2.2 Les éléments qui favorisent ou déclenchent la croissance numérique

Le premier élément qui favorise la croissance numérique est de donner la priorité à l’évangélisation. La mission de l’Église est considérée avant tout comme celle d’aller « à la recherche des brebis perdues », d’aller au-devant des personnes qui ne font pas partie de la communauté. Les Églises qui se développent ont une philosophie de croissance : leurs activités sont choisies en fonction de ce but ; le pasteur parle régulièrement, dans ses homélies, de cette orientation fondamentale de la communauté. L’évangélisation fait partie de la nature de l’Église, c’est sa façon de vivre[23]. Elle est comprise comme une entreprise qui réconcilie les hommes et les femmes avec Dieu, forme des disciples et implique les chrétiens dans les activités de l’Église.

Le deuxième élément qui favorise la croissance est de donner beaucoup d’importance à la prière, la vision et la foi[24]. Les Églises en croissance possèdent une vision claire de ce qu’elles sont appelées à faire. Cette vision procède de la prière, de la foi et de l’observation des besoins du milieu. Elle s’élève au-dessus du statu quo et est réaliste afin que les membres de l’Église puissent y croire et la suivre. Les responsables présentent les étapes à suivre afin ne pas se perdre dans une vision, certes belle, mais qui relèverait du rêve plutôt que d’un projet réalisable et planifié[25]. Les Églises en croissance insistent sur l’importance de la prière et du rôle de l’Esprit dans l’évangélisation. C’est grâce à l’Esprit Saint que les membres se sentent animés du désir de témoigner de leur foi[26].

Le troisième élément qui favorise la croissance est une bonne connaissance de la communauté chrétienne et du milieu dans lequel elle est implantée. Cette connaissance du milieu permet de mieux formuler la vision. Il s’agit de cerner les forces de la communauté chrétienne[27] et de savoir qui l’on veut rejoindre, qui l’on peut rejoindre et comment les rejoindre[28]. En connaissant mieux les spécificités de son milieu, on aura d’autant plus de chance de discerner les services qui permettront de répondre aux besoins spécifiques du milieu[29]. Les activités de l’Église doivent répondre aux attentes du milieu et faire de la communauté chrétienne un lieu d’accueil, d’ouverture et de recherche de personnes nouvelles[30].

Le quatrième élément concerne le leadership de la communauté chrétienne. Les dirigeants doivent savoir organiser leur communauté pour le futur, ils pensent à l’avance, observent et précisent son rôle dans son environnement. Ils scrutent les possibilités du milieu, formulent une vision pour l’avenir et communiquent cette vision de manière à motiver les membres de l’Église à la suivre[31]. L’assurance doit les animer ainsi qu’un enthousiasme communicatif[32]. Ils ne doivent pas tout faire eux-mêmes, mais au contraire, déléguer responsabilités et pouvoir et que le plus grand nombre de personnes s’engagent dans l’évangélisation, soient formés et envoyés[33]. Il ne s’agit pas pour eux de se servir des chrétiens pour réaliser leurs plans et leurs objectifs personnels, mais plutôt, en inversant la pyramide de l'autorité, de les aider à exercer de réelles responsabilités[34].

Les responsables de la communauté ne doivent pas agir seuls afin que leur efficacité ne soit pas réduite à leurs seules ressources. Ils doivent plutôt engager toute la communauté dans l’œuvre d’évangélisation afin de multiplier les actions de l’Église[35]. Ils travaillent avec les membres de la communauté, leur assurent une formation et restent accessibles. La majorité de leur temps est consacré aux personnes de leur communauté qui peuvent elles-mêmes exercer des responsabilités, ils aident les meilleurs à donner ce qu’ils ont de meilleur[36]. Leur rôle consiste donc principalement à former et motiver les membres non-ordonnés pour la tâche de l’évangélisation.

