les membres de l’Église sont appelés et mobilisés pour témoigner de l’amour de Dieu et lutter contre toutes les pauvretés de leur environnement.


En adoptant le modèle de croissance intégrale, les responsables devront peut-être changer leur façon de concevoir et d'organiser le travail missionnaire. Leur rôle est de favoriser la mobilisation des membres de la communauté en leur faisant comprendre que le cheminement chrétien et l’implication dans l’Église locale sont liés. Ils organisent la communauté pour que des cours de croissance soient offerts et adaptés au niveau de cheminement où sont rendues les personnes. À chaque étape correspond une série de rencontres sous forme de cours. Chaque communauté, comme il a déjà été mentionné, choisit le contenu spécifique de ces cours mais généralement on trouvera des cours d’initiation à la vie chrétienne, des cours d’approfondissement, des cours pour comprendre l’importance de l’Église locale, des cours pour découvrir ses dons et aussi des cours pour exercer ses dons dans des services laïcs.


Suivant cette approche ecclésiale, toute personne dans l'Église en arrive progressivement à accomplir trois tâches : une de conversion et de croissance personnelle, une qui est reliée à la mission et une qui est travail d’évaluation en vue d’améliorer les services offerts par l’Église. Il y a dans le modèle de croissance intégrale un processus communautaire d’évaluation qui permet l’amélioration continue des services. Ce processus devrait idéalement conduire à découvrir de nouvelles activités pour mieux rejoindre et satisfaire les besoins et les pauvretés du milieu. Il devrait aussi permettre d’adapter les activités à la culture. Il sera effectué plus efficacement s'il fait l'objet d'une planification sérieuse.


Si on propose à tous les membres de s’impliquer, les responsables doivent veiller à ce que l’engagement de chacun ne soit pas un fardeau trop lourd au niveau du temps et de la quantité de travail exigé, surtout pour les personnes qui ont déjà un emploi. Comme nous l’avons souligné précédemment[10], l’implication des membres de l’Église est au service de leur actualisation; elle ne devrait pas être vécue comme une surcharge de travail qui les écrase. Un des avantages d’un modèle missionnaire qui vise l’implication de tous et toutes, l’amélioration continue des services d’Église et l’adaptation des activités à la culture du milieu est de pouvoir agir efficacement pour réaliser les fonctions de l’Église tout en permettant l’actualisation et la croissance des membres de la communauté.


Les activités d'amélioration et de croissance personnelle forment des sous-processus d’un processus plus vaste d’actualisation et de croissance intégrale des membres de l’Église. Dans le processus d’actualisation, on ne peut faire la distinction entre le travail de conversion et de croissance personnelle d’avec celui de l’implication communautaire dans la mission. Travail sur soi et implication communautaire dans la mission ont tous deux la fonction d’actualiser les membres.


L’importance de l’implication des membres de la communauté chrétienne dans la mission va de pair avec la mise sur pied, dans l’Église, d’une structure de groupes de maison. Celle-ci permet aux laïcs d’exercer des ministères et de mettre en pratique leurs dons. Les équipes de chrétiens qui se réunissent dans les maisons ou dans d’autres lieux appropriés, ont une fonction spécifique, comme celle d’accomplir une action sociale, celle d’évangéliser, celle de former d’autres membres pour leur implication dans l’Église, celle de donner des cours de croissance spirituelle, celle de préparer et d’animer la liturgie, celle d’assurer l’évaluation des services, etc. Ces équipes sont une façon concrète d’impliquer les membres de la communauté chrétienne et de les engager dans un processus continue d'amélioration de la qualité des services d’Église.


La pertinence de ces équipes pour accomplir la mission de l’Église est d’autant plus grande que l’évolution rapide de la culture et l’augmentation de la complexité sociale nécessitent une forte créativité qu’une seule personne responsable ne peut générer seule. L'époque où l'on dépendait de l’initiative, du leadership et de la créativité presque exclusive des pasteurs est révolue. Nous sommes dans celle où les hommes et les femmes sont plus formés et instruits que jamais. Pour aller de l’avant et proposer des activités significatives qui répondent aux besoins et aux attentes des personnes du milieu, les Églises doivent compter sur l’initiative et la créativité de l’ensemble de leurs membres. L’équipe missionnaire dans les groupes de maison est une structure pour y arriver.


Pour que les activités des équipes soient efficaces et contribuent ainsi à la croissance des membres, il faut d’abord que le responsable de la communauté, ou l’équipe responsable, accepte qu’elles déclenchent certains changements. Ces changements sont ceux qu’il est nécessaire de mettre en place pour mieux rejoindre les pauvretés, les besoins et les attentes du milieu. Les responsables devront aussi s’engager personnellement dans l’action : fournir l'infrastructure, les encouragements, l'espace, établir une certaine planification, organiser la formation, constituer les équipes, nommer les responsables, veiller à la reconnaissance des besoins du milieu, etc. À défaut de cet engagement personnel et d’une ferme volonté d’accomplir des changements en vue de l’amélioration, l'activité des groupes missionnaires ne durera pas.


