3.1 Le pasteur Cho

Paul Yonggy Cho est le pasteur de la plus grande assemblée évangélique du monde. Il a commencé à évangéliser seul dans un quartier très pauvre de Séoul pour fonder ensuite une Église qui est passée en trois ans de cinq cents à deux mille six cents membres. Mais, épuisé à la tâche, il tomba gravement malade. Son incapacité à tout faire lui-même l’obligea à déléguer les tâches de l’évangélisation. Pour ce faire il mit au point une structure ecclésiale par groupes de maison, qu’il appelle cellules de maison, animée par des laïcs et à laquelle tous les membres de l’Église sont appelés à participer. En l’espace de vingt-cinq ans, les membres se sont multipliés jusqu’au nombre de sept cents mille et leur taux de croissance est actuellement de dix mille personnes par mois.

Les cellules de maison sont des rassemblements de six à douze chrétiens qui se retrouvent une fois par semaine chez l’un des membres de l’Église. La mission de ceux qui y participent est d’évangéliser leur quartier. Les cellules n’existent pas pour elles-mêmes mais spécifiquement pour l’évangélisation, pour aller vers les autres. Elles fournissent un endroit où amener amis et voisins pour les conduire à Jésus-Christ[1]. Un des passages bibliques qui justifie cette structure ecclésiale se trouve dans les Actes des Apôtres (2:46-47)[2]. On y lit que les premiers chrétiens avaient deux sortes de convocations ecclésiales; non seulement se réunissaient-ils régulièrement dans le temple, mais aussi dans leurs maisons[3].

Pour accomplir leur mission d’évangéliser les membres des cellules ne font pas de porte à porte : l’évangélisation par le porte à porte s’avère frustrante pour les chrétiens, parce que les résultats sont maigres [4]. Le pasteur fixe des objectifs pour chacune des cellules et pour chaque district composé de plusieurs cellules[5]. Les animateurs enseignent aux membres à être attentifs aux personnes autour d’eux[6]. Tout ce qu’il y a à faire pour les membres des cellules, c’est de découvrir des besoins, rendre service, aimer les gens et les aider, et très vite, le noyau de la cellule se formera et grandira[7]. Les chrétiens font donc des efforts pour entrer en contact avec les personnes de leur entourage, et les invitent dans le groupe : Lorsque les gens voient ce qui se passe dans nos cellules de maison, lorsqu’ils voient comment les croyants manifestent leur amour envers autrui, ils sont attirés vers ces cellules[8].

La rencontre de cellule commence avec des prières et des chants, suivis d’une prière faite par une ou plusieurs personnes désignées, puis la prédication de la Parole de Dieu en utilisant les notes du pasteur, et enfin une offrande. La rencontre s’achève par des témoignages, la prière pour les malades et pour le baptême du Saint-Esprit et une prière de clôture[9]. Un secrétaire est désigné ainsi qu’un trésorier pour chaque cellule. Au moment de la collecte hebdomadaire, le secrétaire a la responsabilité de compter la somme reçue et de tenir un registre. Le trésorier du groupe garde l’argent et le remet le dimanche suivant au responsable[10].

Les cellules fonctionnent avec les laïcs. Moyennant une formation, ceux-ci, d’après le pasteur Cho, sont la ressource la plus efficace pour l’évangélisation[11]. Les responsables peuvent ainsi mieux pourvoir aux besoins des membres de la communauté chrétienne[12]. Au fur et à mesure que les cellules grandissent, les groupes sont divisés afin qu’il n’y ait pas plus de quinze familles par cellule[13]. Les personnes sont plus rassemblées par groupes homogènes : jeunes avec jeunes, professions libérales avec professions libérales, étudiants avec étudiants, etc., que par répartition géographique[14].

Un élément essentiel : monsieur Cho précise que l’évangélisation par cellules de maison doit devenir le programme principal de l’assemblée[15]. Si les membres se rassemblent sans avoir comme premier objectif l’évangélisation, les cellules n’engendreront pas de croissance. Le danger encouru est qu’elles ne visent qu’à la satisfaction des membres[16]. Une cellule de maison n’est pas une organisation charitable, bien qu’elle puisse accomplir des oeuvres de charité. Une cellule de maison n’est pas non plus une veillée de prière[17]. Une cellule de maison a pour but l’évangélisation, et est appelée à croître, à se multiplier puis à se scinder en deux lorsqu’il y a eu une croissance suffisante.

