14.2 Le modèle de croissance intégrale dans le milieu catholique


Comme le modèle de croissance intégrale est une façon de voir la mission et d’organiser la communauté en vue de l’accomplir, il peut être idéalement intégré dans différentes confessions chrétiennes. Là encore, sa mise en place doit tenir compte des spécificités confessionnelles. Dans les deux paragraphes qui suivent, l’exemple est pris de l’Église catholique et de son organisation paroissiale. Nous allons nous aider des textes du droit canon qui en expliquent le fonctionnement tel que formulé par les autorités religieuses catholiques. Nous verrons quels sont les conseils à donner aux responsables de communautés qui voudraient utiliser le modèle de croissance dans cette forme d’organisation ecclésiale. Enfin, nous montrerons comment il est possible et nécessaire de tenir compte des souhaits des membres d’une Église locale. Nous nous servirons ici en grande partie du document officiel des recommandations pastorales issues du dernier synode de l’Église de Montréal.

14.2.1 Les Églises paroissiales catholiques et le modèle de croissance intégrale

Pour bien comprendre l’organisation actuelle des Églises paroissiales catholiques, il faut remonter au temps des premières communautés chrétiennes. Avant l'édit de tolérance de l'empereur Constantin, en 313, et par la reconnaissance du christianisme comme religion d'État par l'empereur Théodose en 380, les communautés chrétiennes étaient essentiellement urbaines (dites épiscopales ou cathédrales). Il y avait une seule communauté par ville. Elle se rassemblait pour la fraction du pain eucharistique sous la seule présidence de l'évêque. Puis, de par l'augmentation rapide du nombre des chrétiens, on choisit de confier la direction des communautés nouvelles à des presbytres. Ceux-ci, qui auparavant entouraient l'évêque et concélébraient avec lui, désormais le secondent et sont sous son autorité[30].


C’est au Moyen Âge que ces communautés seront appelées paroissiales. Au XVle siècle, le Concile de Trente encourage la création des paroisses aboutissant au quadrillage paroissial des diocèses[31]. Cette brève évocation historique rappelle la possibilité de changement dans l'institution ecclésiale paroissiale et que celle-ci est au service de la mission. Le quadrillage a été fait afin de rencontrer au mieux les besoins des fidèles[32]. L’Église paroissiale n'est pas une réalité essentielle comme l'Église diocésaine qui est l’actualisation de l’Église de Jérusalem dans un lieu.


En disant cela, je ne souhaite pas relativiser l’importance de l’Église paroissiale puisque le modèle de croissance intégrale est précisément un modèle paroissial, mais la situer dans la fonction qui est la sienne : accomplir la mission de l'Église diocésaine. Sa physionomie a été façonnée par l'histoire et devrait être déterminée par les exigences de la mission : La paroisse est au service de la mission, non le contraire[33]. Ce n’est pas pour rien que l’Église paroissiale fait actuellement I'objet de questionnements sur sa raison d'être, son fonctionnement et son adaptation aux besoins de la mission[34].


Dans l’Église catholique, le pasteur, appelé généralement curé, est nommé par l’Évêque du lieu qui lui confie ce que l’on appelle la charge pastorale de la paroisse. Une autre expression pour désigner la charge pastorale est la charge d'âmes, terme qui revient dans le dernier Code de droit canonique (1983) à dix reprises. Il est le pasteur propre de la communauté, ce qui signifie qu’il jouit d’une relative autonomie dans l’exercice de sa fonction. Il en a la responsabilité, tout en étant sous l’autorité de l’évêque diocésain[35].


La finalité de la charge pastorale de la paroisse (canon 519) est d'accomplir les fonctions d'enseignement, de sanctification et de gouvernement. Mais rien n’empêche de déléguer une partie de ces fonctions qui, en vertu du baptême, incombent à tout chrétien. On retrouve ici les catégories dont nous avons parlées dans la troisième partie (Ch 11.4) qui découlent des figures de Jésus pasteur, prophète et roi. Mais le canon 519 laisse insatisfait par la généralité du propos : Le contenu de ces trois fonctions ne se révèle pas aussi clair qu'il n'y paraît de prime abord[36].