Le cinquième élément qui favorise la croissance est de viser à accomplir la mission en se servant d’objectifs mesurables. L’Église se fixe des buts précis car les idées et les plus beaux rêves s’incarnent dans des objectifs mesurables. Comment ces buts sont-ils fixés ? On met par écrit une liste des besoins du milieu, puis on établit des priorités d’action selon ce qui est le plus important et le plus urgent. En prenant comme base ces besoins et ce qui est possible de faire avec les moyens de la communauté, des buts sont fixés qui décrivent les résultats concrets qu’on souhaite atteindre d’ici un an, cinq ans et dix ans. On veille aussi à ne pas faire ce que d’autres organismes font efficacement dans un même domaine[37].

Le sixième élément qui favorise la croissance des Églises est la présence d’une structure de groupes de maison[38] : Il s’agit de multiplier les petits groupes de partage, qui ne soient pas des comités et qui répondent aux besoins, aux désirs d’appartenance et de socialisation des membres de la communauté[39]. On y étudie la Bible, on y actualise les textes et on cherche à y trouver des applications concrètes pour la vie de tous les jours. Les chrétiens d’aujourd’hui ne se contentent plus des homélies et des sacrements pour vivre leur foi, ils désirent expérimenter la communion fraternelle. Là où l'amour fait défaut, le développement de l'Église est compromis[40]. Ces petits groupes sont aussi des lieux où les chrétiens peuvent exercer des responsabilités et se mettre au service des autres par leurs dons spirituels. La participation à ces groupes de maison ne doit pas être considérée comme une option, mais comme un lieu indispensable pour cheminer vers la maturité chrétienne[41]. Ces groupes sont des espaces où l’on peut parler de ses épreuves, poser des questions et chercher des solutions. Ils sont un facteur universel de croissance[42].

Le septième élément concerne la formation de responsables non-ordonnés. La multiplication des responsables permet de multiplier les services. Mais ils ne sont pas simplement des exécutants, ils travaillent de concert avec le pasteur pour définir la vision et en planifier les activités concrètes. Ils sont le ferment de la pâte communautaire et stimulent les autres membres à atteindre les objectifs[43]. Grâce à eux[44] on peut envisager une structure communautaire de décision participative[45]. Ils doivent êtres convaincus que le plan de Dieu est d’amener de nouvelles personnes à la communauté[46]. Leur formation les amènera à devenir des être relationnels, attentifs et chaleureux. Développer leurs qualités humaines est important car leur bonne attitude attirera du monde à l’église. Pour choisir ces responsables et leur assurer une formation adéquate, la communauté chrétienne doit concevoir un système interne pour les repérer, les choisir, les recruter et les former[47]. Il faut investir financièrement plus dans ces personnes que dans les éléments matériels de l’organisation.

Le huitième élément vise la mobilisation et l’implication de l’ensemble des membres de la communauté chrétienne dans la mission d’évangélisation. Si tous les chrétiens ne sont pas appelés à proclamer la Parole, tous peuvent cependant employer leurs dons pour évangéliser à leur manière : Chaque chrétien doit mettre ses dons au service des non-chrétiens en entretenant de bonnes relations personnelles et en faisant en sorte que ces derniers puissent entrer en contact avec l'Église et entendre l'Évangile[48]. Le dirigeant communique aux membres de l’Église le souci de la croissance[49] et leur propose une méthode pour aller vers les non-chrétiens et les non-pratiquants et qui permette de créer des liens avec les personnes distantes[50]. Il s'agit surtout pour les chrétiens d'utiliser leurs relations existantes[51] et de témoigner auprès des personnes avec qui elles sont déjà en lien. Il est démontré que l’évangélisation est beaucoup plus efficace auprès des personnes que l’on connaît déjà. La majeure partie de celles qui sont retournées à l’Église l’ont fait grâce au témoignage d’une personne qu’ils connaissaient[52].

Les membres devraient être impliqués selon leurs talents, leurs dons spirituels et leur formation. Très souvent, les responsables décident quels services sont à accomplir mais il est important de comprendre que c'est Dieu qui détermine lui-même quelles personnes accompliront le mieux tel ou tel service; le rôle des dirigeants consiste à aider les membres à découvrir leurs dons, leurs intérêts et à exercer les services qui y correspondent[53]. Toutes les personnes de l’Église devraient avoir une tâche personnelle à accomplir, si petite soit-elle, que ce soit dans un service communautaire ou dans l’œuvre de l’évangélisation.

