13.3 Libérer les forces vives de la communauté pour accomplir la vision


Appliquez-vous à conserver l'unité dans l'Esprit par ce lien qu'est la paix. Il n'y a qu'un seul corps et qu'un seul Esprit. C'est lui encore qui a donné aux uns d'être apôtres, à d'autres d'être prophètes, ou encore évangélistes, ou bien pasteurs ou docteurs, organisant ainsi les saints pour l’œuvre du ministère, en vue de la construction du Corps du Christ (Eph 4:3,11-12).


Dans le modèle de croissance intégrale les responsables de communauté n’auront pas à assumer seuls l’accomplissement de la vision. Ils jouent certes un rôle essentiel dans la mise en œuvre du modèle et leur identité de leaders n’est pas remise en question, mais ils se fixent certaines priorités pour engager l’ensemble de la communauté dans la mission.


Grâce à une telle façon de faire, ils économiseront leurs énergies et leur temps et pourront se consacrer à un petit nombre de domaines et de personnes. Ils choisiront d’abord celles qu’ils pensent pouvoir avoir un impact à long terme sur la communauté chrétienne et dont les compétences particulières sont complémentaires. Cette équipe se limitera à trois ou quatre objectifs pendant une période d'activité soutenue.


Les responsables de communauté n’ont pas besoin d’intervenir dans le travail des équipes, sauf exception. Ils délèguent réellement leur pouvoir et ne s'intéressent à l'exécution que s’ils constatent qu'une des priorités de la mission est négligée. C’est en reconnaissant leurs limites et en demandant humblement l’aide des autres membres de l’Église qu’ils mobiliseront la communauté. En faisant appel aux compétences déjà présentes dans la communauté, ils se mettront au service des personnes impliquées pour « les aider à les aider » à réaliser la vision. Les responsables visent principalement à organiser l’Église afin que l’ensemble des membres la construise et la fasse devenir un lieu de croissance et d’implication des chrétiens dans la mission. Ils s’assurent aussi que les services rendus sont adaptés aux attentes, aux besoins du milieu et à sa culture.


La structure à mettre en place dans l’Église doit idéalement favoriser la croissance des personnes et les impliquer dans la mission. Le modèle de croissance intégrale a une double finalité : l’une à caractère individuel qui est la croissance des membres dans le Christ par une série de cours et l’autre à caractère plus communautaire qui est leur croissance par une implication efficace dans la mission de l’Église. Comme le modèle est missionnaire et qu’il souhaite mobiliser le plus de personnes possible, ce sont les chrétiens de la communauté qui peuvent être formés et impliqués pour donner ces cours.


La mobilisation et l’implication des membres de la communauté vise à les faire grandir, non les asservir. Idéalement, les tâches qui leurs sont confiées sont sources de satisfactions personnelles, elles répondent à leurs désirs. Grâce à l’équilibre du binôme : intérêts des membres – objectifs communautaires missionnaires, le modèle de croissance intégrale générera l’enthousiasme, sans créer d’opposition entre le désir légitime de satisfaction dans l’implication communautaire et les objectifs à atteindre. Il y a une symbiose entre les intérêts personnels des membres et l’accomplissement de la vision.


La ressource missionnaire la plus précieuse dont dispose la communauté est celle constituée par ses membres. Les responsables qui sauront mobiliser l’ensemble des fidèles, accueillir leur volonté de participer à la mission selon leurs intérêts et leur dons, leur confier des responsabilités, développer leurs capacités de créer et d'innover, sauront faire la différence et créer une synergie missionnaire au sein de la communauté.


