8.1 Des nouvelles approches missionnaires

Dans son livre La dynamique de la mission chrétienne, Histoire et avenir des modèles missionnaires (1996), le théologien David Bosch fait une description pertinente de différents modèles missionnaires qui ont vu le jour au XXe siècle. Ce qui suit s’inspire de son travail et, sans reprendre en détail toutes ses idées, montre qu’il existe d’autres façons de concevoir la mission que celle du Mouvement de la croissance des Églises. De l’expérience de ces modèles, il sera possible de trouver des éléments aptes à mieux comprendre et résoudre la problématique.

Le premier modèle missionnaire est celui d’une Église qui s’engage dans un processus de libération[1]. Au cours du XXe siècle la sotériologie a connu des changements significatifs amenant à voir le salut non seulement dans sa dimension verticale mais aussi dans sa dimension horizontale. Comme le salut se réalise en cette vie, qu’il est actuel[2], la mission de l’Église est de travailler pour délivrer les êtres humains de ce qui les opprime, socialement, politiquement et économiquement. Ce modèle, relié aux théologies de la libération, a donné naissance aux Communautés de base qui se sont beaucoup répandues en Amérique Latine. Il unit les humains entre eux, fait irruption dans les structures perverties et injustes pour les abolir. Contrairement à l’approche du MCE, on donne plus d’insistance au salut horizontal terrestre qu’au salut vertical, spirituel et apocalyptique.

Un autre modèle décrit par Bosch est celui de l’Église-avec-les-autres[3]. Dans ce celui-ci, l’Église se considère plus comme un signe de l'engagement de Dieu dans le monde que comme le héraut du salut eschatologique. Son rôle est de contribuer à l'humanisation de la société. Elle s'engage à éveiller les consciences et n'existe que comme partie organique et intégrante de la communauté humaine. Elle ne conçoit pas sa vie de façon indépendante de la communauté humaine globale. Ce modèle fut particulièrement en vogue dans les années 1960 et au début des années 1970. Il y avait une forte identification avec le monde, reflétant une vision de l'humanité très optimiste.

Un autre modèle missionnaire décrit par Bosch est celui de la missio Dei[4]. Karl Barth fut le premier à en présenter un exposé clair. Dans celui-ci, l’engagement de l’Église découle de la nature de Dieu, elle déborde du cœur de la Trinité. L’envoi du Fils par le Père et l’envoi de l'Esprit par le Père et le Fils, est continué par l'envoi de l’Église dans le monde. L’engagement chrétien ne prend pas une allure triomphaliste ; y prendre part c’est communier au mouvement de l’amour de Dieu pour les êtres humains. La mission a son origine dans le cœur de Dieu[5]. La missio Dei, c’est l’activité de Dieu embrassant à la fois l’Église et le monde, à laquelle l’Église a le privilège de participer[6]. L’Église est au service d’un Dieu amour qui se communique, sa mission est communication de l’amour de Dieu au monde[7]. L'histoire de l’humanité est vue comme une histoire d'amour dans laquelle le règne de Dieu progresse par le travail de l'Esprit et de l’Église. C’est l’amour qui est le moteur de l’engagement ecclésial dans le monde, non pas la volonté d’expansion.

Un autre modèle ecclésial, est celui de la contextualisation[8]. Il est relié à la notion d’inculturation; sa thèse fondamentale est que si le message évangélique s’est incarné dans la vie et le monde de ceux qui l’avaient embrassé, l’Église reste en devenir. On n’a pas à reconstruire un modèle ecclésial tiré du passé; il faut réfléchir sur la vie et l'expérience des hommes et des femmes d’aujourd’hui pour y situer la place de l’Église. L'Église est à la fois le produit du passé et la semence du futur. Ce modèle comporte l’acceptation des différentes « théologies locales ». La théologie n’est pas définie une fois pour toutes, et elle n’a pas simplement à être « indigénisée » dans les différentes cultures[9]. Il invite au dialogue entre les différentes cultures; dialogue qui contraste avec une évangélisation à sens unique dans laquelle l’Église estime qu’elle a tout à apporter et rien à recevoir.

Nous constatons ici que c’est un élargissement de la conception du salut qui a permis l’apparition de modèles missionnaires différents. Ces modèles missionnaires ne font pas de la recherche numérique un des buts principaux de l’Église, pourtant ils sont eux aussi, à leur manière, signe de l’amour et de l’engagement de Dieu dans le monde.



NOTES

[1] Cf. D. J. BOSCH, La dynamique de la mission chrétienne, Histoire et avenir des modèles missionnaires, Labor et Fides 1996, pp. 580-599.

[2] Cf. ibid., p. 531.

[3] Cf. ibid., pp. 499-525.

[4] Cf. ibid., pp. 525-530.

[5] Ibid., p. 529 .

[6] Ibid., p. 528 .

[7] Cf. ibid., p. 528.

[8] Cf. ibid., pp. 565-579.

[9] Cf. ibid., pp. 567-573.