C’est un passage de l’Exode, au chapitre 18, qui inspira au pasteur de déléguer ses fonctions à des membres non-ordonnés : (...) Jéthro vit que c’était trop pour Moïse et il lui montra comment déléguer son autorité afin qu’il ne s’épuise plus à essayer de satisfaire les besoins de tous les gens dont il avait la charge [18]. Il a appris à déléguer non seulement ses responsabilités, mais aussi son autorité en nommant des responsables de cellules. La délégation est, d’après lui, une clé pour réussir l’évangélisation. Le rôle principal du pasteur est alors de former les responsables et de les motiver : Je motive et reconnais sans cesse les responsables de cellules[19]. Il insiste sur le fait que si on manifeste de la reconnaissance aux autres, qu’on les loue, qu’on les aime d’un amour sincère, ils se sentiront motivés pour accomplir de grandes choses[20]. Beaucoup de personnes sont capables de s’organiser, et elles le font très bien : Cependant, toute organisation, quel que soit son raffinement, ne fonctionnera pas correctement si les gens qui la composent ne sont pas correctement motivés pour accomplir le travail[21].

Le pasteur Cho nomme principalement les femmes comme responsables de cellule car en Corée nombreuses sont celles qui restent encore au foyer et sont par là même plus disponibles pour remplir cette tâche. Chaque mercredi, il réunit tous les responsables et, au cours de leur rencontre, il distribue ses notes et il les commente en indiquant ce qui doit être enseigné. Il a lui-même établi le programme pour les réunions de maisons[22] et deux fois par an, il leur donne un séminaire de formation[23].

Le pasteur doit être la personne responsable du programme d’évangélisation par cellules de maison[24]. Il doit jouer un rôle actif pour les mettre en place et motiver les membres[25]. Dans son assemblée, monsieur Cho est toujours présent et les membres de son assemblée voient que le système de cellules est important à ses yeux. Beaucoup d’Églises ont échoué à mettre en place les cellules parce que les pasteurs n'y étaient pas personnellement impliqués. Monsieur Cho dit toujours aux pasteurs qui assistent à ses séminaires sur la croissance de l’Église qu’ils doivent assumer personnellement la responsabilité du projet, sinon les animateurs de cellules et les membres ne seront pas motivés et le système sera voué à l'échec. Mais quand le pasteur prend vraiment en charge le système des cellules de maison, qu’il prend une part active pour les organiser et qu'il forme les responsables et les motive sans cesse, les membres vont s'enthousiasmer, ils verront que c'est important et ils travailleront dur en accomplissant un bon travail. Alors les cellules de maison réussiront et l'assemblée commencera vraiment à croître[26].

Mais l’assemblée ne pourra jamais croître véritablement si le pasteur ne lui donne pas son impulsion de leader[27]. Il insiste pour dire qu’il connaît de nombreuses Églises qui ont tenté d'établir des cellules de maison sans l'engagement personnel de leur pasteur. Elles ont toutes lutté mais sans succès. Aux États-Unis, il existe une assemblée chrétienne importante dont le pasteur assista au séminaire sur la croissance donné à Séoul. Il comprit la valeur des cellules de maison, cependant au lieu de promouvoir lui-même les cellules de maison dans son Église, il en remit la responsabilité à un associé. Ce dernier s'occupa de toute l'organisation et les cellules de maison se constituèrent. Après deux années d'efforts, ces cellules stagnèrent; peu de personnes assistaient aux réunions et les membres n'étaient pas motivés pour l’évangélisation. Pourquoi ? Les cellules de maison furent considérées comme un simple programme, parmi tant d'autres. Elles ne furent pas considérées comme la clé du réveil ou de la croissance ; après tout, tant d'autres programmes visent ces mêmes buts. Le pasteur n’étant pas activement impliqué, les membres ne prirent pas conscience de l’importance des cellules. Pour que les cellules de maison réussissent, le pasteur doit être convaincu de leur nécessité, au point de les considérer comme étant une question de vie ou de mort pour son assemblée[28].

