3.3 Le pasteur Rick Warren

Rick Warren est le pasteur fondateur de l'Église Saddleback Valley Community Church en Californie. Il est né à San José en Californie et a obtenu un bac au California Baptist College, une maîtrise au Southwestern Theological Seminary, et un doctorat au Fuller Theological Seminary. À cause de son aptitude à faire croître son Église, on l’appelle « l'inventeur du renouveau perpétuel »[84]. Plus de 50.000 pasteurs et responsables d’Églises locales de soixante dénominations différentes ont assisté à ses séminaires et conférences. Son livre le plus connu est The Purpose Driven Church traduit en plusieurs langues et vendu à trente mille exemplaires. C’est avec son épouse, Kay, qu’il a commencé son Église en rassemblant quelques personnes dans leur maison. C’était en janvier 1980, ils sont maintenant quatorze mille à célébrer tous les week-ends. Son Église est la deuxième plus grande des États-Unis. Depuis les trois dernières années, elle a connu le taux de croissance ecclésiale le plus élevé en Amérique du Nord. Presque soixante-quinze pour cent des membres y ont été baptisés, dont 2.465 les deux dernières années. En 1995, l’Église de Saddleback a été officiellement reconnue comme l’Église baptiste ayant eu le taux de croissance le plus rapide de toute l'histoire américaine. En septembre 1995, après quinze ans de réunions dans des écoles, des clubs, des entrepôts, et même dans une tente, la communauté a fait construire une Église sur un campus de soixante dix-neuf hectares. De cette communauté sont issues vingt-six autres Églises.

Warren s’aligne sur la pensée de McGavran pour dire que Dieu veut la croissance numérique des Églises et que les brebis égarées doivent êtres retrouvées[85]. D’après lui, la Bible, particulièrement les paraboles du Royaume, nous confrontent à une vérité essentielle : Dieu s’attend à ce que l’on fasse augmenter le nombre des chrétiens. La croissance n’est pas optionnelle et nous avons le devoir de la poursuivre[86]. Pour faire grandir une communauté, dit-il, ça prend plus que la bonne volonté, la consécration ou la piété ; ça prend de la compétence. Il ne s’agit pas de travailler plus durement mais de travailler plus intelligemment. La croissance est le fruit d’une coopération entre Dieu et les êtres humains. Il relie la capacité de croissance d’une communauté chrétienne à la santé de l’organisation ecclésiale. Les méthodes et planifications sont incontournables : c’est la grâce de Dieu qui, passant par nos efforts et notre intelligence, produit la croissance[87].

Rick Warren estime qu’il n’y a pas de stratégie unique pour assurer la croissance. Après avoir étudié de nombreuses Églises en croissance, il a constaté que plusieurs utilisent des stratégies parfois très différentes. Ce serait simpliste et inapproprié, dit-il, de penser qu’il n’y a qu’une clé pour assurer la croissance d’une communauté[88]. Il y a plusieurs moyens pour croître : les écoles du dimanche, les cellules de maison, l’utilisation de la musique contemporaine ou de la musique traditionnelle, les visites à domicile[89]. On ne retrouve pas tous ces facteurs dans chacune des Églises en croissance; les stratégies, les structures et les styles varient, mais il existe des points communs entre ces différentes communautés et il faut savoir en extraire des principes généraux[90]. Il ne s’agit pas de calquer un modèle mais d’utiliser les principes pour les adapter à son milieu[91].

Rick Warren a remarqué qu’un des éléments communs des Églises en croissance est une caractéristique particulière du leadership. Les pasteurs s’attendent à ce que leurs assemblées grandissent, ils croient en l’action de Dieu et en ses promesses. C’est le secret de leur réussite, ils s’attendent à voir des miracles et ils se rendent disponibles pour que Dieu les utilise à travers leur foi[92]. Les communautés en croissance ont une identité claire et précise. Elles savent pourquoi elles existent et quels sont leurs buts. Elles savent précisément à quoi Dieu les appelle. Elles se consacrent à faire des disciples, à faire aimer Dieu et le prochain[93]!