La réflexion de notre travail pourra aider les responsables de paroisses à mieux saisir le contenu des fonctions de l’Église selon un milieu particulier et à les réaliser avec l’ensemble de la communauté chrétienne.


Un élément important pour la mise en place du modèle de croissance intégrale est la durée du mandat pastoral du curé. Dans la législation catholique, le curé est appelé à jouir de stabilité et c'est pourquoi il est censé être nommé pour un temps indéterminé à moins d'un décret de la conférence des Évêques (canon 522). Les raisons de la stabilité du curé sont principalement le bon exercice de la charge pastorale qui demande une certaine permanence et la stabilité de la paroisse qui est reliée à la stabilité du curé. Mais en 1985, la Conférence des évêques du Canada a porté un décret fixant le terme à six ans renouvelables[37]. Dans le contexte du modèle de croissance intégrale, un et peut-être même deux mandats seraient trop courts, à moins que le curé remplaçant embrasse pleinement la vision du modèle et s’engage à poursuivre le travail commencé par son prédécesseur.


Si aucune garantie de continuité ne leur est donnée, certains curés pourraient êtres tentés de moins s’investir dans un projet de croissance intégrale auquel ils croient, mais que leurs successeurs pourraient réduire à néant s’ils ne partagent pas les mêmes optiques missionnaires et communautaires. On pourrait ainsi rencontrer une démotivation, voire une démobilisation progressive à la fois du curé à l'approche de son échéance et de la communauté tout entière peu encline à s’impliquer dans un projet auquel on ne donne pas de garantie d’avenir. Les autorités diocésaines auraient avantage à s’engager face à la communauté pour leur garantir qu’ils ne changeront pas le curé sauf pour un cas majeur.


Un autre élément qui risque de freiner ou même d’empêcher la mise en place du modèle de croissance intégrale, est lorsque plusieurs paroisses sont confiées à la charge pastorale d'un seul curé (canon 526 §1). Le modèle propose une seule vision par communauté chrétienne et un travail en équipe pour l’accomplir. Demander au curé de réaliser deux ou trois visions en même temps n’est pas réaliste d’autant plus que la qualité des services, qui est un des éléments clés du modèle, en souffrirait à cause de la surcharge du pasteur. S’il y a trop d’Églises paroissiales à gérer dans un même lieu, mieux vaut les confier à une équipe de prêtres in solidum (canon 517 §1) et à des collaborateurs laïcs afin qu’il n’y ait qu’une vision pour l’ensemble du secteur. Dans ce sens il serait mieux que les secteurs du diocèse soient définis de la manière la plus homogène possible, en fonction du milieu socioculturel et de ses besoins spécifiques.


Par ailleurs, dans les Églises paroissiales catholiques, l’implication des membres de la communauté chrétienne dans l’accomplissement de la mission n’est pas encore, la plupart du temps, une réalité. Pourtant le Concile Vatican II et le nouveau code de droit canonique (canon 204 §1) expliquent que tous les chrétiens participent à la triple fonction du Christ et de l'Église et qu’ils sont appelés à exercer la mission que Dieu a confiée à l'Église. La mission, dans la théologie catholique, est une réalité inhérente à l'incorporation baptismale et ecclésiale : En vertu du baptême, bien plus dès leur baptême, les fidèles du Christ ont part et prennent part à toute la mission de l'Église. Le baptême fonde la participation de tous à la mission, la coresponsabilité de tous dans la vie et le témoignage de l'Église : La mission n'est donc pas une réalité subséquente, ultérieure[38].


Comment se fait-il alors que si peu de membres, hormis les membres ordonnés, soient impliqués dans la mission ? Il s’agit, pour une bonne part, d’une question d’organisation de la vie ecclésiale paroissiale. Les Églises protestantes en croissance, observées dans cette thèse, montrent la réalité des groupes de maison comme un élément essentiel de la structure des communautés chrétiennes. Les deux Églises catholiques présentées ont, elles aussi, adopté ce mode de fonctionnement et l’on constate que les membres de la communauté sont impliqués dans la mission. C’est aussi l’attitude des responsables qui fera la différence. Sont-ils prêt à déléguer leurs responsabilités, à organiser leur communauté sous forme de groupes de maison et à former les personnes qui peuvent aider dans l’accomplissement de la mission ?