Monsieur Cho est convaincu que le grand obstacle à la croissance des Églises est le manque de vision[29]. Il pense qu’il est important de recevoir de Dieu une nouvelle vision pour l’avenir[30]. Après que nous est communiquée cette vision, nous sommes motivés à nouveau[31]. La vision est un but à atteindre et lorsque nous nous mettons à rêver à ce but, ce rêve devient créatif[32]. Si nous n’avons pas de vision, nous ne produirons rien[33]. En parlant constamment de nos buts et de nos visions, nous engendrons l’enthousiasme des personnes qui nous entourent[34]. Mais il est important qu’il n’y ait pas plus d’une seule vision au sein de l’assemblée.

C’est du pasteur que cette vision doit émaner[35]. Il parle de cette vision avec les diacres et les diaconesses et ils se fixent des objectifs à atteindre afin de la réaliser[36]. C’est, d’après lui, la condition préliminaire pour obtenir une véritable croissance[37]; Dieu répond en fonction de la mesure de foi par laquelle nous lui donnons l’occasion d’agir[38] et il est nécessaire que nous agissions comme si nous avions déjà reçu cette croissance[39]: Votre croissance dépend de la mesure de vos rêves[40]. Une de leurs missionnaires se rendit au Japon avec un objectif de deux cents membres pour la première année. Elle organisa sa première cellule et se mit en quête de personnes dans le besoin[41]. Au bout d’un an elle dépassa son objectif et atteint deux cents cinquante membres.

Pour recevoir une vision et des rêves nouveaux, le pasteur Cho demande aux responsables de son Église d’apprendre à entrer dans une communion authentique avec le Saint-Esprit[42] : Pour réussir dans les affaires du Roi, il est nécessaire d’avoir une collaboration très étroite avec le Saint-Esprit[43]. C’est pourquoi leur assemblée est une assemblée qui prie. Une fois par semaine les chrétiens de leur Église prient toute la nuit et au moins 10.000 personnes participent[44]. La prière est considérée comme la clé de leur réveil[45]. De nombreux responsables de cellules passent aussi beaucoup de temps dans le jeûne et dans la prière pour le salut des personnes qu’ils évangélisent. D’habitude ils jeûnent d'un à trois jours par semaine[46].

Le style de la prédication faite par les animateurs des réunions va souvent déterminer si les cellules produisent une assemblée qui croit[47]. Dans sa pratique personnelle de prédication, le pasteur Cho se donne l’objectif principal d’aider les gens à rencontrer personnellement Jésus-Christ. Son second objectif est d’aider les gens à réussir dans tous les domaines de leur vie : âme, corps, intelligence et affaires[48]. Finalement, le but de sa prédication est d’aider les gens à mieux servir Dieu et leur prochain[49]. D’après lui, une relation intime avec le Saint-Esprit est un élément primordial pour réussir une prédication. C’est au contact de Sa présence intime qu’on reçoit l’inspiration et l’onction pour apporter le message dont l’assemblée a besoin[50] : Si je n’ai pas l’onction de l’Esprit, mon message n’engendrera aucun résultat, quel que soit le temps consacré à la préparation du sermon[51]. Il s’appuie de moins en moins sur la philosophie et sur l’histoire de l’Église apprise à son école biblique... Après vingt-trois ans de prédication, il est persuadé que c’est seulement la Parole de Dieu qui donne vie à l’assemblée[52]. Il commence toujours sa prédication en parlant de la bonté de Dieu[53] et il essaye d’orienter ses sermons vers les besoins de ses auditeurs[54].

En résumé, la croissance est possible si l’Église s’engage entièrement dans l’évangélisation : Si elle ne le fait pas, soit elle stagnera, soit elle mourra[55]. C’est grâce aux buts fixés et à l’implantation de cellules de maison que la croissance aura lieu[56]. La cellule de maison rassemble les chrétiens durant la semaine. La mission de ceux qui participent est l’évangélisation. L’évangélisation par le système de cellules de maison doit être le programme principal de l’assemblée et le responsable de l’Église doit s’y investir pleinement tout en déléguant son autorité. Son rôle est de former les animateurs de cellules et de les motiver. Les membres des cellules s’efforcent de témoigner du Christ dans leurs différents milieux de vie : famille, amis, lieux de travail, activités sociales, voisins, etc.. Ils entrent en contact avec leur entourage en cherchant à rendre des services selon les besoins qu’ils rencontrent puis invitent les personnes contactées aux réunions de cellules. Là, ces personnes entendent la parole de Dieu qui est prêchée en vue de leur faire connaître le Christ. Jésus est présenté comme celui qui peut répondre à leurs attentes et à leurs aspirations : miséricorde, salut, paix, guérisons, etc.. Quand ils acceptent Jésus comme « Sauveur et Seigneur », ils sont invités à participer à la vie liturgique dans l’assemblée et à l’évangélisation avec les autres membres des cellules. Leur expérience et leur zèle de nouveaux convertis seront efficaces pour témoigner auprès des personnes nouvelles.