Rick Warren a adopté un style de leadership qui partage pouvoir et responsabilités. Il s’organise et travaille avec les membres non-ordonnés[94] en les formant et en leur confiant des responsabilités. Il essaye de réveiller les nombreux talents, les ressources, l’énergie et la créativité des membres de sa communauté[95]. Dans sa façon de diriger, il essaye d’éviter deux extrêmes : l’un est d’assumer toute la responsabilité pour l’évangélisation et l’autre est de s’en décharger complètement[96]. Il explique que pour trouver l’équilibre, le pasteur et les laïcs ne doivent pas confondre leurs rôles : les laïcs n’ont pas à s’approprier le leadership de la communauté et les pasteurs n’ont pas à se donner l’exclusivité des ministères[97]. Définir la mission, la mettre par écrit, la communiquer par une vision claire et des rêves est, dit-il, le point de départ de l’action du dirigeant[98]. Mais, pour définir ses objectifs, il faut bien connaître les besoins du milieu et rester ouvert aux changements de l’environnement, lui-même n’a pas hésité à faire un sondage dans son quartier. La longueur du mandat pastoral est essentielle; en effet, si un long mandat pastoral ne garantit pas la croissance, un changement fréquent du premier responsable empêche la croissance[99] : A Church that rotate pastors every few years will never experience consistent growth[100].

La communauté du pasteur a concentré son évangélisation sur une partie de la population. Elle a visé les personnes qui peuvent facilement s’identifier aux autres membres de la communauté[101]. Rick Warren explique qu’il faut viser en priorité les personnes qui n’habitent pas trop loin, celles que l’on comprend, avec qui l’on est déjà en lien, avec qui l’on a des points communs et que l’on peut aider. Pour permettre la croissance, la communauté ne devrait pas chercher à être ce qu’elle n’est pas et à rejoindre des personnes qui lui sont trop différentes. Il vaut mieux aussi concentrer ses efforts pour rejoindre les personnes réceptives : Growing churches focus on reaching receptive people. Nongrowing churches focus on reenlisting inactive people[102].

Comme les Églises des pasteurs Cho et Galloway, l’Église de Rick Warren fonctionne avec une structure de groupes de maison. Les membres de sa communauté cherchent à offrir à ceux qui viennent une atmosphère d’accueil et d’amour : Les communautés qui grandissent aiment et les communautés qui aiment grandissent[103]. Ils sont spécialement ouverts et sympathiques aux personnes qui viennent pour la première fois[104]. Warren a cherché à mettre en place un processus d’intégration des nouveaux qui permet à la fois de les fidéliser et de les impliquer dans la mission. Il le fait en offrant une formation sous forme de cours qui amènent les nouveaux à comprendre l’importance de leur implication dans l’Église locale. D’autres cours ont pour but de faire découvrir leurs talents à l’ensemble des membres afin qu’ils les mettent au service du Christ et de son Église. Ce processus est un élément central qui a contribué à sa croissance. La clé de son succès se résume en trois mots : faire des disciples : If you will set up a process for developing disciples and stick with it, your church’s growth will be healthy, balanced and consistent[105].

L’Église de Rick Warren a pour but de fortifier la communauté en accueillant des nouveaux, en les fidélisant et en les formant au fur et à mesure qu’ils viennent à l’Église; un peu comme un arbre qui fortifie ses propres branches au fur et à mesure qu’il grandit. Warren fait grandir spirituellement les membres de sa communauté en leur donnant des cours adaptés à leur cheminement. Il explique qu’il est nécessaire de fortifier les jeunes pousses afin de soutenir la croissance future. Les Églises qui se donnent comme priorité d’intégrer les nouveaux et qui planifient leurs activités en fonction de cette nécessité seraient couronnées de succès. Celles qui ne se préoccupent pas des nouvelles personnes ou qui ne se soucient pas de les intégrer ne grandissent pas; Churches that don’t care about new members, or are haphazard in assimilating them don’t grow[106]. Quand de nouvelles personnes visitent l’église ou y reviennent depuis peu, il leur propose de suivre des cours qui les fidélise, en font des membres réguliers, les amènent à s’impliquer et à devenir missionnaires.

