12.2 La croissance intégrale : un processus où les membres de la communauté chrétienne sont impliqués dans la recherche de qualité


Ce qui est visé dans le modèle de croissance intégral n’est pas d’abord la croissance numérique de la communauté chrétienne mais plutôt la lutte contre la pauvreté à tous les niveaux et la croissance des personnes par l’actualisation du salut dans les différentes dimensions de leur existence. Leur croissance se fait par une série de cours et aussi par leur implication dans la mission. En effet, comme le dit Yves St-Arnaud, la personne humaine s’actualise par l’efficacité de ses actions[8]. L’efficacité permet l’expérience du succès psychologique qui achève le processus d’actualisation[9].


Les activités dans lesquelles sont impliqués les membres « donnent des mains » aux fonctions de l’Église. Non seulement favorisent-elles l’actualisation, mais elles visent aussi à convoquer d’autres personnes. Les activités qui relèvent de la fonction socioculturelle doivent être propres à chaque communauté afin de répondre aux besoins spécifiques du milieu; en ce sens il serait mieux que les activités de l’Église ne soient pas imposées par les instances diocésaines car celles-ci, malgré leur bonne volonté, ne sont pas immergées dans le milieu spécifique de l’Église locale en question. Chaque milieu a ses besoins et ses souffrances propres et c’est à la communauté qui y est greffée de choisir les activités pastorales et missionnaires qui les rejoindront le mieux. Dans le modèle de croissance intégrale, la mission est la responsabilité de tous les chrétiens. Tous les membres de l’Église sont appelés et mobilisés pour témoigner de l’amour de Dieu et lutter contre toutes les pauvretés de leur environnement.


En adoptant le modèle de croissance intégrale, les responsables devront peut-être changer leur façon de concevoir et d'organiser le travail missionnaire. Leur rôle est de favoriser la mobilisation des membres de la communauté en leur faisant comprendre que le cheminement chrétien et l’implication dans l’Église locale sont liés. Ils organisent la communauté pour que des cours de croissance soient offerts et adaptés au niveau de cheminement où sont rendues les personnes. À chaque étape correspond une série de rencontres sous forme de cours. Chaque communauté, comme il a déjà été mentionné, choisit le contenu spécifique de ces cours mais généralement on trouvera des cours d’initiation à la vie chrétienne, des cours d’approfondissement, des cours pour comprendre l’importance de l’Église locale, des cours pour découvrir ses dons et aussi des cours pour exercer ses dons dans des services laïcs.


Suivant cette approche ecclésiale, toute personne dans l'Église en arrive progressivement à accomplir trois tâches : une de conversion et de croissance personnelle, une qui est reliée à la mission et une qui est travail d’évaluation en vue d’améliorer les services offerts par l’Église. Il y a dans le modèle de croissance intégrale un processus communautaire d’évaluation qui permet l’amélioration continue des services. Ce processus devrait idéalement conduire à découvrir de nouvelles activités pour mieux rejoindre et satisfaire les besoins et les pauvretés du milieu. Il devrait aussi permettre d’adapter les activités à la culture. Il sera effectué plus efficacement s'il fait l'objet d'une planification sérieuse.


Si on propose à tous les membres de s’impliquer, les responsables doivent veiller à ce que l’engagement de chacun ne soit pas un fardeau trop lourd au niveau du temps et de la quantité de travail exigé, surtout pour les personnes qui ont déjà un emploi. Comme nous l’avons souligné précédemment[10], l’implication des membres de l’Église est au service de leur actualisation; elle ne devrait pas être vécue comme une surcharge de travail qui les écrase. Un des avantages d’un modèle missionnaire qui vise l’implication de tous et toutes, l’amélioration continue des services d’Église et l’adaptation des activités à la culture du milieu est de pouvoir agir efficacement pour réaliser les fonctions de l’Église tout en permettant l’actualisation et la croissance des membres de la communauté.