Malgré le succès foudroyant qu’a connu ce pasteur coréen, il dit que sa réussite n’a été ni rapide, ni aisée[57]. Pour mettre en place le système il faut être disposé à investir le temps et les ressources nécessaires[58]. Par contre, une fois en place, le système permet une croissance efficace et durable.


NOTES:

[1] Cf. P. Y. CHO, Les cellules de maison et la vie de l’église, Miami, Ed Vida, 1989, pp. 43-44.

[2] Ac 2:46-47 : Jour après jour, d'un seul cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple et rompaient le pain dans leurs maisons, prenant leur nourriture avec allégresse et simplicité de cœur. Ils louaient Dieu et avaient la faveur de tout le peuple. Et chaque jour, le Seigneur adjoignait à la communauté ceux qui seraient sauvés.

[3] Cf. P. Y. CHO, op. cit., p. 22.

[4] Ibid., p. 62.

[5] Cf. ibid., pp. 49-50.

[6] Cf. ibid., p. 63.

[7] Cf. ibid.,, p.81.

[8] Ibid., p. 88.

[9] Ibid., p. 40.

[10] Cf. ibid., p. 44.

[11] Cf. P. Y. CHO, Au-delà des chiffres, Miami, Ed Vida, 1986, p. 35.

[12] Cf. id, Les cellules de maison et la vie de l’Église, p. 118.

[13] Cf. ibid., p. 43.

[14] Cf. id, Au-delà des chiffres, p. 52.

[15] Cf. ibid., p. 49.

[16] Id, Les cellules de maison et la vie de l’Église, p. 117.

[17] Id, Au-delà des chiffres, p. 47.

[18] Cf. ibid., p. 42.

[19] Id, Les cellules de maison et la vie de l’Église, p. 138.

[20] Cf. id, Au-delà des chiffres, p. 141.

[21] Cf. id, Les cellules de maison et la vie de l’Église, p. 142.

[22] Cf. id, Au-delà des chiffres, p. 40.

[23] Cf. ibid., p. 142.

[24] Cf. id, Les cellules de maison et la vie de l’Église, p. 108.

[25] Cf. id, Au-delà des chiffres, p. 44.

[26] Cf. id, Les cellules de maison et la vie de l’Église, pp. 142-143.

[27] Cf. id, Au-delà des chiffres, p. 11.

[28] P. id, Les cellules de maison et la vie de l’Église, p. 109.

[29] Cf. id, Au-delà des chiffres, p. 22.

[30] Cf. ibid., p. 40.

[31] Cf. ibid., p. 14.

[32] Id, Les cellules de maison et la vie de l’Église, p. 168.

[33] Cf. ibid., p. 167.

[34] Cf. ibid., p. 169.

[35] Cf. id, Au-delà des chiffres, p. 40.

[36] Cf. id, Les cellules de maison et la vie de l’Église, p. 170.

[37] Cf. ibid., p. 162.

[38] Cf. ibid., p. 165.

[39] Cf. ibid., p. 170.

[40] Ibid., p. 169.

[41] Cf. ibid., p. 79.

[42] Cf. id, Au-delà des chiffres, p. 32.

[43] Id, Les cellules de maison et la vie de l’Église, p. 123.

[44] Cf. ibid., p. 131.

[45] Cf. id, Au-delà des chiffres, p. 120.

[46] Cf. id, Les cellules de maison et la vie de l’Église, p. 132.

[47] Ibid., p. 145.

[48] Cf. ibid., p. 147.

[49] Cf. ibid., p. 148.

[50] Cf. ibid., p. 145.

[51] Ibid., p. 120.

[52] Cf. ibid., p. 147.

[53] Cf. ibid., p. 148.

[54] Cf. ibid., p. 156.

[55] Ibid., p. 61.

[56] Cf. ibid., p. 83.

[57] Cf. id, Au-delà des chiffres, p. 7.

[58] Cf. ibid., p. 49.