Concrètement, pour assurer l’efficacité des équipes missionnaires, les pasteurs, ou l’équipe responsable, doivent s'occuper de trois éléments importants : la participation, les résultats et le diagnostic. La participation des membres est bien sûr volontaire. Il n’est pas question de faire pression pour inciter les personnes à s’impliquer. La participation sera favorisée si les dirigeants font la « promotion » des équipes devant la communauté et démontrent que leurs participants y ont la possibilité de développer leurs capacités humaines et spirituelles. Ils peuvent aussi faire valoir le but des équipes qui est de développer les aptitudes des chrétiens et de contribuer à l’accomplissement de la mission.


Les équipes missionnaires chercheront à mettre sur pied des activités qui font la différence dans un milieu. Ainsi, grâce au sentiment de réussite et d’efficacité qu’elles engendreront, elles contribueront réellement à l’actualisation de leurs membres. Les dirigeants s’assureront que les activités mises sur pied par les équipes répondent effectivement aux attentes et aux besoins de la communauté chrétienne et des personnes du milieu. Écoute du milieu (voir), résolution de problèmes (juger) et concentration sur les points faibles (planifier) sont les étapes à suivre dans les équipes avant de passer à l’action (agir).


12.3 Évaluer les activités selon les quatre fonctions de l’Église et la recherche d’amélioration continue


Dans un modèle qui veut entrer dans une dynamique d’amélioration continue, l'évaluation des services offerts par l’Église est un élément déterminant. On vérifie ainsi si les activités en place remplissent les quatre fonctions de l’Église; si elles sont adaptées à la culture du lieu; si elles impliquent l’ensemble des membres; si elles rejoignent les besoins et les pauvretés des personnes de la communauté chrétienne et celles de l’extérieur; si elles permettent l’actualisation et la croissance des personnes et enfin si chacune a ses moyens propres d’évaluation.


Les fonctions de l’Église traduites en activités concrètes sont évaluées selon la qualité d’amour et de service. L’amour, le service et la recherche de qualité sont trois critères importants de l’action chrétienne (Cf. Mat 20:28[11], Mal 1:8[12]). L’évaluation se fera par un examen des processus mis en œuvre pour chacune des fonctions de l’Église, on posera un regard sur les pratiques et les moyens utilisés pour atteindre les sous-objectifs du modèle (Voir le schéma du modèle de croissance intégrale au paragraphe 12.1). Cet examen permettra de recenser les principaux dysfonctionnements en vue de dégager les ajustements à faire.


Une bonne évaluation du modèle devra mesurer quatre aspects de la situation de départ par rapport aux objectifs : 1) la concordance des activités en place avec la mission de l’Église et ses fonctions; 2) la satisfaction des personnes face aux services de l’Église (ad intra et ad extra); 3) la conformité des services aux attentes des personnes du milieu; 4) le bon fonctionnement des processus mis en œuvre en vue de l’amélioration continue. Pour effectuer ces mesures, il sera nécessaire de rassembler l'information chez les personnes du milieu, chez les membres de la communauté chrétienne et éventuellement chez les responsables d’autres Églises qui ont réussi à atteindre un ou plusieurs sous-objectifs du modèle. La manière concrète de le faire peut relever d’une enquête ou d’un sondage auprès des trois groupes concernés. Ce qui suit est un tableau des différents niveaux d’où découlent les activités, ou tâches, ou initiatives de l’Église selon le modèle de croissance intégrale.


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Le modèle de croissance intégrale ne vise pas, avant tout, à faire croître numériquement l’Église; la mission de l’Église y est d’abord comprise comme un engagement à manifester l’action bienfaisante de Dieu dans le monde en luttant, comme Jésus l’a fait lui-même, contre ce qui opprime l’être humain, contre la pauvreté, contre ce qui empêche son actualisation. Il cherche à faire croître les personnes par une série d’étapes vécues sous forme de cours à l’intérieur de la communauté puis de les impliquer dans la mission. Mais un certain nombre d’activités visent tout de même à faire connaître efficacement les services de la communauté à la population environnante. C’est ici que la dimension de l’évangélisation ressort d’une manière plus forte afin que le plus grand nombre possible de personnes bénéficient du salut intégral proposé en Jésus-Christ.


