5.1 Gestion par objectifs dans les Églises

Se fixer des objectifs mesurables est une des prescriptions de McGavran. Cela permet de concentrer ses efforts et de rester « collé » à l’essentiel de la mission chrétienne[2]. La gestion par objectifs que l’on trouve dans les Églises en croissance reliées au MCE et qui est proposée comme un facteur de croissance par la plupart des auteurs du Mouvement est l'un des tout premiers principes établis par les auteurs en gestion : Pour gérer, il faut avoir un but[3].

La gestion par objectifs, comme son nom l'indique, est une méthode de management qui s'appuie sur des objectifs clairement définis et sur l’évaluation des résultats[4]. Le but peut être considéré comme la raison d'être de l’organisation, car le processus de gestion implique une prise de décision qui sélectionne des options et évalue les résultats en fonction de buts définis. C'est l'un des préceptes les plus fondamentaux du management classique et moderne, car sans des objectifs clairs, précis et connus, il est impossible de gérer[5].

On comprend mieux dans cette logique pourquoi le pasteur Cho précise l’objectif des cellules : Les cellules qui se rassemblent sans avoir comme objectif l’évangélisation n’engendrent pas la croissance de l’Église[6]. Il fixe lui-même des objectifs numériques pour chacune des cellules et pour chaque district composé de plusieurs cellules[7].

Lorsque McGavran insiste pour dire que la croissance numérique est la volonté de Dieu, qu’il faut donner la priorité à l’évangélisation et se donner des objectifs numériques, il souhaite en fait préciser l’objectif de la mission chrétienne telle qu’il la comprend. Il est difficile d’avancer si l’on ne sait pas où l’on va, ce que l’on veut et pourquoi on le veut. Clarifier la mission et ses fondements théologiques enlève les hésitations pastorales et permet d’être plus efficace.

La plupart des spécialistes du management attribuent la paternité de la gestion par objectifs à Peter Drucker. Né en Autriche en 1909, Drucker a enseigné le management à l'université de New York ainsi que dans plusieurs collèges et universités. Il a écrit un livre considéré comme une classique en gestion : The Practice of Management. On peut y lire qu’une organisation obtiendra des résultats si la Direction dirige en fonction d’objectifs[8] et utilise à la fois les ressources humaines et les ressources matérielles qui sont à sa disposition[9]. Diriger c’est entreprendre, créer, innover en fonction de ces objectifs ; ce n’est pas simplement administrer ou gérer passivement une affaire[10].

L’Église de Rick Warren, afin de clarifier ses buts et ses objectifs, a été jusqu’à mettre par écrit un énoncé de mission[11]. Les énoncés de mission on en retrouve par milliers dans les organisations[12]. Ils définissent la mission de l’organisation en termes de buts. Ces buts sont mis par écrit pour être diffusés. L’énoncé de mission présente d’une manière claire et concise l’identité, la raison d'être, la vision, la mission, les buts, les objectifs et parfois les stratégies de l’organisation. Chaque compagnie, grande ou petite, peut ainsi se diriger, motiver ses forces dans une direction précise. Les employés, les clients, les bénéficiaires, les bienfaiteurs et les actionnaires s’il y a lieu, savent ce que l’organisation représente et là où elle se dirige. L’énoncé de mission définit ce qui fait la spécificité d'une organisation par rapport aux autres. Les entreprises dont la mission est décrite avec précision seraient plus performantes.

Peter Drucker s’est beaucoup intéressé au développement et à la communication des buts de l'entreprise. Il était sûr qu’un certain nombre d’organisations disparaissent simplement parce qu'elles oublient de se poser une question élémentaire : que faisons-nous exactement[13]? Tout au long de la réflexion managériale, les buts et les objectifs sont demeurés un paradigme classique en gestion. Et l’on voit clairement les pasteurs des Églises en croissance reliées au MCE faire beaucoup d’efforts pour aider les communautés à préciser leur identité et leurs objectifs.


NOTES:

[2] Cf. ibid., p. 413.

[3] J. DUNCAN, Les grandes idées du management : Des classiques aux modernes, Paris, AFNOR, 1990, p. 99.

[4] Cf. ibid., p. 99.

[5] Ibid., p. 101.

[6] P. Y. CHO, Les cellules de maison et la vie de l’Église, p.117.

[7] Ibid., pp. 49-50.

[8] Cf. P. Drucker, The Practice of Management, Harper and Brothers, New York, 1954, p. 11.

[9] Parmi les éléments en jeu dans les ressources humaines on trouve, la personnalité des membres, leur individualité, les contrôle sur l’efficacité, la qualité et la quantité de leur travail, les stimulants pour la participation, les satisfactions, les primes et récompenses, les impulsions données par les chefs, le statut et la fonction (Drucker, p. 14).

[10] Cf. P. Drucker, op. cit., chapitre 5.

[11] Voici l’énoncé de mission de l’Église Saddleback : To bring people to Jesus and membership in his family, develop them to Christ like maturity, and equip them for there ministry in the church and life mission in the word, in order to magnify God’s name (R. WARREN, op. cit., p. 107.).

[12] Voici un exemple réel d’énoncé de mission (de la compagnie J. C. Penney Company, Inc. De C O . On en trouve des centaines dans le livre de M. Abrahams, Jeffrey : The mission statement book : 301 corporate mission statements from America's top companies (1995) :

- servir le public et le satisfaire du mieux possible.

- recevoir une juste rémunération pour notre service, sans chercher tout le bénéfice possible.

- donner au client le plus possible pour sa contribution, que ce soit en qualité ou en satisfaction.

- se donner une formation permanente afin que notre service soit rendu le plus intelligemment possible.

- améliorer constamment la dimension humaine de notre entreprise.

- partager les bénéfices que nous engendrons avec des hommes et des femmes de notre organisation.

- évaluer toute notre politique intérieure, nos méthodes et nos actes à la lumière de cette phrase: est-ce juste et équitable? (p. 428).

[13] Cf. J. DUNCAN, op. cit., p. 105.