6.2.1 Prophétisme et compassion

Il est important de préciser que le ministère de Jésus se situe dans un contexte historique précis : Jésus est dans la tradition des prophètes, il exerce un ministère de proclamation en appelant, comme l’a fait Jean Baptiste, au repentir en vue du salut. Il se dévoue exclusivement pour Israël et va jusqu’à refuser toute autre sollicitation (Cf. Mat 15:25)[17]. Il est sans cesse en mouvement, guérissant les malades, pardonnant les péchés et annonçant le Royaume de Dieu. Le nombre même de ses apôtres confirme cette dimension prophétique en renvoyant aux douze tribus d’Israël alors que son enseignement messianique renvoie aux temps futurs quand tout Israël sera sauvé[18].

Les Évangiles, dès le début du ministère public de Jésus, mettent en avant cette dimension de proclamation. Mais Jésus semble autant intéressé à être proche des exclus, des pauvres et des malades pour les guérir qu’à enseigner ses auditeurs. Et bien que son ministère concerne d’abord exclusivement ceux qui sont juifs, son attitude s’oppose aux comportements, aux pratiques et aux structures qui tendaient à restreindre ou à exclure des membres potentiels de la communauté israélite[19]. Il s’agit de ceux que l'establishment juif marginalisait : les pauvres, les aveugles, les lépreux, les affamés, ceux qui pleurent, les pécheurs, les collecteurs d'impôts, les possédés, les persécutés, les prisonniers, le simple peuple ignorant de la Loi, les petits, les derniers, les brebis perdues, les prostituées[20]. C’est l’amour qui guidait Jésus; avec compassion, il allait vers ceux et celles qu'on avait mis de côté. C’est avant tout cela le but de son ministère, le soulagement des souffrances et la réconciliation avec Dieu : Par le ministère de Jésus, Dieu inaugure son règne eschatologique en faveur des pauvres, des humbles et des méprisés[21].

Si Jésus allait en priorité vers les marginalisés, c’est parce que leur situation était source de souffrance ; souffrance du rejet, de l’humiliation et qu’à la différence des bien-portants, de ceux qui se croyaient justes devant Dieu, ils répondaient à son appel à la conversion (Cf. Mat 21:31). Jésus est à l’écoute de ceux qui l’entourent pour les soulager par la force de l’Esprit. Son but n’était pas de rassembler le plus de personnes possible dans les synagogues. Il guérissait les malades par compassion et à la vue de ces prodiges, les foules se rassemblaient autour de lui pour écouter son enseignement.


NOTES

[17] Cf. D. J. BOSCH, Die Heidenmission in der Zukunftsschau Jesu: Eine Untersuchung zur Eschatologie der Synoptischen Evangelien. Zurich: Zwingli Verlag, 1959, p. 77.

[18] Cf. L. GOPPELT, Theology of the New Testament, vol 1. Grand Rapids, Eerdmans, 1981, pp. 207-213.

[19] D. SENIOR, « The Foundations for Mission in the New Testament », dans The Biblical Foundations for Mission de Donald Senior and Carroll Stuhlmueller, Maryknoll, Orbis Books, 1983, p. 154.

[20] A. NOLAN, Jesus Before Christianity, Maryknoll, N.Y./Le Cap, Orbis Books/David Philip 1976, pp. 21-29.

[21] D. J. BOSCH, La dynamique de la mission chrétienne, Histoire et avenir des modèles missionnaires, Labor et Fides 1996, p. 41.