Le modèle met autant d’accent sur chacune des quatre fonctions de l’Église mais propose, dans la pratique, de les ordonner les unes aux autres pour faire entrer la communauté dans une dynamique missionnaire. Il y a d’abord un premier effort d’évangélisation qui concerne la fonction prophétique pour convoquer des personnes à recevoir le salut en Jésus-Christ et à grandir dans la communauté chrétienne[13]. Puis une mise en place des services hodégétiques et cultuels qui répondent aux attentes et correspondent à la culture du milieu. Enfin, il y a les services socioculturels qui sont mis en place et dirigés par les mêmes personnes qui ont été convoquées et formées par les services prophétiques et hodégétiques. Le mouvement a comme base l’évangélisation, la catéchisation et la formation des membres de l’Église en vue de les impliquer dans la mission qui concerne toutes les fonctions. Le schéma qui suit explique le processus. Il se lit de bas en haut et illustre le cycle de croissance intégrale de la communauté chrétienne.


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Ce schéma montre que le processus de croissance intégrale qui structure la communauté chrétienne permet un développement numérique basé sur le salut et la croissance intégrale des personnes. Le processus est un cycle convocation-formation-évaluation qui se répète continuellement. Comme une plante qui grandit, le processus assure la fortification de la base afin de pouvoir porter de nouvelles pousses. Le modèle n’est pas rigide et inchangeable dans ses méthodes. L’évaluation devrait amener les améliorations et les adaptations nécessaires. Elle ne se fera pas tant sur le critère de la quantité de personnes nouvelles que de sur la qualité des services et la satisfaction des personnes qui en bénéficient. Le cycle opérationnel de la communauté chrétienne suivra les étapes suivantes :


• Écoute du milieu et de ses besoins dans le cadre des quatre fonctions de l’Église.

• Création de services intégrés à la culture et correspondant aux attentes du milieu.

• « Promotion » des services dans le milieu.

• Opérationalisation des services d’Église.

• Observation de l’efficacité des services en place et l’évaluation de leur qualité.

• Amélioration des activités selon les résultats de l’évaluation.


Le modèle fait ressortir l’importance de s’adapter à la culture et de satisfaire les personnes du milieu et de la communauté chrétienne dans leur recherche de salut et de croissance intégrale; il est construit pour inviter les personnes du milieu à des cours de croissance par étapes, et conçoit l’implication des membres de la communauté chrétienne dans la mission comme un autre élément de leur actualisation. Mais ce n’est pas tant la quantité qui est recherchée que la qualité et l’amour dans les services offerts, services qui souhaitent attirer le plus grand nombre de personnes à connaître Jésus-Christ et à croître pour leur salut intégral et la transformation du milieu. Le modèle est missionnaire et, selon l’enseignement de la parabole de la brebis perdue, conçu pour qu’une bonne partie de ses activités interpelle les personnes qui ne bénéficient pas du salut en Jésus-Christ. Une autre façon de schématiser la dynamique du modèle est celle-ci :


Dynamique missionnaire
du modèle de croissance intégrale

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La dimension numérique n’a pas une place aussi importante que dans les modèles du Mouvement de la croissance des Églises mais elle n’est pas non plus mise de côté. La croissance numérique est un des signes de l’efficacité de la mission, mais elle n’y est pas un but en soi; elle n’est pas poursuivie pour elle-même. Si la communauté ne croît pas, une sonnette d’alarme peut être tirée, invitant à voir si les structures en place permettent à l’Esprit d’agir. Mais il y a d’autres signes à rechercher pour contrôler si la dynamique du modèle est efficace et si la mission de l’Église est vraiment en train de s’accomplir. Même la croissance intégrale proposée comme service n’est pas une fin en soi car celle-ci devrait aboutir à une ouverture sur l’autre et au don de soi.


Le modèle permet à l’Église locale, dans chacune de ses fonctions, de proposer des services adaptés à la culture de son milieu qui rejoignent les besoins des personnes à l’extérieur et à l’intérieur de la communauté chrétienne, de lutter efficacement contre les pauvretés, de faire croître intégralement par une série de cours les membres de la communauté chrétienne et de les impliquer dans les services hodégétiques, cultuels, prophétiques et socioculturels. Pour cheminer vers une amélioration et une adaptation continue des activités, l’évaluation se fait sur la qualité.


Il faut aussi évaluer la dynamique missionnaire du modèle. L’Église est là pour ceux qui ne sont pas là ou qui n’y sont plus, comme le berger qui va à la recherche de la brebis égarée. L’Église grandit pour porter du fruit. Et ce fruit est non seulement pour la communauté chrétienne, mais pour tout le milieu. L’Église devrait devenir toujours plus une bénédiction pour son environnement et réaliser la promesse faite à Abraham : être une bénédiction pour toutes les nations (Gn 12:2[14]).