Les activités d'amélioration et de croissance personnelle forment des sous-processus d’un processus plus vaste d’actualisation et de croissance intégrale des membres de l’Église. Dans le processus d’actualisation, on ne peut faire la distinction entre le travail de conversion et de croissance personnelle d’avec celui de l’implication communautaire dans la mission. Travail sur soi et implication communautaire dans la mission ont tous deux la fonction d’actualiser les membres.


L’importance de l’implication des membres de la communauté chrétienne dans la mission va de pair avec la mise sur pied, dans l’Église, d’une structure de groupes de maison. Celle-ci permet aux laïcs d’exercer des ministères et de mettre en pratique leurs dons. Les équipes de chrétiens qui se réunissent dans les maisons ou dans d’autres lieux appropriés, ont une fonction spécifique, comme celle d’accomplir une action sociale, celle d’évangéliser, celle de former d’autres membres pour leur implication dans l’Église, celle de donner des cours de croissance spirituelle, celle de préparer et d’animer la liturgie, celle d’assurer l’évaluation des services, etc. Ces équipes sont une façon concrète d’impliquer les membres de la communauté chrétienne et de les engager dans un processus continue d'amélioration de la qualité des services d’Église.


La pertinence de ces équipes pour accomplir la mission de l’Église est d’autant plus grande que l’évolution rapide de la culture et l’augmentation de la complexité sociale nécessitent une forte créativité qu’une seule personne responsable ne peut générer seule. L'époque où l'on dépendait de l’initiative, du leadership et de la créativité presque exclusive des pasteurs est révolue. Nous sommes dans celle où les hommes et les femmes sont plus formés et instruits que jamais. Pour aller de l’avant et proposer des activités significatives qui répondent aux besoins et aux attentes des personnes du milieu, les Églises doivent compter sur l’initiative et la créativité de l’ensemble de leurs membres. L’équipe missionnaire dans les groupes de maison est une structure pour y arriver.


Pour que les activités des équipes soient efficaces et contribuent ainsi à la croissance des membres, il faut d’abord que le responsable de la communauté, ou l’équipe responsable, accepte qu’elles déclenchent certains changements. Ces changements sont ceux qu’il est nécessaire de mettre en place pour mieux rejoindre les pauvretés, les besoins et les attentes du milieu. Les responsables devront aussi s’engager personnellement dans l’action : fournir l'infrastructure, les encouragements, l'espace, établir une certaine planification, organiser la formation, constituer les équipes, nommer les responsables, veiller à la reconnaissance des besoins du milieu, etc. À défaut de cet engagement personnel et d’une ferme volonté d’accomplir des changements en vue de l’amélioration, l'activité des groupes missionnaires ne durera pas.


Concrètement, pour assurer l’efficacité des équipes missionnaires, les pasteurs, ou l’équipe responsable, doivent s'occuper de trois éléments importants : la participation, les résultats et le diagnostic. La participation des membres est bien sûr volontaire. Il n’est pas question de faire pression pour inciter les personnes à s’impliquer. La participation sera favorisée si les dirigeants font la « promotion » des équipes devant la communauté et démontrent que leurs participants y ont la possibilité de développer leurs capacités humaines et spirituelles. Ils peuvent aussi faire valoir le but des équipes qui est de développer les aptitudes des chrétiens et de contribuer à l’accomplissement de la mission.


Les équipes missionnaires chercheront à mettre sur pied des activités qui font la différence dans un milieu. Ainsi, grâce au sentiment de réussite et d’efficacité qu’elles engendreront, elles contribueront réellement à l’actualisation de leurs membres. Les dirigeants s’assureront que les activités mises sur pied par les équipes répondent effectivement aux attentes et aux besoins de la communauté chrétienne et des personnes du milieu. Écoute du milieu (voir), résolution de problèmes (juger) et concentration sur les points faibles (planifier) sont les étapes à suivre dans les équipes avant de passer à l’action (agir).



NOTES

[8] Cf. Y. St-Arnaud, op. cit., p. 7

[9] Cf. ibid., pp. 31-32.

[10] Voir le chapitre 7.1.2 Efficacité dans l’action et actualisation de l’être humain.