Or, la mission, le mandat et le projet supposent une juste liberté d'initiative et une sage ouverture des options. Dès lors, la question est de savoir si nos initiatives seront vécues dans une atmosphère de clandestinité, et si nos options seront abordées dans un sentiment de perpétuelle délinquance. Corrélativement, la question est donc aussi de savoir si les divers échelons du gouvernement de la communauté chrétienne se réserveront une liberté d'autant plus exclusive qu'ils disposent d'un pouvoir plus universel, ou si la liberté sera, au contraire, d'autant plus large qu'elle conditionne de plus près la responsabilité concrète de l'action chrétienne et pastorale. Il est tout à fait malsain, et, en définitive, contraire au style même de l'action évangélique de Jésus, —pour ne rien dire des conditions normales de l'action humaine tout court,—de disposer les choses de telle sorte que la liberté chrétienne tende sans cesse à remonter vers le sommet de la pyramide du pouvoir. Un tel état de choses est la voie ouverte à l'envahissement universel de la réglementation et de la passivité, nonobstant toutes les déclarations et toutes les exhortations en sens contraire. C'est aussi la voie ouverte à la périlleuse primauté de l'administration sur le véritable gouvernement[39].


Dans les Églises paroissiales catholiques actuelles, ce n’est pas seulement le manque d’engagement dans la mission qui pose problème, mais aussi la difficulté que les chrétiens éprouvent à fraterniser. Non pas qu’ils le refusent, mais la structure présente ne favorise pas les échanges entre les membres. Il ne suffit pas de se serrer la main une fois par semaine lors de la célébration dominicale pour créer des liens. Il serait aussi naïf de croire, dans le contexte individualiste qui est le nôtre, que les chrétiens vont spontanément aller les uns vers les autres et entourer le curé pour lui rendre service.


Les structures actuelles ont été reçues passivement du passé et les relations fraternelles, sauf exceptions, ne peuvent être assurées. D’après Jean-Paul Audet, l’Église catholique serait, depuis longtemps, tombée dans l'anonymat du phénomène de foule. Il faut, dit-il, à tout prix, et au plus tôt,faute de quoi la désaffection, la stérilité et la dispersion continuerontau-delà de tous les essais de réformes et de toutes les tentatives de rassemblement[40]. La structure de groupes de maison qui fait partie du modèle de croissance intégrale permet de résoudre le problème surtout si la participation n’est pas présentée comme facultative mais qu’elle est considérée comme un élément essentiel de la vie chrétienne. résoudre ce problème,

Si nous voulons surmonter notre longue dispersion, la grande urgence de l'heure nous paraît donc être, finalement, de recréer, et de permettre d'abord que soient recréés, dans la liberté de l'Esprit de notre Dieu et Père, les aménagements concrets, où une authentique communauté de base pourra encore une fois redonner sa chance à la fraternité chrétienne, sans que, toutefois, le bénéfice de structures plus amples soit perdu pour autant. Ce qui importe, c'est tout simplement que chaque chose soit à sa vraie place. Si, ensuite, il fallait pour cela envisager une refonte profonde de notre service pastoral de base, nous exprimerions alors le souhait que cette refonte soit entreprise sans retard et sans crainte. Pour reprendre la pensée d'Athanase, nous dirions donc simplement : ce n'est pas le souci de « nos vertus » qui est prioritaire, c'est le besoin dûment constaté de l'Église de Dieu[41].


Un autre élément dont on doit tenir compte pour la mise en place du modèle dans le contexte des Églises paroissiales catholiques est la pénurie de prêtres dans les pays occidentaux. Comme les prêtres sont de moins en moins nombreux, on leur confie de plus en plus de charges pastorales et ils se retrouvent souvent seuls pour tout organiser. Ils ont donc moins de temps pour les personnes et doivent consacrer plus d’heures pour les formalités administratives. Ce genre de travail n’étant pas très attirant pour les jeunes, le nombre de vocations presbytérales en souffre. Ne devrait-on pas envisager des églises moins nombreuses mais plus grandes, permettant une meilleure implication des membres non-ordonnés ? Le curé n’aurait alors qu’une charge paroissiale et disposerait de plus de personnes pour l’aider dans les affaires administratives.