Cette ouverture au monde et le souci de lui proposer des services adaptés amèneront la communauté à :

  • Adapter les activités de l’Église à la culture et aux besoins et pauvretés du milieu;
  • Faire connaître et proposer ses services de manière efficace;
  • Faire accueillir le salut et favoriser la croissance dans la vie chrétienne;
  • Former et impliquer les personnes dans les activités de l’Église;
  • Impliquer la communauté dans l’évaluation et l’amélioration continue de la qualité des services offerts par la communauté.


L’évaluation du modèle repose donc plus sur la qualité des services que sur la quantité de personnes rassemblées. La qualité comprend l’amour dans les services et leur adaptation aux besoins et à la culture du milieu. Il serait difficile de dresser une liste exacte des activités qui sont à évaluer puisqu’elles dépendent de la créativité et du projet propre à la communauté en fonction de son milieu, mais on voit que le nombre de personnes présentes sur les bancs d’église ne suffit pour conclure de la réussite de la mission.


12.4 Relecture et reformulation des principes de croissance du MCE à la lumière du modèle de croissance intégrale


Qu’en est-il des conseils promulgués par le Mouvement de la croissance des Églises à la lumière du modèle de croissance intégrale ? Cette question est importante car les éléments qui composent le modèle du MCE ne sont pas tous à rejeter. Grâce à la réflexion théologique engagée et à l’élaboration du modèle de croissance intégrale, on est maintenant en mesure de faire un tri dans les éléments de départ et de choisir ce qui reste valable pour la nouvelle approche missionnaire.


12.4.1 Le modèle de croissance intégrale et les idées de McGavran


Comme le dit McGavran, on peut affirmer que la croissance de l’Église sera la conséquence de la fidélité des chrétiens à proclamer la Parole et à trouver les « brebis perdues », mais le terme trouver n’est pas enfermé dans sa dimension purement eschatologique. Il est compris comme réponse aux besoins et aux souffrances tant matérielles, psychologiques et spirituelles des personnes du milieu. La brebis perdue, c’est la personne qui souffre, qui est malade, c’est celle qui manque d’amour et d’espérance, c’est celle qui est rongée par la culpabilité, c’est le prisonnier, c’est l’enfant abusé, c’est le sidéen, ce sont les divorcés remariés qui se sentent exclus de l’Église, c’est la personne dépressive qui n’a pas sa place dans un système fait pour les gens en forme, pour les gens productifs, etc. La communauté chrétienne devra s’organiser, selon les moyens et les capacités propres de l’Église, pour lutter contre ces détresses et ne pas se limiter à proclamer la Parole et à faire accueillir un salut eschatologique. Ses activités proposeront un encadrement communautaire aux personnes qui souffrent et les inviteront à entrer dans un processus de libération et de croissance intégrale basée sur l’Évangile.


C’est la volonté de Dieu que tous les êtres humains soient aidés, aimés et sauvés. Dieu désire que les activités salvatrices de l’Église se multiplient; plus il y aura de personnes impliquées dans ces activités, plus il y en aura d’autres qui pourront être aidées et sauvées. Dans ce sens, la multiplication des membres de l’Église est bonne car elle permet la multiplication des services d’aide et de salut et un plus grand nombre de personnes sur le chemin de la libération intégrale. À l’image de Jésus qui a choisi et formé ses disciples, les responsables d’Églises formeront et engageront le plus de personnes possible pour la mission.


La dimension eschatologique du salut n’est pas oubliée. Elle est une partie importante de la mission de l’Église. Mais la notion de salut est élargie. Lorsque McGavran définit la mission comme une entreprise consacrée à la proclamation de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ et à convaincre les hommes à devenir ses disciples et membres responsables de son Église[15], on peut être d’accord avec lui, mais comprenons la proclamation de la Bonne Nouvelle comme témoignage d’amour qui se fait tant par la parole que par les actes. La tâche prioritaire de l’Église n’est pas de concevoir seulement des actions efficaces qui permettent d’amener les hommes et les femmes à faire concrètement une profession de foi[16], mais d’en concevoir aussi qui les fassent cheminer vers l’actualisation du salut dans les différentes dimensions de leur vie et leur permettent de s’impliquer dans la mission. C’est à partir de tels critères que les Églises peuvent évaluer leurs activités.


Les principes de gestion aident à mieux accomplir la mission ecclésiale lorsqu’ils sont au service des personnes et de leur croissance, non pas au service de la croissance numérique de la communauté. Plutôt que des objectifs numériques, ce seront des objectifs qualitatifs de service et d’amour évalués par des sondages et des questionnaires dans le milieu qui aideront l’efficacité et l’amélioration des activités de l’Église. Il est recommandé de planifier la croissance intégrale de la communauté et si, par la grâce de Dieu, les membres se multiplient, on peut envisager la greffe de l’Église dans un autre milieu pour répondre à ses besoins et soulager ses pauvretés.