Warren organise sa communauté afin qu’elle soit toujours plus chaleureuse et réponde aux besoins des personnes du milieu[107]. Répondre aux besoins des personnes du milieu, c‘est adapter les services offerts par l’Église à la population locale. Pour lui, une communauté ne peut pas grandir au-delà de sa capacité à répondre aux besoins des gens. C’est dans cette optique que son Église accorde une attention toute particulière au style de musique utilisé dans les célébrations. La musique est un des éléments importants qui favorise la croissance. Le genre de musique doit correspondre aux goûts des personnes qu’on cherche à rejoindre[108]. Après un sondage pour mieux connaître les personnes de son milieu, Warren a changé radicalement son style de chants et de musique. Après un an, leur communauté a littéralement explosé de croissance[109].

Mais il ne s’agit pas de viser exclusivement la croissance numérique : The truth is, you won’t grow large if that is all you care about[110]. On n’a pas à s’inquiéter de la croissance[111] mais plutôt d’accueillir avec amour les personnes que Dieu nous envoie[112]. Dieu fera croître la communauté au rythme qu’il voudra et aux dimensions qu’il voudra[113]. Warren se soucie plus des personnes que des chiffres. Il est convaincu que la croissance est le résultat d’une organisation saine ; si l’organisation est saine, elle va croître. Et la santé d’une organisation est une question d’équilibre[114]. Rick Warren développe cinq niveaux communautaires et se donne pour objectif de les garder en équilibre : 1. fellowship (Communion fraternelle); 2. DISCIPLESHIP (Faire des disciples); 3. WORSHIP (Célébrations liturgiques); 4. MINISTRIES (Ministères laïcs); 5. ÉVANGELISM (Évangélisation). Une stratégie particulière est élaborée pour développer chacun de ces niveaux, la structure de l’Église est adaptée et le tout est évalué en fonction de l’excellence[115].


NOTES:

[84] C’est Peter Drucker, auteur de réputation mondiale en gestion, qui lui a attribué ce surnom.

[85] Cf. R. WARREN, The Purpose Driven Church : Growth without compromising your message and mission, Grand Rapids, Michigan, Zondervan Publishing House, 1995, p. 29.

[86] Cf. ibid., p. 105.

[87] Cf. ibid., pp. 56-60.

[88] Cf. ibid., p. 128.

[89] Cf. ibid., p. 61.

[90] Cf. ibid., p. 31.

[91] Cf. ibid., p. 68.

[92] Cf. ibid., p. 398.

[93] Cf. ibid., p. 103.

[94] Cf. ibid., , pp. 70 et 77.

[95] Cf. ibid., p. 365.

[96] Cf. ibid., p. 58.

[97] Cf. ibid., p. 378.

[98] Cf. ibid., pp. 80ss, p. 111 et 118.

[99] Cf. ibid., p. 31.

[100] Ibid., p. 31.

[101] Cf. ibid., pp. 157-159.

[102] Ibid., p. 183.

[103] Ibid., p. 210 (notre traduction).

[104] Cf. ibid., p. 210.

[105] Ibid., p. 108.

[106] Ibid., p. 311.

[107] Cf. ibid., p. 48.

[108] Cf. ibid., p. 280.

[109] Cf. ibid., p. 285.

[110] Ibid., p. 48.

[111] Cf. ibid., p. 394.

[112] Cf. ibid., p. 14.

[113] Cf. ibid., p. 394.

[114] Cf. ibid., p. 16.

[115] Cf. ibid., pp 141-151 et p. 275.