Le modèle de croissance intégrale fonctionnerait mieux dans un tel contexte. Une communauté plus nombreuse permet de mettre à contribution les compétences grandissantes des membres non-ordonnés et libère les curés des fardeaux matériels. Avoir moins d’églises paroissiales réduit les coûts d’entretien matériel, permet d’embaucher plus de laïcs et n’empêche pas pour autant l’accessibilité puisque que la mobilité des personnes est aujourd’hui assurée par les moyens de transport modernes et efficaces. Grâce aux groupes de maison préconisés par le modèle de croissance intégrale, une église plus grande échappe aux problèmes d’anonymat des membres; elle est à la fois grande, permettant de meilleurs services, et petite, garantissant la fraternité. L’équilibre est ainsi rétabli entre l’universel et le singulier[42].


Un autre point à considérer est la lettre de nomination d’un curé de paroisse (Annexe 1). Celle-ci ressemble à un mandat missionnaire. Sa formulation actuelle laisse entendre que c’est seulement le curé qui a la responsabilité des gens de la paroisse. Alors que c’est toute la communauté qui devrait se sentir responsable pour accomplir la mission de l’Église. Il serait bon et juste théologiquement de rédiger une lettre qui confie la responsabilité missionnaire à l’ensemble des membres de l’Église tout en précisant le rôle des uns et des autres afin d’éviter les conflits de pouvoir. Confier des responsabilités aux autres membres de l’Église est un processus qui demande discernement et équilibre. Il est important de bien définir les rôles et de ne pas travailler les uns contre les autres, mais les uns avec les autres dans l’accomplissement de la mission.


Le dernier point qu’il semble pertinent de soulever dans le contexte catholique est celui de la formation des prêtres. Dans celle-ci, le temps consacré à apprendre comment faire des homélies est insignifiant par rapport au nombre d’heures allouées à l’étude de la théologie. Le ministère de la Parole est pourtant central dans la vie d’une communauté chrétienne. Et si l’on confie à d’autres membres de la communauté la possibilité de donner des homélies quelle formation envisage-t-on de leur offrir ? Le modèle de croissance intégrale ne peut qu’inviter toutes les personnes appelées à exercer un tel ministère à se former sérieusement afin d’offrir une prédication de qualité.

14.2.2 Le modèle de croissance intégrale et les orientations pastorales de l’Église de Montréal

Dans ce dernier chapitre nous allons présenter un autre exemple de considération du contexte dans la mise en place du modèle de croissance intégrale. Après avoir fait ressortir plusieurs éléments du contexte québécois et des Églises paroissiales catholiques, nous allons nous pencher sur les orientations pastorales promulguées par l’Archevêque de Montréal à la suite du récent synode. Ces promulgations reflètent, dans l’ensemble, les désirs des membres de l’Église de Montréal. Nous verrons si ces désirs peuvent avoir une influence sur les composantes du modèle.


Les participants du synode se sont prononcés pour une Église-communion. Le document qui présente les orientations pastorales pour le diocèse promulguées à la suite du synode[43] rappelle que, de par sa nature théologale, l'Église-communion n'a pas de frontières : elle est missionnaire. Sa vitalité repose à la fois sur l'engagement de tous et sur la disponibilité de chacun à l'action de l'Esprit[44].


Le modèle présenté dans cette recherche va dans ce sens; non seulement permet-il une plus grande communion grâce aux groupes de maison mais il est aussi profondément missionnaire. Il invite les responsables de communauté à faire en sorte que toute la communauté chrétienne soit investie de la mission d’annoncer Jésus-Christ pour témoigner de sa foi, qu’elle sache accueillir et accompagner les personnes en cheminement et travaille à répondre aux besoins du milieu. Par le cheminement de croissance proposé aux membres à l’intérieur de la communauté chrétienne, la vision véhiculée par le modèle est bien celle d'une évangélisation qui s'inscrit et se réalise au cœur même de l’Église-communion.


Les orientations du synode de Montréal s'articulent autour de cinq thèmes qui sont en harmonie avec le modèle de croissance intégrale : (1) Proposer la foi en Jésus-Christ; (2) célébrer la foi et rendre grâces à Dieu; (3) bâtir une communauté missionnaire au service du monde (4) qui soit ouverte, accueillante et fraternelle, (5) et y vivre une véritable coresponsabilité.