Pour favoriser la croissance et la libération intégrale des personnes d’un milieu donné, on accordera à l’évangélisation une place importante sans toutefois être une priorité excluant les autres fonctions de l’Église. On y fera participer les membres de la communauté chrétienne pour inviter les personnes du milieu à devenir disciples de Jésus-Christ et à participer à un processus de croissance intégrale dans la communauté chrétienne. L’ensemble des membres de la communauté chrétienne seront invités à témoigner de leur foi et les responsables les aideront en s’assurant qu’ils reçoivent, dans les cours de croissance intégrale, des informations suffisantes sur les méthodes d’évangélisation.


Le renouveau spirituel sera favorisé dans la communauté car il aboutit à une vie plus sainte et à un renforcement de la vie spirituelle. Dans ce sens, les étapes de croissance proposées comprendront une invitation à fréquenter plus assidûment les Écritures, à confesser les péchés, à réparer et à prier pour recevoir ce renouveau[17]. Un accent pourra être mis sur l’importance de l’effusion de l’Esprit qui amène ceux qui l’ont reçu, à se préoccuper de manière plus intense des besoins de leur milieu et à témoigner plus efficacement du Christ.


Dans leurs efforts d’évangélisation, les membres de la communauté chrétienne chercheront à témoigner de leur foi tant par la parole que par l’aide auprès des plus pauvres. La stratégie missionnaire consistera à découvrir les besoins les plus criants du milieu[18], à mettre sur pied des activités pour les rejoindre et à inviter les personnes potentiellement intéressées à y participer. L’invitation concernera aussi les personnes capables d’aider à lutter contre les pauvretés découvertes.


12.4.2 Les conseils pratiques des pasteurs des Églises en croissance reliées au MCE dans la perspective du modèle de croissance intégrale


Lorsque les pasteurs et les théologiens du Mouvement de la croissance des Églises parlent de ce qui freine la croissance numérique ou qui la favorise, ils se situent, parfois sans le savoir, dans une approche de gestion. Ils conseillent aux responsables de communautés de clarifier leurs objectifs, de formuler une vision et de la communiquer à l’ensemble des membres. Le modèle de croissance intégrale s’accorde bien avec une telle approche, des buts clairs permettent de savoir où l’on va et d’être plus efficace dans l’accomplissement de la mission. Mais l’objectif premier est de faire entrer les hommes et les femmes de ce monde dans la dynamique de l’Alliance. C’est de la fidélité à cette Alliance que découlera la croissance, promesse transmise de génération en génération[19]. Être fidèle à l’Alliance, c’est croire[20] et suivre les préceptes divins[21]. Pour les chrétiens, les ordonnances fondamentales de l’Alliance se fondent dans l’amour de Dieu et du prochain et dans les impératifs missionnaires des Évangiles.


La vision véhiculée par le modèle de croissance intégrale ne propose donc pas de faire de l’aspect quantitatif de l’Église un but essentiel de la mission. Ce qui est proposé est plutôt de faire de la communauté chrétienne un lieu de croissance et de formation pour les nouveaux disciples et de les impliquer dans la mission de l’Église. La mission vise à multiplier les services d’aide, d’amour et de solidarité dans le milieu. Elle vise aussi à faire connaître et accueillir le salut eschatologique aux hommes et aux femmes du milieu et à les inviter à suivre Jésus. Les nouveaux disciples sont intégrés dans une structure de petits groupes pour bénéficier des services de la communauté. Après un certain cheminement, ils deviennent eux-mêmes, selon leurs dons, des membres actifs à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté chrétienne. Ils sont incorporés aux services de l’Église pour lutter contre les formes de désespoir, de solitude, de pauvreté et de souffrance du milieu. Ils sont donc formés pour devenir des témoins efficaces de l’amour de Dieu par toute leur vie. Tel est le but premier du modèle de croissance intégrale.


Faire connaître l’amour de Dieu en Jésus-Christ est un but essentiel mais cet amour se fait connaître tant par les œuvres que par l’annonce de la Parole. La foi en Jésus et la reconnaissance envers son œuvre de salut est le moteur de l’action communautaire. Jésus est la source du salut et du cheminement d’actualisation qui est proposé. Des activités concrètes pourront êtres proposées afin de faire grandir la foi de la communauté par la lecture de la Bible, des séminaires dans l’Esprit, des retraites, etc.. La foi permet aux membres de mettre leur confiance en Dieu, elle anime l’Église et lui donne la conviction qu’avec la grâce de Dieu elle peut répondre aux besoins spirituels et humains de son milieu. Une place importante devrait donc être accordée non seulement à la fonction prophétique mais aussi à la fonction cultuelle pour appuyer, dynamiser l’effort missionnaire et rendre gloire à Dieu. Les activités liturgiques offriront des services de guérison et de libération pour les personnes qui pourraient en avoir besoin, et dans ce sens, une approche à caractère charismatique peut être envisagée.