Le neuvième élément consiste à élaborer des activités cohérentes avec la vision de la communauté et les besoins du milieu. Dans l’œuvre d’évangélisation, faire de la prédication et inviter des personnes nouvelles à l’église n’est pas suffisant. On devrait essayer de soulager les misères et répondre à l’appel de détresse des personnes du milieu[54]. L’Église doit être à la recherche des personnes qui souffrent. Ce sont les besoins du milieu qui orientent et guident les plans futurs. Les communautés en croissance sont en recherche des ponts de Dieu, c’est-à-dire des différentes catégories de personnes qui sont susceptibles d’être réceptives à l’Évangile. Ces personnes sont par exemple celles qui ont besoin de l’action libéralisante et guérissante de Dieu ou qui vivent une période de transition, celles en recherche d’emploi, celles qui ont vécu un divorce, celles qui sont seules. Une fois ces ponts découverts, les Églises élaborent des stratégies et proposent des activités ecclésiales pour aider ces personnes[55]. Mais les responsables doivent aussi créer des services qui répondent aux besoins des membres de la communauté chrétienne, par exemple des groupes de maison pour personnes âgées, pour célibataires, pour personnes au chômage, etc.

Le dixième élément qui favorise la croissance est l’attention portée à la liturgie et à la qualité des célébrations. Il s’agit de savoir parfois sortir des habitudes pour rejoindre les attentes et les goûts des personnes que l’on cherche à rejoindre. Si la musique d’orgue n’intéresse pas les jeunes et que ce sont les jeunes que l’on cherche à rejoindre, il est plus approprié de se servir des instruments modernes de musique pour certaines célébrations[56]. Dans les Églises en croissance, on trouve des célébrations dynamiques, expressives et significatives. Il y a un équilibre entre l’exultation et l’adoration intérieure. Des équipes de laïcs et de ministres ordonnés s’en occupent avec sérieux et grand soin et visent à ce que toute la communauté participe[57]. Les célébrations devraient êtres vécues comme des expériences édifiantes[58] et les participants pouvoir dire qu’elles les édifient, leur donnent de la joie, de l’allégresse et une meilleure compréhension de la Parole. Ce genre de célébration est attrayante et permet à la communauté de croître[59].

Le onzième élément est en lien avec la capacité d’accueil de la communauté et la ferveur des membres. Tous les membres de l’Église devraient avoir une attitude ouverte et accueillante envers les personnes nouvelles, les personnes distantes et non-pratiquantes. La chaleur de l’accueil est plus importante et plus éloquente qu’une belle prédication[60]. C'est aussi l’enthousiasme de la foi qui attire les gens dans la communauté. Quand les chrétiens vivent leur foi avec joie et avec dynamisme, la communauté grandit. Mais dans une communauté où la pratique religieuse est vécue comme une obligation, comme une doctrine à connaître ou un code moral à suivre, on remarque un manque de dynamique et de vie rayonnante.

L’attitude générale des chrétiens est susceptible d’attirer des personnes nouvelles à venir régulièrement à l’Église. Les membres des Églises en croissance se sentent responsables des personnes qui ne connaissent pas le Christ ou qui ne viennent pas le célébrer[61], ils sont donc spécialement attentifs et accueillants vis-à-vis de ceux et celles qui visitent leur Église. Les pasteurs font des efforts pour fidéliser les nouveaux en les insérant, dès leur arrivée, dans des groupes fraternels[62] et en les impliquant dans l’évangélisation. On peut leur demander par exemple de témoigner de leur conversion ou de leur retour à l’Église. Si on n’implique pas rapidement les nouvelles personnes dans une tâche et un groupe de partage, on risque de les perdre[63].

Le douzième élément concerne les structures matérielles des églises, comme la visibilité du bâtiment, les commodités de stationnement, l’espace disponible pour les célébrations et la possibilité d’agencement des espaces grâce à des structures modulables[64].

Ce chapitre a tenté de dégager les éléments que les auteurs du MCE considèrent en général comme des freins ou des déclencheurs de croissance numérique. Les éléments auraient pu être classifiés autrement et regroupés sous des thèmes différents, mais cette classification a surtout voulu rendre compte des idées qui circulent communément dans le MCE. Le chapitre qui suit va se concentrer sur des expériences vécues d’Églises en croissance reliées à ce Mouvement et relever les conseils prodigués par leurs pasteurs.