Dans la ligne des propositions, le modèle vise une plus large participation des laïcs dans la vie de l'Église en vue de la mission. Par sa structure et ses orientations fondamentales, les responsables et la communauté chrétienne tout entière peuvent être plus proches des gens du milieu et à l'écoute de leurs besoins et de leurs attentes. C’est le souhait exprimé par les diocésains et diocésaines et repris par le Cardinal Jean-Claude Turcotte dans la présentation du texte des propositions.


L'Église de Montréal semble en fait un lieu propice pour greffer le modèle de croissance intégrale. Celle-ci souhaite, en effet, permettre aux laïcs d’exercer un leadership de participation et de vivre la coresponsabilité avec les membres ordonnés. Les propositions encouragent entre les prêtres et les laïcs (1) un échange d'information relatif aux multiples besoins et attentes de la communauté; (2) un dialogue en toute égalité pour en arriver à faire des choix judicieux ; (3) une participation de tous aux prises de décision concernant la définition des objectifs, l'explicitation des orientations pastorales et l'élaboration des politiques et des directives pastorales (Cf. # 83-85). L’Église de Montréal qui souhaite une Église-communion, tout entière ministérielle, est consciente qu’une telle option demandera des transformations pastorales, administratives et organisationnelles. (Cf. # 80-82). Ces transformations sont en grande partie celles proposées par le modèle de croissance intégrale.


Je rappelle ici succinctement les grandes lignes du modèle de croissance intégrale et ses structures essentielles[45]. Le modèle part des fonctions de l’Église déployées selon les besoins et la culture du milieu (à l’extérieur de la communauté chrétienne et à l’intérieur) avec la participation des membres de la communauté pour en arriver à la qualité des services offerts et à l’amour et l’efficacité dans l’accomplissement de la mission chrétienne. Les structures d’un tel modèle sont celles de l’Église paroissiale habituelle complétées par une série de cours de formation permettant la croissance des membres de la communauté et leur implication progressive dans la mission de l’Église. Cette formation est offerte tant aux enfants qu’aux adultes, et les personnes qui la reçoivent sont ensuite invitées à participer à la vie de communion et de mission dans l’Église; elles intégreront des groupes de maison ayant une fonction particulière pour répondre aux besoins du milieu : groupes de soutien, groupes d’évangélisation, groupes d’intervention sociale, groupes liturgiques, etc..


Le synode fait ressortir que les membres des communautés chrétiennes de Montréal sont soucieux d’affirmer leur foi et d'approfondir leur connaissance de la parole de Dieu[46]. Le document des propositions les invite à se faire messagers de la Bonne Nouvelle et à se préoccuper de la transmission de l'héritage chrétien[47].


La formation offerte dans le modèle de croissance intégrale ainsi que les groupes de maison permettront aux membres de l’Église non seulement d’approfondir leur foi et leur connaissance de la Parole de Dieu, mais aussi d’améliorer leur communion avec les autres membres de l’Église et d’affirmer courageusement et ouvertement leur foi en Jésus-Christ dans les lieux de travail, de vie familiale et sociale, dans les relations interpersonnelles et intergroupes comme le conseille le document d’introduction[48].


Une formation adaptée aux besoins des membres de la communauté chrétienne et du milieu permettra de rejoindre la personne humaine dans la totalité de son être et la diversité de ses attentes et de ses besoins[49].


Cette structure de cours animés par des laïcs amène les responsables de la communauté à considérer leur rôle comme des formateurs à l’instar de Jésus qui a formé quelques disciples qu’il avait lui-même choisis. Ce n’est pas le premier responsable de la communauté qui assure l’animation des cours et des groupes de maison, ce sont les laïcs issus eux-mêmes du processus de croissance proposé dans le modèle. Grâce à une priorité donnée à la formation et à l’implication des adultes, la communauté pourra aller de l'avant dans l'organisation de catéchèses pour jeunes[50] et pour adultes qui utilisent un langage simple et adapté et qui visent à répondre aux besoins spirituels des personnes. Selon les conseils du synode, il s’agira d’inculquer une attitude de respect et d’accueil face aux autres religions. Les responsables des différents cours pourront dispenser des informations objectives sur les diverses croyances et les différents groupes religieux qui existent dans leur milieu et accueillir avec compréhension les personnes qui sont tentées de quitter le catholicisme ou qui le redécouvrent (# 4).