Dans le modèle de croissance intégrale, la communauté chrétienne est essentiellement missionnaire, mais cette mission est autant tournée à l’intérieur de la communauté (ad intra) qu’à l’extérieur (ad extra). En effet, les besoins y sont présents partout et ce n’est pas parce qu’une personne est en cheminement qu’elle n’a plus de problèmes, ce n’est pas parce qu’un pasteur dirige une communauté qu’il n’a pas besoin de soutien et de ressourcement. La mission comprend plusieurs niveaux, celui de l’évangélisation, celui de la croissance des nouveaux disciples, celui de l’implication des membres dans les activités de l’Église correspondant à chacune de ses fonctions : socioculturelle, hodégétique, prophétique, cultuelle, et celui de l’évaluation des activités de l’Église selon la qualité et l’excellence en vue de l’amélioration continue. L’amour dans le service est la qualité première recherchée dans les activités offertes. Sans lui, l’Église ne serait qu’une machine sans âme qui a oublié la source qui la fait vivre et qu’elle a à transmettre. Les services sont adaptés à la culture du lieu et visent à répondre aux besoins du milieu et à satisfaire les bénéficiaires.


Il n’y a donc pas une priorité absolue à l’évangélisation mais une dynamique de salut et de croissance dont l’évangélisation est la première étape. La communauté aura avantage à bien connaître son milieu ainsi que ses forces et faiblesses afin de formuler des objectifs réalistes et adaptés. Si elle accepte les changements socioculturels de son environnement, elle évitera de perdre contact avec son entourage. Ses activités pourront être adaptées et mieux rejoindre les besoins existants. C’est aussi une bonne connaissance des méthodes d’évangélisation[22] qui lui permettra d’aller efficacement à la rencontre des personnes de son milieu.


Le rôle des responsables de communauté est de communiquer la vision (Ch. 2.2 et 5.4) et de motiver les membres à la réaliser. Ils communiquent enthousiasme et amour pour Jésus[23]. Ils ne mettent pas les membres de l’Église à leur service mais ils se mettent à leur service pour les aider à actualiser leur salut et à accueillir les bénédictions de Dieu dans tous les domaines de leur vie. Comme dans toute organisation, certains conflits seront inévitables, mais les responsables ne peuvent pas chercher à plaire à tout le monde au risque de paralyser la communauté dans l’accomplissement de la vision. Il est recommandé que leur mandat pastoral soit suffisamment long pour que leurs efforts portent du fruit.


Le rôle des responsables de communauté est aussi de déléguer leurs responsabilités et de s’assurer de la formation des membres afin que ceux-ci exercent un leadership pastoral et missionnaire. Les responsables motivent les laïcs et leur confient l’autorité nécessaire pour remplir leurs fonctions. En fait, c’est le plus grand nombre de personnes possible à qui il faudrait assurer une formation et responsabiliser car l'implication est un facteur d’actualisation et de croissance. Un processus de discernement dans la communauté permettra de repérer les dons et les intérêts des membres afin qu’ils puissent les exercer et les mettre au service de Dieu. Les accomplissements et les efforts des personnes impliquées auront avantage à être reconnus devant la communauté et si possible récompensés.


Un autre but important du modèle de croissance intégrale est de multiplier les groupes de maison où l’amour fraternel et le soutien individuel est possible et où les ministères des membres peuvent s’exercer. Ces groupes seront homogènes c’est-à-dire se rassemblant par affinité, par intérêt ou par tâches. On y réfléchira à comment mieux actualiser la Bible dans la vie quotidienne. Ces groupes de maison peuvent rejoindre un besoin particulier dans la communauté ou dans le milieu : soutien aux alcooliques, parents monoparentaux, etc., d’autres groupes pouvant être plus spécifiquement consacrés à la tâche d’évangélisation et d’enseignement catéchétique. Ils ne sont pas dirigés par des objectifs numériques mais avec des objectifs de qualité pour toujours mieux accomplir leur tâche. Tous les membres sont invités à y participer, la présence dans les groupes n’est pas présentée comme une simple option dans la vie chrétienne, mais comme un moyen efficace pour poursuivre un même but.


Adapter les activités cultuelles : musique-chant, au milieu socioculturel, à sa manière de communiquer, à son langage, à ses goûts, est un objectif majeur du modèle de croissance intégrale. Le but des célébrations est d’édifier ceux qui participent, de leur faire vivre une expérience de joie et d‘allégresse qui les fortifie dans l’amour et la confiance en Dieu. Elles sont l’expression d’une foi vive où les membres de la communauté sont fiers d’inviter leurs amis et leurs proches car ils savent qu’ils auront envie d’y revenir.