Une autre ressource de grande valeur est celle des personnes insatisfaites qui peuvent donner, dans la mesure où on leur permet de s’exprimer, de très bonnes idées pour améliorer les activités ou en créer de nouvelles en vue de mieux répondre aux attentes du milieu. L’Église a une tendance conservatrice car une de ses responsabilités est de conserver le message de l’Évangile tel qu’il lui a été transmis. Dans l’histoire, cette tendance conservatrice a souvent freiné des changements nécessaires à d’autres niveaux. Le changement est déjà difficile dans des organisations à caractère profane, mais il l’est peut-être encore plus dans l’Église. Faire des bouleversements radicaux, sans préparer les personnes à vivre ces changements, n’est pas mieux. La solution se trouve dans la douceur et l’amélioration continue afin de s’adapter au fur et à mesure. Écouter les insatisfactions des personnes devient alors important.


La possibilité d’action des membres de la communauté chrétienne repose sur trois verbes : savoir, pouvoir et vouloir. Les chrétiens seront impliqués efficacement si on leur communique les informations nécessaires pour réaliser leurs tâches, si on leur donne les moyens matériels et l’autorité nécessaire et si on les motive suffisamment dans leur mission. Les personnes responsables doivent, tout en répondant aux attentes du milieu, créer les conditions qui donnent aux personnes de la communauté de contribuer du mieux qu’elles peuvent à l’accomplissement de la vision.


En faisant de la communauté un lieu d’appartenance, de croissance et de formation en vue d’impliquer le plus de monde possible, le modèle de croissance intégrale génèrera l’enthousiasme et permettra aux chrétiens et aux chrétiennes de donner le meilleur d’eux-mêmes; il permettra aussi de découvrir les richesses ignorées dans la communauté et de les orienter vers la réalisation de la vision. Les idées et les initiatives de tous et toutes seront prises en compte générant un sentiment d’appartenance et de fierté. Les membres agiront aussi de façon plus responsable.


Mais, pour mettre en place le modèle de croissance intégrale, les responsables de communauté devront peut-être passer d’une mentalité «autorité et contrôle» à une de soutien, axé sur la responsabilité, où tous les membres de la communauté sont motivés à faire de leur mieux[24]. Il ne s’agit pas de partir avec l’idée d’avoir une main-mise sur le chéquier et de centraliser toutes les décisions. La réussite de la mise en place du modèle dépend d’une volonté de faire confiance aux autres et de décentraliser les décisions. Les responsables visent à libérer l'énergie créatrice des membres de la communauté, à les inciter à assumer des responsabilités et à utiliser pleinement leurs habiletés et leurs compétences. Ainsi chaque personne se sentira investie d’une mission au sein de l’Église, la rendant ainsi plus efficace et plus apte à répondre aux besoins et aux attentes du milieu.


Si les responsables confient de réelles responsabilités et partagent leur autorité avec les membres, ceux-ci seront réellement motivés et agiront en se sentant réellement investis d’une partie de la mission ecclésiale. Les gens ont déjà du pouvoir grâce à leur connaissance et à leur motivation[25]. En fait, l’objectif des responsables n’est pas tant de donner du pouvoir, que de libérer le pouvoir et les dons qui sont déjà là. Il suffit d’un peu de confiance et les gens seront heureux de montrer ce qu’ils peuvent faire. Certes, il faudra un certain temps avant d’en arriver là, car les membres des communautés chrétiennes n’ont pas été habitués à prendre des initiatives, mais de les voir s’engager volontairement sera pour les responsables une source de grande satisfaction.


Certains membres ordonnés de l’Église pourraient craindre qu’une telle manière de fonctionner entraîne pour eux une perte d’identité et de pouvoir. Mais leur rôle est toujours aussi important sauf qu’au lieu de passer leur temps à contrôler et à superviser, ils coordonnent les efforts, planifient, s’assurent que les personnes de la communauté reçoivent une formation et travaillent à créer des ponts avec le milieu. Ce qu’ils font vise à aider les membres de la communauté chrétienne à réaliser la vision commune.



NOTES

[24] Cf. K. Blanchard, J. P. Carlos, W. A. Randolph, Comment réussir l’empowerment dans votre organisation ?, Québec, Éditions Un monde différent, 1997, p.12.

[25] Ibid., p.34.