Le modèle de croissance intégrale ne trace que les grandes lignes d’un projet pastoral paroissial et ne fixe pas d’avance le contenu précis de la formation ou des orientations missionnaires des groupes de maison; ce sont les responsables de communauté, avec leurs équipes, qui fixent les objectifs précis en fonction du milieu. Dans un contexte comme celui de Montréal, la communauté chrétienne tout entière est invitée à intensifier son partenariat avec les autres Églises chrétiennes dans les domaines de l'éducation chrétienne, des écoles et de la justice sociale, dans des rencontres de prière et des projets pastoraux qui répondent aux besoins de la société pluraliste et multiculturelle (Cf. # 3).


Les groupes de maison, qui font partie de la structure du modèle de croissance intégrale, sont aussi des lieux où peut se poursuivre l'éducation chrétienne des enfants et de la jeunesse et susciter l'éveil religieux des tout-petits. Il est important que ces groupes de maisons spécialisés dans l’éducation des enfants soient animés par des personnes capables d'actualiser la Parole de Dieu et les valeurs évangéliques pour la vie d’aujourd'hui. Elles vont dans le sens de la huitième proposition qui suggère la formation de petites cellules communautaires où les jeunes peuvent vivre des expériences de fraternité, de formation et d'engagement selon les valeurs chrétiennesmettre leurs expériences en commun et trouver les meilleures façons de rejoindre d'autres jeunes (# 9).


Le modèle de croissance intégrale permet de réaliser de manière concrète l'éducation permanente de la foi des baptisés souhaitée par le synode. Grâce aux différents cours et aux partages dans les groupes de maison, la Bible pourra aussi prendre davantage de place dans la vie des baptisés et raviver leur foi. Ainsi se réalisera l’accompagnement des adultes soucieux de progresser dans leur cheminement spirituel (Cf. # 16).


Même si le modèle de croissance intégrale propose de relier les différentes activités de l’Église autour d’une seule vision élaborée en fonction du milieu, les responsables devront quand même faire la promotion des autres groupes de partage de foi et des associations spirituelles et apostoliques (Cf. # 19) qui ne sont pas directement reliées à sa vision ; ceci de manière à ne pas se refermer sur soi et à mieux répondre aux besoins des membres de sa communauté. Certains groupes de maison pourront proposer un service de counselling pour résoudre les difficultés que rencontrent des personnes au sujet de la religion.


Parmi les cours proposés dans le modèle se trouvent ceux de préparation au baptême, à la première communion et à la confirmation. Les parents des enfants en cheminement pourront êtres invités à se joindre à un groupe de maison leur permettant d’approfondir leur cheminement personnel et de trouver un support dans l’éducation chrétienne de leurs enfants. Ces groupes leur permettront aussi d’être plus sensibles aux exigences de leur propre baptême comme la recherche de sainteté personnelle et la responsabilité apostolique en vue de l'évangélisation des milieux où ils vivent et travaillent (# 22). Il serait bon que les groupes adoptent une approche catéchuménale pour la préparation des jeunes à la célébration de l'eucharistie et de la confirmation (# 23). Après avoir reçus les sacrements, les jeunes seront, eux-aussi, invités à cheminer dans d’autres groupes de maison où ils pourront continuer à être en communion avec les autres jeunes de la paroisse.


Ayant implanté, comme le conseille le synode de Montréal, un service de pastorale auprès des jeunes dans chaque secteur de la paroisse, les Églises paroissiales qui adopteront le modèle de croissance intégrale auront avantage à travailler en collaboration avec celui-ci et le cas échéant à collaborer elles-mêmes avec les milieux communautaires pour mieux connaître les besoins des jeunes de leur milieu. Des groupes de maison « spécialisés » selon tel ou tel besoin seront plus aptes à apporter du soutien aux personnes en détresse.


Une attention toute particulière devrait être accordée aux familles pour les soutenir dans les situations complexes et déchirantes qu’elles vivent parfois : familles nucléaires, reconstituées et monoparentales, etc. Les groupes de maisons qui rassembleront ces familles pourront éventuellement référer certaines personnes à des services psychologiques et thérapeutiques spécialisés et faire connaître les mouvements familiaux du milieu qui œuvrent dans ce sens. Ces groupes viseront à offrir un soutien aux parents qui demeurent à domicile avec de jeunes enfants ainsi qu'aux familles monoparentales souffrant d'isolement et/ou de mise à l'écart (# 70).