Cent pour cent des membres de la communauté chrétienne ne pourront peut être pas exercer une responsabilité dans la communauté mais tous peuvent être encouragés et formés à témoigner de leur foi dans leur milieu de vie et à inviter de nouvelles personnes aux célébrations et aux groupes de maison. Les membres de la communauté seront plus aptes à accomplir une telle mission si on leur offre des cours sur les différentes techniques d’évangélisation. Les personnes qui viennent pour une première fois, ou depuis peu, seront soutenues dans leur cheminement et éclairées dans leurs recherches si elles sont parrainées par des membres de la communauté et impliquées rapidement dans des groupes de maison. Ainsi, on leur donne la chance de vivre la communion fraternelle et d’être plus souvent en contact avec l’Évangile. Ensuite, il sera judicieux de leur proposer un cours destiné à leur apprendre ou réapprendre les bases de la vie chrétienne et à s’assurer qu’elles ont accepté le salut en Jésus. D’autres cours pourront suivre pour découvrir leurs dons et les tâches qui les intéressent. Un geste liturgique pour sceller une alliance avec le Christ et l’Église locale peut aussi être envisagé.


Pour la mise sur pied du modèle de croissance intégrale, les responsables devront s’assurer d’avoir les espaces nécessaires, que ce soit pour les célébrations, pour les stationnements, etc., et les budgets suffisants pour réaliser les objectifs. Ceux-ci auront avantage à être planifiés et mesurables, sur un an, cinq ans et dix ans. On évitera les activités à caractère social efficacement réalisées par d’autres organismes du milieu, sauf si les besoins ne sont pas comblés. La vision sera présentée à l’ensemble de la communauté sans peur de demander de l’aide financière. Idéalement la communauté s’autofinancera.


Conclusion de la troisième partie


Cette partie avait pour objectif de présenter les différents éléments du modèle de croissance intégrale. Nous l’avons fait en expliquant leur articulation les uns par rapport aux autres et en les situant dans une dynamique missionnaire. Le modèle est dit « intégral » parce que la mission y est comprise comme une entreprise pour communiquer un salut global, c’est-à-dire comprenant une dimension temporelle et une dimension eschatologique.


Plusieurs des conseils des pasteurs reliées au MCE ont été intégrés, et la réalité de la croissance numérique n’est pas mise de côté. Elle est incontournable lorsque l’on parle de la dimension « catholique » de l’Église. Les disciples ont été envoyés à toutes les nations et le salut est offert à tous les êtres humains. Chaque personne est importante aux yeux de Dieu. Et l’activité missionnaire ne peut oublier une seule brebis, ignorer une seule souffrance, car Jésus est mort afin que le monde entier reçoive le salut (Cf. Ac 4:12; Cf, Eph 2:12,19,22). C’est à cause de l’amour universel de Dieu que l’Église locale ne peut se passer d’une action missionnaire universelle. Mais ce ne sont pas tant les chiffres qui sont importants, que de vivre le précepte de l’amour et d’être en constante tension pour rejoindre les besoins réels de ceux et celles qui ne connaissent pas cet amour offert en Jésus-Christ.


Le modèle de croissance intégrale s’inspire aussi d’éléments de gestion comme la recherche de qualité dans les services, l’amélioration continue, le principe de subsidiarité, l’écoute du milieu et de ses besoins, l’implication des membres de la communauté dans des équipes missionnaires, le partage de l’information et la planification.


Au risque de nous répéter nous dirons que l’objectif missionnaire poursuivi par l’Église locale dans ce modèle est basé sur les deux plus grands commandements de la Loi, sur la parabole du jugement dernier et sur les impératifs missionnaires des Évangiles de Matthieu et Marc. L’organisation de l’Église et sa structure doivent viser à aller au secours des détresses du milieu (salut temporel), à offrir le salut en Jésus-Christ (salut eschatologique), à former des disciples et des membres responsables impliqués dans la mission de l’Église, à évaluer les activités en place et à prendre le chemin de l’amélioration continue.


La visée de l'Église n'est pas de transmettre une culture ou de garder attrayant un folklore religieux. Elle est de former des disciples de Jésus, capables d'appartenance, de prière et de témoignage, cherchant dans l'Évangile une lumière qui éclaire et transforme leur vie personnelle et sociale, engagés dans une conversion qui touche leurs dynamismes affectifs, intellectuels, moraux et religieux[24].


