6.2.3 Appel et formation de disciples

Dans son ministère, Jésus s'adjoignit des disciples (Mc 1:16-20 et par.). À la qualité de prophète qui lui était reconnue, s’ajoute celle de maître, ce qui signifie une modification dans le rythme et le style de son action[30]. Si donc Jésus a cherché avant tout à soulager les souffrances par ses guérisons et enseigner le vrai chemin par sa prédication, il a aussi voulu entraîner d’autres à faire comme lui, à embrasser la même mission : L'appel des disciples est un appel à suivre Jésus et à être mis à part pour une activité missionnaire. L'appel, le rôle des disciples et la mission se tiennent[31]. S’il n’avait pas forcément comme but d’attirer des foules, il a certainement eu celui d’appeler un petit nombre de personnes à le suivre pour les enseigner d’une manière particulière. Les rabbins de cette époque appelaient aussi des disciples à leur suite mais pour qu’ils deviennent des étudiants. Mais les disciples de Jésus, ne s'inclinent pas seulement devant le savoir de leur maître; ils sont aussi ses serviteurs (douloi) et s’inclinent devant lui, le Seigneur. Et ce Maître enseigne en donnant l’exemple, il occupe aussi la fonction de serviteur, accomplissant le travail le plus méprisé, celui de laver les pieds (Jn 13) [32]: Le point culminant de ce service est, naturellement, sa mort sur la croix[33] … Car le Fils de l'homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude (Mc 10:45). Jésus est passé par la souffrance et celle-ci sera aussi la coupe de ceux qui le suivent : le Fils de l'homme appelle ses disciples à marcher sur la route de la mission où il les précède[34].

Si des disciples sont appelés, c’est non seulement pour être avec lui (Mc 3:14), mais aussi pour travailler avec lui et parfois être renvoyés avec lui[35]. Cette caractéristique itinérante du ministère de Jésus contraste avec la stabilité d’un responsable de communauté. Jésus allait vers les personnes et ne semble pas avoir établi lui-même de structure pour les rassembler d’une manière régulière. Il y avait déjà les synagogues et son but n ‘était pas d’appeler les brebis perdues de la maison d’Israël à aller à la synagogue mais de prêcher la manière authentique d’aimer Dieu et le prochain, c’est-à-dire de pratiquer la Loi et d’être fidèle à l’Alliance. Les disciples qui ont reçu un appel personnel de Jésus sont, comme lui, au service du règne de Dieu et il les envoie, comme lui, prêcher et guérir sans leur donner d’objectifs numériques… Les Évangiles synoptiques utilisent d’ailleurs les mêmes mots pour les activités de Jésus et celles des disciples, que ce soit pour prêcher, enseigner, évangéliser, exorciser et guérir.

Même après l’événement pascal, Jésus continue à instruire et à envoyer ses disciples. Il leur donne l’Esprit qui leur donne le pouvoir de pardonner les péchés et qui leur rappellera tout ce qu’il a dit (Cf. Jn 20:26 et 14:26). Ils ne sont donc pas laissés seuls. Avant la croix, être disciple, c’était être avec Jésus ; après la Pentecôte, c’est être avec l’Esprit pour continuer la mission. Jésus a voulu guérir les foules et les instruire mais les personnes qu’il a rassemblées pour être avec lui d’une manière régulière étaient en réalité un petit nombre. Ce n’est qu’après la Pentecôte qu’on parla proprement dit de communauté.

L’appel des disciples nous apprend que Jésus a pensé au temps où il ne serait plus là. Il n’a pas voulu que son action s’arrête avec son départ. Il a confié à ses disciples les pouvoirs charismatiques qu’il avait lui-même afin qu’ils continuent sa mission après lui. Après une première percée, qui est celle du « message » initial, Jésus s'arrête, s'entoure de « disciples », adopte le comportement social et les usages littéraires du « maître » et, ainsi, s'adonne à ce qu'on appelait alors l' « instruction »[36]. Le sens de l’action missionnaire de l’Église est donc à regarder à la lumière de la mission même de Jésus qui ne repose pas sur la quantité de disciples et on le voit mal compter le nombre de personnes qui se rassemblent autour de lui, dessiner des graphiques de croissance et évaluer la réussite de son ministère au nombre de personnes rassemblées. Jésus était un guérisseur, un libérateur, un héraut et un maître qui agissait par amour.

NOTES

[30] Cf. J.-P. AUDET, Le projet évangélique de Jésus : Sa mise en œuvre, son style, son sens et sa portée depuis les commencements jusqu’à la fin de l’âge apostolique, Aubier-Montaigne, 1969, pp. 85-86 (Ce livre de Jean-Paul Audet à été réédité en 1998).

[31] R. PESCH, « Berufung und Sendung, Nachfolge und Mission. Eine Studie zu Mk 1:16-20 », Zeitschrift fiir Katholische Theologie, vol. 91/1969, p. 15.

[32] Cf. D. J. BOSCH, op. cit.,. p. 54.

[33] Ibid., p. 54.

[34] C. BREYTENBACH, Nachfolge und Zukunftserwartung nach Markus. Eine methodenkritische Studie. Zurich, Theologischer Verlag, 1984, p. 278.

[35] Cf. E. SCHWEIZER, Jesus. Richmond, John Knox, 1971, p. 41.

[36] J.-P. AUDET, op. cit.,. p.86.