Certains groupes de maison pourront se rassembler dans des centres d'accueil et des maisons de retraite, afin d’assurer aux résidents les services spirituels dont ils ont besoin et de les aider à poursuivre leur rôle de membres actifs dans la vie de l'Église (# 71). Selon les secteurs c’est aussi des groupes comprenant des immigrants qu’il faudrait mettre sur pied afin de rejoindre leurs besoins particuliers.


Dans l’élaboration de leur vision et la rédaction de l’énoncé de mission, les Églises chercheront à collaborer avec le groupe de pastorale sociale du secteur et avec les organismes et les autres confessions religieuses qui travaillent dans le sens d'une plus grande justice sociale. Selon les orientations promulguées par l’Archevêque de Montréal, un de leurs objectifs sera de dénoncer les injustices présentes dans leur milieu, de se porter à la défense des victimes (Cf. # 40) et d’accorder une attention particulière aux personnes qui se considèrent exclues de la communauté ecclésiale. Enfin, il faudrait que l’intégration des personnes handicapées à la vie des groupes de maison soit facilitée en éliminant les barrières physiques, sociales, psychologiques et pastorales.


Les orientations pastorales promulguées donnent un éclairage particulièrement intéressant sur les activités qui peuvent être élaborées dans les groupes de maison. Certains auront à se spécialiser pour rejoindre les jeunes, les familles en difficulté, les immigrants, d’autres pour donner des catéchèses aux enfants et aux jeunes adultes; d’autres encore pour travailler avec les écoles, les groupes luttant pour la justice sociale, etc. À chaque groupe revient sa mission et son charisme. Cette souplesse permet à l’Église locale de travailler avec les autres organismes du milieu et d’incorporer à la vision communautaire des structures d’intervention déjà existantes dans le milieu. Il est souhaitable que le lieu de rassemblement des groupes ne soit pas seulement les maisons. Les chrétiens pourront par exemple mieux venir en aide aux personnes âgées si certains se rassemblent dans des centres d’accueil.



NOTES

[30] Cf. A. Borras, Les communautés paroissiales : Droit canonique et perspectives pastorales, Paris, Les éditions du cerf, 1996, p. 15.

[31] En 1917, le Code de droit canonique transformera la recommandation du Concile en injonction.

Dorénavant, le territoire de tout diocèse est subdivisé en paroisses.

[32] A. Borras, op. cit., p. 16.

[33] Ibid., p. 18.

[34] Cf. ibid., p. 18.

[35] Il peut arriver, comme au Québec, de par la diminution des vocations presbytérales, la responsabilité d’une paroisse soit confiée à une personne non-ordonnée ou à toute une équipe.

[36] A. Borras, op. cit., p. 102.

[37] Cf. ibid., pp. 119-120.

[38] Ibid., p. 39.

[39] J.-P. AUDET, op. cit., pp. 42-43.

[40] Ibid., pp. 154-155.

[41] Ibid., p. 81.

[42] Ibid., p. 32.

[43] Je me référerai tout au long de ce chapitre au document officiel des orientations du synode promulguées par le Cardinal Turcotte (Archevêque de Montréal). Ce document a entre autres été publié sur Internet à l’adresse suivante : http://www.missa.org/sytmf.html et mes références renverront à sa publication sur le Web.

[44] Diocèse de Montréal, Orientations pastorales du Synode diocésain, http://www.missa.org/syprf.html

[45] Se référer aussi au diagramme du chapitre 12.1 De la quantité à la qualité et 12. 3. Évaluer la croissance intégrale selon les quatre fonctions de l’Église et la recherche d’amélioration continue.

[46] Cf. Diocèse de Montréal, op. cit., http://www.missa.org/sy1f.html

[47] Ibid., http://www.missa.org/sy1f.html

[48] Ibid., http://www.missa.org/sy1f.html

[49] Ibid., http://www.missa.org/sy1f.html

[50] Cf., ibid., http://www.missa.org/sy1f1c.html