Pour évaluer les actions de l’Église la question n’est pas : combien de personnes de plus cette année dans l’Église ? Mais plutôt : Nos activités ecclésiales sont-elles aptes à communiquer l’amour de Dieu à toutes les personnes du milieu ? Nos activités ecclésiales permettent-elles de répondre aux besoins actuels du milieu et de faire cheminer les personnes de la communauté vers un salut intégral ? Agit-on en fonction des différentes dimensions du salut : eschatologique, sociale, etc.? Est-ce que l’on tient compte de toutes les souffrances : spirituelles, humaines et matérielles, du milieu ? Il est nécessaire d’évaluer les actions ecclésiales de façon plus large que la simple dimension numérique et de s’assurer que l’Église remplisse chacune de ses fonctions.


La suite de ce travail va proposer des éléments concrets de mise en place du modèle dans un milieu particulier et donner l’exemple d’éléments contextuels dont on devrait tenir compte.


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NOTES

[1] Les critères de qualité sont développés dans la deuxième partie de la thèse 9.3 L’Église, un organisme qui croît « de lui-même »

[2] Cf. C. SCHWARTZ, op. cit., p. 52.

[3] Malachie 1:8 : Quand vous amenez des bêtes aveugles pour le sacrifice, n'est-ce pas mal ? et quand vous en amenez des boiteuses ou des malades, n'est-ce pas mal ? Présente-les donc à ton gouverneur : en sera-t-il content ? Te recevra-t-il bien ? dit Yahvé Sabaot.

[4] Cf. D. GALLOWAY, op. cit., p. 107.

[5] Comme tous les principes de gestions, ceux-ci doivent être au service des membres de l’organisation et non les membres au service des principes.

[6] C’est ce que me faisait remarquer le pasteur Houde lorsque je l’ai interviewé le 5 mai 2000.

[7] Certains éléments du diagramme sont repris du livre de Shoji Shiba, Alan Graham, David Walden : 4 révolutions du management par la Qualité totale : Manuel d'apprentissage et de mise en œuvre du système TQM (Paris, Dunod, 1997).

[8] Cf. Y. St-Arnaud, op. cit., p. 7

[9] Cf. ibid., pp. 31-32.

[10] Voir le chapitre 7.1.2 Efficacité dans l’action et actualisation de l’être humain.

[11] Mat 20:28 : C'est ainsi que le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude.

[12] Malachie 1:8 : Quand vous amenez des bêtes aveugles pour le sacrifice, n'est-ce pas mal ? et quand vous en amenez des boiteuses ou des malades, n'est-ce pas mal ? Présente-les donc à ton gouverneur : en sera-t-il content ? Te recevra-t-il bien ? dit Yahvé Sabaot.

[13] Les moyens à prendre pour cet effort d’évangélisation peuvent s’inspirer de différentes méthode d’évangélisation déjà existantes. Je pense, par exemple, à la méthode ALPHA, de plus en plus connue dans différentes confessions chrétiennes. Celle-ci proposes des actions concrètes pour évangéliser les personnes d’un milieu.(Cf. http://www.alphacanada.org/francais.html; http://www.emmanuel-info.com/fr/iev/152/152_4_1.htm; http://www.catho.be/bw/printemps/Archives-1999/Decembre-227.html ; http://www.uofn.ch/romande/970602.htm).

[14] Gn 12:2 : Je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je magnifierai ton nom; sois une bénédiction!

[15] D. McGAVRAN , op. cit., p. 26.

[16] Cf. ibid., p. 36.

[17] Cf. ibid., p. 188.

[18] Cf. ibid., p. 262.

[19] Gen 17:2 : J'établirai mon alliance entre moi et toi, et je te multiplierai à l'infini

[20] Gn 15:6 : Abram crut en Yahvé, qui le lui compta comme justice

[21] Gen 18:18 : Car je l'ai distingué, pour qu'il prescrive à ses fils et à sa maison après lui de garder la voie de Yahvé en accomplissant la justice et le droit; de la sorte, Yahvé réalisera pour Abraham ce qu'il lui a promis

[22] Savoir comment accueillir chaleureusement les nouveaux sans les mettre mal à l’aise; exercer une évangélisation par les relations existantes; cibler la partie de la population environnante qui peut être le plus intéressé par le genre de services offerts; appeler au salut, à un acte de foi, faire poser un geste de conversion; faire faire aux personnes en cheminement une alliance (commitment) avec l’Église locale; impliquer rapidement les personnes nouvellement arrivées, etc.

[23] Jn14:15-16 : Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements ; et je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu'il soit avec vous à jamais…

[24] Comité de recherche de l’assemblée des Évêques du Québec sur les communautés chrétiennes locales, Risquer l’avenir : Bilan d’enquête et prospectives, Montréal, Éditions Fides, 1992, p. 125.