NOTES:

[23] Cf. T. Yamamori, op. cit., p. 316.

[24] Cf. R. LOGAN, Beyond Church Growth, Tarrytown, Fleming H. Revell, 1989, pp. 23ss.

[25] Cf. E. Gibbs interviewé par Matthew Hannan le 11 juin 1992 et rapporté dans sa thése : Building a Church Worth Going To : A Guide to Revitalizing Static and Declining Churches, (Talbot School of Theology, 1994) p. 175.

[26] Cf. T. Yamamori, op. cit., p. 319.

[27] Cf. K. CALLAHAN, Twelve Keys to an Effective Church : Strategic Planning for Mission, San Francisco, Harper & Row, 1983, Introduction, p. xxii-xxiii.

[28] Cf. R. LOGAN, op. cit., p. 27.

[29] Cf. T. Yamamori, op. cit., p. 317.

[30] Cf. R. SELLS et D. LASUER, « New Member Recruitment », The pastor’s Church Growth Handbook, Pasadena, Church Growth Press, 1979, pp. 185-188.

[31] Cf. E. Gibbs, op. cit., pp. 175ss et Cf. R. SHULLER, « Three Characteristics of a Successful Pastor », The pastor’s Church Growth Handbook, Pasadena, Church Growth Press, 1979, pp. 136-138.

[32] M. Hannan op. cit., pp. 175ss.

[33] Cf. T. Yamamori, op. cit., p. 317.

[34] Cf. C. Schwartz, Le développement de l’Église, une approche originale et réaliste, Paris, Éditions Empreinte Temps Présent, 1996, p. 22.

[35] Cf. R. SELLS et D. LASUER, op. cit., pp. 185-188.

[36] Cf. M. Hannan op. cit., pp,179-184.

[37] Cf. R. SCHULLER, op. cit., pp. 136-138.

[38] L’expression groupes de maison fait référence aux cellules de maison dont nous avons parlé précédemment. Nous le verrons, on utilise aussi l’expression cellules paroissiales d‘évangélisation quand on se situe dans le contexte catholique.

[39] Cf. K. CALLAHAN, op. cit., pp. 35-41.

[40] C. Schwartz, op. cit., p. 37.

[41] Cf. R. LOGAN, op. cit., pp. 119-141.

[42] Cf. C. SCHWARTZ, op. cit., p. 32.

[43] Cf. O.D. EMERY, « What Makes a Church Grow ? », The pastor’s Church Growth Handbook, Pasadena, Church Growth Press, 1979, pp. 136-138.

[44] Cf. C. SCHWARTZ, op. cit., p. 28.

[45] Cf. K. CALLAHAN, op. cit., pp. 56-57.

[46] Cf. T. Yamamori, op. cit., p. 317.

[47] Cf. M. Hannan, op. cit., pp. 179-184.

[48] C. Schwartz, op. cit., pp. 34-35.

[49] Cf. O.D. EMERY, op. cit., pp. 136-138.

[50] Cf. T. Yamamori, op. cit., p. 317.

[51] Cf. C. SCHWARTZ, op. cit., p. 35.

[52] Cf. T. Yamamori, op. cit., p. 317.

[53] Cf. C. Schwartz, op. cit., p. 24.

[54] Cf. R. SCHULLER, op. cit., pp. 136-138.

[55] Cf. T. Yamamori, op. cit., pp. 317-318.

[56] Cf. R. LOGAN, op. cit., p. 66.

[57] Cf. K. CALLAHAN, op. cit., pp 24-35.

[58] Cf. C. SCHWARTZ, op. cit., p. 30.

[59] Cf. ibid., p. 31.

[60] Cf. O.D. EMERY, op. cit., pp. 136-138.

[61] Cf. ibid., pp. 136-138.

[62] Cf. T. Yamamori, op. cit., p. 319.

[63] Cf. R. SELLS et D. LASUER, op. cit., p. 188.

[64] Cf. K. CALLAHAN, op. cit., pp. 95-106.